Les pratiques langagières des jeunes Algériens font objet d’une production scientifique abondante. Les chercheurs (Morsly 1996, Taleb Ibrahimi 1996,…) les traitent non seulement comme des comportements langagiers, mais aussi comme un objet scientifique à étudier et un phénomène social favorable à la recherche identitaire des jeunes (T. Bulot 1999). Les corpus collectés montrent clairement l’effervescence de toute problématique relative à cette question. Les données sont, par ailleurs, révélatrices d’une dynamique langagière impressionnante : la structure de la langue, sa syntaxe, son lexique, et bien d’autres éléments semblent complètement restructurés. Les jeunes les métamorphosent (J-P. Goudaillier 2000) pour les rendre plus représentatifs de leur mode de communication et de la vision qu’ils se font de leur société. Ainsi, les sociolinguistes évoquent aujourd’hui un parler jeune qui se base sur la déstructuration de la langue et la dévalorisation des codes linguistiques normatifs. Les langues étrangères ne sont pas épargnées- le français, très présent dans le contexte sociolinguistique algérien (D. Morsly 1996, K. T. Ibrahimi 2002, G. Grandguillaume 2003) - semble faire objet de nombreuses déstructurations. Les études faites jusqu’à présent révèlent des exemples significatifs qui confirment que ce français est différent du français normatif et qu’il est typiquement algérianisé (D. Caubet, 1997).
En plus des recherches scientifiques, les jeunes semblent constituer un des sujets favoris pour les médias. Plusieurs journaux, émissions télévisuelles et radiophoniques leur sont consacrés. Il s’agit, dans le présent travail, de nous intéresser à la langue française que ces médias algériens emploient pour s’adresser aux jeunes. Nous pensons, en effet, que si les jeunes sont portés sur la déstructuration de la langue française, c’est parce qu’il existe dans leurs univers des facteurs qui les motivent à le faire. Ainsi les médias, par leur recours à un français « jeune » en sont un des principaux facteurs.
Plusieurs questions se posent alors et nous retiendrons ici les deux suivantes : quelle langue emploient les médias pour s’adresser aux jeunes ? Quels procédés linguistiques, lexicaux ou autres emploient-ils afin d’adapter leurs discours à celui des jeunes ?
Plusieurs études similaires (P. Champagne 1993, E. Veron 1991) ont été effectuées sur cette question et ont révélé la nécessité d’intégrer ces recherches dans un cadre épistémologique plus précis leur conférant plus de légitimité. Le fait est que l’objet étudié est difficile à cerner, car selon T. Bulot (1) les parlers jeunes sont à la fois un objet d’étude scientifique et un objet social. Ils sont scientifiquement insaisissables vu leur hétérogénéité (S. Fagyal, 2010), socialement stigmatisés (H. Boyer, 1997), linguistiquement riches et variés, un véritable canal de transmission des identités et des cultures. Fortement critiqués par les uns (les tenants de la norme académique), convoités par les autres (les sociolinguistes), les parlers jeunes deviennent de plus en plus un sujet à discussion en science et dans les médias.
En Algérie, la littérature médiatique qui traite cette question ou qui recourt au parler jeune pour capter un large public, est de plus en plus en expansion. Les médias sous toutes leurs formes utilisent ces nouveaux parlers comme langue de communication avec leurs lecteurs, leurs téléspectateurs et leurs auditeurs. Un suivi attentif permet de relever que l’usage de ces variétés de langue par les médias est destiné uniquement aux publics jeunes, car un grand soin est porté à la langue employée avec le public adulte.
L’intérêt de notre recherche est de mettre en œuvre les procédés rédactionnels, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, que les journalistes emploient pour s’adresser aux jeunes. Nous essaierons de montrer que les médias destinés aux jeunes participent, par la langue qu’ils emploient, à amplifier la ségrégation linguistique dont souffre la jeunesse algérienne. La présente étude permettra indéniablement d’attirer l’attention sur ce point, dans le but d’améliorer la perception qu’on a des jeunes et de leurs pratiques langagières. Nous pensons qu’une lecture d’un corpus médiatique composé principalement d’échantillons de différentes natures (presse écrite, audiovisuelle…) est en mesure de renseigner sur les différents aspects de nos questionnements.
Le corpus médiatique : hétérogénéité des ressources, éclatement des méthodologies et richesse des résultats
Nous avons choisi d’appeler « corpus médiatique » un corpus qui déborde le corpus journalistique, car notre objet d’étude dépasse largement la presse écrite puisque nous utiliserons, notamment, des émissions radiophoniques et télévisuelles.
Le corpus médiatique est un support hétéroclite, composé de plusieurs sous corpus (C. Benzitoun, S. Caddeo. 2005). Les données recueillies ne sont pas de même nature, et le discours médiatique résultant de chaque outil véhicule une réalité linguistique et épilinguistique différente. L’examen des représentations relatives aux langues et aux pratiques langagières des groupes de locuteurs, et des communautés linguistiques présentes dans l’univers ethno socioculturel (H. Boyer. 2003) d’un territoire, le montre bien. Les études qui ont été réalisées sur des groupes de locuteurs (étudiants, travailleurs, locuteurs appartenant à une communauté linguistique quelconque…) ont clairement prouvé que les discours épilinguistiques existent bel et bien, tant dans le circuit des échanges quotidiens que dans l’imaginaire collectif et individuel, et dans les productions médiatiques.
Les corpus médiatiques auront alors la particularité d’être hétérogènes, contrairement aux corpus linguistiques (écrits ou oraux) dont une des particularités est l’homogénéité des ressources (W. Geoffrey 2005). Il serait judicieux alors de prétendre à une analyse mono référentielle, ce type de corpus nous renvoyant à une méthodologie éclatée. Dans ses recherches sur les représentations communautaires, H. Boyer (2003) exploite des corpus médiatiques avec des approches à chaque fois différentes. Le chercheur présente trois études sur des questions d’actualité qui ont secoué, les deux premières la France et la seconde l’Espagne. Il s’agit, tout d’abord, de la polémique sur le port du foulard islamique et sur la crise de la banlieue, deux événements survenus en France ; et ensuite de la question de la guerre civile en Espagne. Les corpus décortiqués dans les trois études sont médiatiquement différents. La première s’est basée sur un corpus journalistique composé principalement d’articles de presse de différentes rubriques qui ont traité la question. Le chercheur a essayé de relever tous les éléments linguistiques qui ont été employés pour désigner le foulard (voile, tchador, foulard islamique…) pour étudier notamment le poids symbolique de chaque désignant (islamique, coranique…). L’étude a aussi touché à la réception de ces termes auprès de la population de l’hexagone. La seconde étude s’est appuyée sur un corpus télévisuel. H. Boyer a visionné plus de dix émissions : les unes avaient un seul thème, « la banlieue » ; d’autres avaient la forme de magazines, de reportages, d’autres encore se basaient sur des débats, ainsi que des émissions mixtes…, l’objectif étant de « présenter quelques observations concernant la relation du discours télévisuel informatif à une certaine réalité sociétale et la réflexion à laquelle invitent ces observations » (Boyer, 2003 : 81). Il est ainsi important de remarquer que dans ces deux premières études la notion de l’éclatement est tout à fait présente et représente le fondement même de la méthodologie adoptée. Le fait est que les corpus employés sont composites, les objectifs visés sont pluriels. La troisième étude ne fait que confirmer cette constatation, l’auteur fait appel à deux corpus, deux ensembles de textes qui traitent chacun un thème différent (le coup d’État du 23 février 1981, et la première victoire des socialistes aux élections législatives d’octobre 1982), les textes utilisés sont, selon l’auteur lui-même, « de tous ordres » (Boyer, 2003 : 97). Plus important encore est le fait que les résultats obtenus sont aussi hétérogènes, plusieurs données relevées et nombreuses débauchées ont été enregistrées grâce à l’utilisation de ces corpus hétérogènes : des discours et des représentations.
Corpus et données analysées
Dans notre étude, nous travaillerons sur un corpus médiatique composé de deux émissions, l’une télévisuelle et l’autre radiophonique, consacrées toutes les deux aux jeunes, en plus d’un corpus journalistique destiné aussi à la même couche sociale. Les trois corpus sont tirés des ressources médiatiques algériennes. Le choix de ces corpus n’est pas aléatoire, il répond aux exigences de notre étude qui tente de relever les discours épilinguistiques que fabriquent les médias sur les jeunes et sur leurs pratiques langagières, avec une concentration sur le français qu’ils utilisent.
Pour la collecte des données, nous effectuons une investigation dans les kiosques de la ville de Constantine afin de repérer les titres de journaux et de magazines les plus vendus destinés aux jeunes. Nous réalisons, notamment, un suivi de l’émission télévisuelle de divertissement « Lefhama » durant trois mois (nous visionnons 07 émissions) dans le but de relever tous les éléments linguistiques et épilinguistiques relatifs à notre questionnement. Nous enregistrons également plusieurs émissions radiophoniques de musique et de divertissement sur la station radiophonique francophone algérienne Alger Chaîne 3.
Un premier dépouillement de ce corpus permet de définir les données suivantes : plus de 30 % de la presse écrite est destinée aux jeunes, les programmes radiophoniques leur réservent plus de 40 % des émissions (sans compter les programmes sportifs que nous pouvons considérer aussi comme leur étant destinés). À la télévision, 75 % des séquences de l’émission « Lefhama » visent les jeunes ou discutent de sujets qui les concernent. Ces taux sont nettement représentatifs de l’importante dimension que les jeunes occupent dans les médias algériens.
CORPUS N° 1. L’émission télévisuelle : il s’agit de l’émission « Lefhama » (en français Érudition). Présentée sous forme de sketches, de séquences comiques où les animateurs critiquent sévèrement le quotidien des Algériens et se font les porte-paroles de la société. En apparence, leur objectif semble purement ludique, faire rire le public, mais en réalité, la satire constitue le fondement même de leur entreprise. Le choix de cette émission se justifie par le fait qu’elle est conçue pour les jeunes, et qu’une grande partie des sketches les vise directement. Tout l’univers de la jeunesse algérienne passe sous la loupe des comédiens y compris la langue de ces derniers et notamment le français qu’ils emploient.
CORPUS N° 2. Le corpus radiophonique : Ce corpus se compose principalement d’émissions de musique et de divertissement diffusées sur les ondes de la station francophone algérienne « Alger Chaîne 3 ». Les participants à ces émissions sont le plus souvent « jeunes », car dans plusieurs cas l’âge est limité à moins de 25 ans. Le protocole de ces émissions diffère. Dans certains cas, il s’agit de répondre à une série de questions posée par l’animateur sans dépasser les 10 minutes. Dans d’autres cas, le jeu consiste à trouver le sens d’un mot, ou de commenter des chansons et des films… Les éléments qui nous intéressent le plus sont les interactions verbales entre les animateurs et les auditeurs qui appellent pour tenter de répondre et remporter des prix.
CORPUS N° 3. Le corpus journalistique (la presse écrite) : Nous sélectionnons quelques journaux tels : La Nouvelle République, Le Jour, L’Index, Le Jeune Indépendant… qui attirent énormément le lectorat jeune. Parmi toutes les rubriques, nous travaillerons sur celles qui s’intéressent aux jeunes et qui sollicitent leurs contributions.
Analyse du corpus : Un français pour informer les jeunes Algériens
Quel français emploient les médias algériens pour parler aux jeunes ? Y a-t-il une adaptation linguistique lorsqu’il s’agit d’aborder cette catégorie sociale ? Le français dont usent les journalistes s’adapte-t-il à ces locuteurs ? C’est pour répondre à ces interrogations que nous analysons les données recueillies dans les trois corpus.
La lecture des données collectées à partir des trois sous-corpus nous permet de constater que la langue employée fait apparaître des procédés et des stratégies discursives différents. Nous exposerons dans ce qui suit quelques exemples.
Amplification du contact des langues
1- Du code switching : la dimension linguistique
Selon N. Thiam (1997) et beaucoup d’autres chercheurs, pour attester de la présence de l’alternance des langues, il faut que les éléments des deux langues fassent partie du même acte de parole minimal, et que les parties du message soient reliées par des rapports syntaxiques et sémantiques équivalents à ceux qui relient les passages d’une même langue (Thiam 1997 :32). Nous avons relevé dans les corpus collectés plusieurs réalisations qui répondent parfaitement à ces exigences. Dans les trois sources médiatiques, cette technique est employée. Son usage est plus fort à la radio et à la télévision, mais elle marque aussi sa présence dans la presse écrite en dépit de toutes les contraintes que l’écrit impose.
Dans l’émission (2) radiophonique de musique enregistrée sur Alger Chaîne 3, l’animateur dont la langue du travail est le français, reçoit des appels de jeunes auditeurs. Comparé aux émissions sociales et de politiques qu’il a l’habitude d’animer, où le seul code linguistique dont il use est bien évidemment le français, dans cette émission et face à des jeunes, le présentateur recourt à d’autres langues notamment l’anglais et l’arabe… Parfois, il provoque l’alternance, il n’hésite pas à demander de l’aide aux auditeurs pour trouver des équivalents aux mots en français dans d’autres langues et surtout en arabe. L’usage est bien stratégique et chaque fois l’objectif est différent :
En arabe nous relevons : « Comment dire déjà les vœux en arabe ? etamaniyet ? etahani ? ». Dans ce cas, l’animateur sollicite le mélange des langues, il ne se contente pas de transmettre son message en français, il tente de traduire ce qu’il dit en arabe. Ce qu’il faut savoir pour mieux interpréter cette séquence, c’est que les jeunes auditeurs, même s’ils maîtrisent bien le français, préfèrent mélanger les deux langues. L’asymétrie étant un des facteurs qui offensent le bon déroulement de l’interaction verbale, l’animateur ne pouvait pas s’opposer à une pratique conversationnelle, apparemment, très sollicitée par les jeunes, car il aurait risqué de les perdre. Dans un autre cas, nous relevons l’usage de l’anglais : « The new age des années 80 ». Le recours à l’alternance intra phrastique est à relier tout d’abord au contexte de l’émission qui allait diffuser une chanson anglaise en honneur aux auditeurs, et puis au fait que l’anglais a maintes fois été employé par les jeunes. L’intégration de cette langue dans le discours permet au jeune animateur de mieux capter l’attention des jeunes et de pénétrer plus facilement leur groupe.
Dans le corpus de la presse écrite, nous relevons d’autres exemples. Dans le journal La Nouvelle République du 22-08-2012 nous lisons : « Le hic, c’est qu’on enlève toujours au ZAWALI pour donner à un autre ZAWALI », ou encore : « Une défense New Look » dans le journal L’Index. Aujourd’hui, les journaux en question sont dirigés par de jeunes équipes qui tentent d’être plus proches de la jeunesse algérienne et de ses problèmes. L’intégration des termes en arabe dialectal ou en anglais relève d’une tentative pour s’approcher du contexte discursif des jeunes Algériens, au moment où cette couche sociale souffre de marginalisation. Le terme Zawali qui signifie « pauvre » est très utilisé par les jeunes pour parler de leur situation socioprofessionnelle. L’anglais utilisé pour les mêmes raisons jouera ici le rôle de la langue de la jeunesse et de la technologie.
2- Le code switching : dimension phonologique
Dans le même corpus, et dans le corpus télévisuel, nous remarquons que certaines alternances sont produites phonologiquement. C’est le cas du roulement du R. Le but semble, dans tous les cas, purement ludique et remplit une fonction d’imitation. Le [R] dorso-uvulaire du français change en [r] apico-avéolaire dans le but de marquer une prononciation espagnole. Dans le corpus radiophonique, nous relevons : « Un grand merci à notre réalisateur » (où l’animateur fait explicitement rouler les/r/et tente d’imiter les Espagnols). Dans l’émission « Lefhama » : « Partir loin de l’Algérie, pour vivre heureux » où dans un sketch, un des acteurs en imitant un jeune algérien qui cherche à fuir son pays, roule les [R] pour montrer le manque de maîtrise de la langue française de cette génération. Le roulement du [R] dans ces cas, peut être une manœuvre pour s’imprégner du langage du téléspectateur dans l’intention de mettre en avant une identité jeune
Un français et un anglais algérianisés
Dans ce cas, le corpus comporte plusieurs exemples : dans le journal L’Index, nous relevons le titre « Un large mouvement de protestation contre “les taxieurs” se prépare » où les guillemets ont été utilisés par le journal lui-même. Dans cet exemple, le mot taxieur utilisé par tous les Algériens et notamment les jeunes pour désigner « le chauffeur de taxi » est intégré à la tête d’un article ; le recours à ce genre de stratégies permet au journaliste de mieux capter l’attention des lecteurs jeunes et d’assurer la compréhension de son message. Dans l’émission télévisuelle, nous relevons professorate (les professeures), facebookiate (pour celles qui ont un compte face book)… où les journalistes créent des mots français en leur faisant subir la flexion de l’arabe. Ces créations et cette algérianisation des langues étrangères comptent parmi les techniques utilisées pour rendre le discours plus ludique, et donc fluide et plus recevable auprès du lectorat. C’est une sorte de rapprochement des dimensions linguistiques, les journalistes usant de ces techniques afin de montrer aux jeunes qu’ils maîtrisent bien leurs codes et qu’ils partagent leurs valeurs.
Un langage métaphorique
Un langage métaphorique, un rapprochement des images pour que la compréhension soit optimale, et un jeu de langue. L’analyse du langage médiatique tel qu’il est utilisé dans la presse écrite nous permet de dire que le jeune lecteur algérien est plus abordable avec un langage métaphorique qu’avec un langage direct. Nous tirons du journal L’Index les extraits suivants : « Trois gardiens pour garder les bois des rouges », « pour garder la cage des rouges ». Ces expressions ont été utilisées pour parler d’une équipe de football qui a prévu d’avoir trois gardiens. Les images nous renvoient à la faune et la flore. Le journaliste tente ici de recourir à d’autres contextes afin d’établir un parallélisme et permettre à ses lecteurs de mieux comprendre le contenu de son message.
Lecture d’un corpus médiatiquement jeune
La langue que les médias utilisent respecte la norme académique et toutes les exigences de la bonne rédaction. Les programmes diffusés et les articles publiés répondent à un grand souci de perfection linguistique : respect de l’orthographe, de la grammaire, et portent un soin particulier à la syntaxe, à la cohérence et à la cohésion de ces discours. Cette attitude normative est à relier directement au fait que les médias sont avant tout des moyens de communication de masse, la compréhension des données diffusées doit être parfaite et sans ambigüités. En effet, l’usage d’une langue erronée ou loin de la norme pourrait entraîner de terribles conséquences.
En Algérie, les médias francophones sont de plus en plus produits et lus. En 2002, A. Queffélec a effectué une recherche sur le français en Algérie avec un groupe de chercheurs, et établi une étude statistique dans laquelle il recense les stations radiophoniques, les titres de journaux et les chaînes de télévision diffusés en français dans le même contexte. Les chiffres qu’il révèle sont assez importants. En effet, entre 1996-1998, le nombre des quotidiens en français a dépassé les 15 titres en plus des hebdomadaires et des périodiques dont le nombre a dépassé les 13 titres. Concernant la radio et la télévision, l’auteur évoque la station radiophonique francophone « Chaîne 3 », et une chaîne télévision Canal Algérie dont les programmes sont conçus et diffusés en français pour les Algériens à l’étranger. Ces données montrent clairement que le français fait partie intégrante du paysage médiatique algérien. La lecture attentive des productions des médias algériens francophones depuis la période de l’après-indépendance et jusqu’aux années 80, montre une intention spécialement tournée vers des problématiques politiques, et l’usage d’une langue particulièrement soignée. En effet, le respect de la langue et de son bon usage ont toujours été une obsession pour les rédacteurs, qui essayaient par tous les moyens d’offrir aux lecteurs des travaux écrits correctement et en parfait accord avec le français académique. Les titres proposés étaient tous destinés à un lectorat adulte. Ils traitaient des sujets d’actualité politique, sociale, religieuse… et ne prenaient pas les jeunes et leurs préoccupations en considération. Effectivement, durant de longues années, les jeunes ont réellement été ignorés par le monde médiatique algérien. La prise en considération des locuteurs jeunes et de leurs pratiques langagières a débuté à partir des années 90 et s’est intensifiée après la « décennie noire ». Depuis cette période, des ressources médiatiques complètement consacrées à cette couche sociale ont vu le jour. Nous avons remarqué grâce à l’étude de notre corpus, un changement apparent. Les thèmes, les sujets abordés sont complètement différents, mais, plus intéressants encore, le français employé, de même que les procédés et les techniques que le lecteur ne trouvait pas auparavant et qui, du point de vue linguistique, constituaient des anomalies. L’emploi de ces techniques rend certes les messages plus recevables par les lecteurs jeunes, mais il influe énormément sur leur conception de la langue française et peut les inciter à produire plus de fautes encore dans leurs pratiques langagières.
Notes :
(1) Sur le site : www.sociolinguistique-urbaine.com
(2) Émission présentée par l’animateur Mehrez le 20/08/2012 entre 23 h et 0 h.