Une vieille paysanne roumaine montre ses bas, un large sourire aux lèvres ; une jeune femme semble accrochée au mur de sa chambre, endormie sur un oreiller, sereine et paisible ; un drap qui s’envole du lit comme une colombe de son nid... les photographies de Dana Cojbuc contrastent avec la violence ou le sarcasme véhiculés par notre société pressée et pressante. Levons le voile sur une jeune artiste contemporaine francophone pour qui l’Europe et le dialogue entre les cultures n’est pas qu’une posture.
- Je me suis endormi sur le mur - 3
- Ph : Dana Cojbuc
Tout démarra aux Beaux-Arts à Bucarest à la fin des années 90. La photographie et la vidéo y ont ses préférences. Sans doute ne sait-elle pas encore comment mettre en musique les connaissances qu’elle emmagasine là. A tel point que, le diplôme en poche, elle part pour la Grèce, bénéficiant de la facilité des échanges internationaux pour les étudiants. Elle s’engage pour une année de faculté de langue avant d’intégrer une école de communication et de mass media à Thessalonique. Déjà Dana s’interroge sur la complémentarité entre ses différentes années d’études. Si on considère que le journalisme demande rigueur et méthode accompagnées d’une capacité à écouter l’autre, on s’éloigne de l’artiste qui par essence progresse par la seule volonté d’offrir aux autres sa propre vision du monde qui l’entoure. Mais Dana se moque de ce paradoxe, elle s’instruit et se nourrit. Elle triera ses connaissances plus tard !
- Sexy ladies - 3
- Ph : Dana Cojbuc
La période grecque s’achève, Paris prend la relève. C’était en 2005. Le temps du choix ! Les Beaux-Arts et la photographie s’imposent... la tentation du journalisme s’évanouit sous le poids de l’envie de créer. Le premier projet auquel elle s’attache n’est pas un franc succès. Il s’appelait malicieusement “un sourire de toi et je quitte ma mère” et n’a pas été mené à son terme par les organisateurs. Pourtant Dana a compris que c’était dans cette voie qu’elle devait poursuivre. Elle se met en quête des appels à projets. “ Soit je travaille sur le thème imposé, soit j’adapte mon travail existant. J’aime la contrainte d’un thème imposé. Cela oblige à réfléchir.” Ainsi pour participer au “Mois de la Photo” en novembre à Paris dont le thème est “Collection”, s’est-elle mise en tête de demander à ses amis de lui confier des “morceaux de corps” ! Des dents, des cheveux... qu’elle assaisonnera à sa sauce photographique ! Une sauce aigre-douce dont les ingrédients sont l’humour, le sens du décalage et le second degré. Des paramètres qui soutiennent sa volonté d’aborder les sujets avec légèreté.
“Traiter le grave avec humour” résume la jeune femme. Voilà qui marque définitivement la fracture avec le journalisme ! “Je me méfie du mélange des genres entre journalisme et création artistique”. Ne comptez pas sur Dana Cojbuc pour satisfaire à la mode de l’esthétisation de la violence ou de la mise en scène réaliste des faits-divers. Pour parvenir à ses fins, Dana marche en équilibre sur la ligne frontière entre le reportage et la mise en scène tout en gérant l’économie de moyens : “J’utilise la lumière et les décors naturels et j’improvise en jouant avec la présence des êtres humains”. Un jeu au service d’une vocation : “transmettre des épidémies positives” ! Une véritable profession de foi artistique qu’elle décline en travaillant sur le rire ou le sommeil. “J’ai l’impression d’être plus à l’aise sur le fond que sur la forme. J’aime que l’accent soit mis sur le sens, que mes photos fassent parler ou réfléchir quitte à négliger quelque peu le sens artistique.” Par petites touches Dana Cojbuc nous invite à entrer dans un univers personnel, jamais voyeur, même si il laisse entrevoir une part intime de celles et ceux qui ont accepté de jouer avec elle... en toute légèreté !
- Chambre 61
- Ph : Dana Cojbuc