Tant qu’il y aura des Zeljka Jankovic en Serbie, la langue française aura de beaux jours devant elle ! Zeljka est boulimique ! Précoce et boulimique. Jeune femme pressée diront certains ? Juste engagée. Imaginez qu’à 14 ans, elle n’avait pas encore un mot de français en bouche. Une décennie plus tard environ, car il paraît qu’on ne demande pas son âge à une dame, là voilà assistante et doctorante à l’Université de philologie de Belgrade, spécialiste en littérature française du 17e siècle. Elle écrit de la poésie, chante à la moindre occasion et lit Andreï Makine sans sourciller. Impliquée tant dans le milieu associatif culturel que dans celui de l’entreprise en tant que traductrice, elle n’oublie pas de donner de son temps pour que vivent les jumelages franco-serbes « Prokuplje - Epone » ou « Kragujevac - Suresnes ». Fervente défenseure du français des affaires, Zeljka a ses entrées à l’Institut français de Serbie. Quoi de plus naturel ?
Le mérite d’être francophone
Zeljka Jankovic portait les couleurs de la Serbie au Forum mondial de la langue française. Pas évident d’être francophone serbe au milieu de Marocains, de Wallons, de Québécois ou de Malgaches. Qui pense à la Serbie quand la question porte sur la francophonie ? Peu de monde, pourtant... c’est pays qui connait une longue tradition d’échanges culturels avec la France, mais qui peine à empêcher l’allemand et l’italien de venir supplanter la langue française. La France et la Serbie n’ont pas relations économiques fortes et l’apprentissage du français en pâtit, forcément ! Si on ajoute à ce paramètre complexe qu’est l’économie, le fait que Piaf, Aznavour et Louis de Funès soient toujours les fers de lance de la séduction « à la française », il est légitime de s’interroger sur la capacité d’attraction de la langue française en terre serbe ! Tous les petits Serbes n’en tombent pas amoureux comme le fit Zeljka ! Même elle a ses petites faiblesses désuètes... ne raconte-t-elle pas qu’à chaque séjour parisien elle file en douce de cimetière en cimetière photographier la dernière demeure de Dalida ou celle de Gainsbourg ! Elle n’hésite pas, non plus, à évoquer ce voyage dans un bus comptant autant de jeunes Français que de jeunes Serbes qui vit les Serbes chanter à tu-tête Aznavour et Piaf sous le regard étonné des p’tits Français ! Ne cherchons pas plus loin le décalage de vision éprouvé par les nouveaux venus qui s’attendent à voir Paris en noir et blanc. La Belle époque, l’élégance des Dames à ombrelle et Joe Dassin se trémoussant en pattes d’éléphant ne sont plus d’actualité !
Revenons à Belgrade...
Le Festival de théâtre lycéen francophone de Belgrade est une manifestation qui vit le jour en 1998. Il usa ses créateurs* qui proposèrent à Zeljka de les soulager en prenant leur suite. Bénévole en 2011, « chef » en 2012. Pressée ? Non, juste engagée vous dis-je ! Le festival a toujours été pensé comme un outil de promotion ludique et concret de la langue française. En Serbie, la langue de Senghor et de Rabelais a beaucoup souffert d’un enseignement traditionnel un brin poussiéreux. Le théâtre et l’échange entre jeunes semblaient de bonnes bases pour insuffler de l’air frais ! Une manière de voir qui parla à Zeljka qui, le moment venu, a pu se fondre dans la vie du festival.
En 2014, des lycéens espagnols, tchèques, roumains, monténégrins, français et serbes se sont partagé les planches. Malgré le succès et l’enthousiasme, le festival connaît quelques problèmes de financement. Peu de prix pour les vainqueurs... malheureusement ! Il faut donc donner un coup de fouet : rencontrer d’autres animateurs de festivals du même type, enrichir le carnet d’adresses, connaître de nouveaux acteurs ou « gens de théâtre », se fabriquer une crédibilité au-delà de la confluence de la Save et du Danube ! Voilà pourquoi, Zeljka a porté les couleurs de la Serbie au FMLF de Liège en compagnie de Marija Nesic, professeur de français à l’école primaire Ribnikar de Belgrade qui fut sélectionnée dans la catégorie des projets éducatifs. Les deux jeunes femmes n’ont certes pas, résolu les soucis inhérents au financement, les cordons de la bourse sont "fermés serrés" ces temps-ci. Mais, côté oxygénation et réseautage, le bilan est bien meilleur. La prochaine édition du Festival de théâtre lycéen francophone de Belgrade se tiendra en avril 2016. Il y aura-t-il un avant-Liège et un après-Liège... Zeljka nous le dira !
* Le festival a été imaginé par l’Association des professeurs de français de Serbie dont la présidente est Tatjana Sotra. Les deux coordinateurs principaux jusqu’en 2012 furent Milos Prajzovic, professeur au Lycée philologique de Belgrade et Ljilja Ostojic, professeur de français au Lycée d’Obrenovac. La lectrice de l’Université de Belgrade qui a créé la troupe étudiante du Département de langue et littérature françaises est Brigitte Mladenovic.