- 12 infirmières roumaine et une enseignante de français...
- Ph : Philippe Taris
Elles sont 12, pas moins, à avoir rejoint le 18 décembre la clinique Les Chênes d’Aire-sur-l’Adour. Elles se prénomment Mariana, Daniela, Stella… et arrivent de Roumanie. Profession : infirmière. Elles ont été recrutées dans leur pays par le cabinet Laborare Conseil et la directrice de la clinique landaise, Pierrette Voizard. Le manque vital de personnel a été la raison de cette aventure professionnelle et humaine.
Elle commence l’été dernier avec un appel à candidatures par sites Internet interposés et des offres d’emploi affichées dans plusieurs hôpitaux roumains. De Bucarest, de Transylvanie, des Carpates, les CV arrivent en masse. Au total ce sont 500 dossiers qui sont reçus, expédiés de 12 villes différentes. 150 postulantes, diplômées et exerçant déjà la profession, se présentent aux deux entretiens (un en juillet, un en août dernier). Certaines ont fait plus de 1 400 kilomètres aller-retour pour y participer.
« C’était une opération humaine délicate, émouvante. Les femmes étaient inquiètes. Certaines semblaient craindre que nous ne soyons un réseau international de prostitution ou de trafic d’organes. La première sélection se faisait sur la connaissance du français. Pour ce qui est de la pharmacopée, il n’y avait pas grand-chose à redire car elles étaient très compétentes », assure Pierrette Voizard, qui a fait passer les entretiens.
De 150 à 1 500 euros
Lorsqu’elle les questionnait sur leur motivation, la réponse était sincèrement d’ordre salarial. Une infirmière gagne en Roumanie de 150 à 300 euros mensuels ; en France, dans les 1 500 euros net. Tout est dit ou presque. Car parvenir jusqu’à la clinique Les Chênes d’Aire quand on est roumaine, accompagnée de 11 collègues compatriotes, n’est pas une simple formalité. Chaque dossier remis au service de l’immigration des Landes et à l’ARS (Agence régionale de santé) contenait 110 pages.
« Dans l’avion, nous amenions dans nos sacoches des vies humaines, poursuit Pierrette Voizard. Il ne fallait pas se tromper. Le but est d’améliorer les conditions de travail dans notre établissement et donc la prise en charge des patients. Pour autant, le bien-être de nos recrues est un devoir. »
Leur arrivée dans les différents services n’est pas passée inaperçue. « Elle a même suscité quelques craintes, non pas parce qu’elles étaient roumaines, mais simplement nouvelles », assure la directrice. Au bout de ce premier mois de présence, tout est rentré dans l’ordre. Le docteur Christian Barbe, chirurgien de la clinique, est admiratif : « Elles se débrouillent très bien. Je ne vois que des avantages à leur venue étant donné qu’il n’y a plus ni infirmières ni médecins en France. Ces dames volontaires ont du mérite d’avoir laissé leurs familles pour tenter cette expérience. » Du propre aveu des intéressées, le moment des fêtes a été le plus difficile. Elles les auront passées ensemble, loin de leurs bébés pour certaines mamans.
Un matériel plus performant
Dans leur nouvelle vie quotidienne, elles se sont organisées par groupes de quatre selon leur spécialité dans l’établissement de santé. Celles du service de nuit résident à la clinique. Les autres ont pris leurs quartiers en ville, qui dans une maison du centre-ville, qui dans une maison d’hôtes. « Nous vivons une grande expérience car, ici, le niveau est beaucoup plus élevé qu’en Roumanie. Le métier et les techniques sont les mêmes, mais le matériel est beaucoup plus performant. Les médicaments sont souvent différents mais les molécules sont identiques. Quant aux malades, ils sont plus agréables, c’est le paradis. Chez nous, ils sont tout le temps en colère, un vrai champ de bataille », signale Mariana, spécialisée en pharmacologie. « Le plus grand souci, c’est la langue. Pour l’instant, nous parlons comme des Chinois. On pense roumain avant de traduire. Il faut que cela change », confie Stella.
Dans les consignes données, il leur est interdit de communiquer dans la langue natale. Le professeur de français, Catherine Berger, y veille. Tous les jours, elles ont quatre heures de cours. L’apprentissage est crucial pour qu’elles puissent valider leurs tests auprès de l’ARS et l’ordre des infirmiers, mais aussi pour l’examen écrit, courant février, devant les services de l’immigration. En cas d’échec, c’est retour au pays. Plus personne parmi les 140 employés de la clinique ne veut envisager une telle issue. Leur présence est un gage de bonne marche pour l’établissement. Longtemps moribond, il a été repris en 2009 par la Compagnie stéphanoise de santé (C2S). En pleine croissance d’activité, il devrait être certifié cette année par la Haute Autorité de santé.