POLITIQUE
- Le président Boni Yayi sur le départ (Flickr - Sarah Owermohle)
Entre leurres et lueurs
2015 se conjugue au passé. Dernières lignes droites avant le fatidique rendez-vous présidentiel de février 2016, les élections législatives, puis communales et locales, s’y sont succédé et ont livré leurs verdicts. L’ouverture, fin août 2015, de la précampagne en vue de la présidentielle de février, a achevé de faire de la défunte année, un carrefour éminemment politique. Pourtant, de nombreuses brumes demeurent. La quasi-certitude du départ de l’actuel locataire de la Marina, Boni Yayi, qui a bouclé ses deux mandats constitutionnels, suscite moult remous dans le starting-block. Les concurrents au sacre national sont nombreux et grouillent d’envie. Mais le mystère demeure entier sur les chances des principaux protagonistes de cette bataille. Au demeurant, 2015 se meurt aux frontières d’un horizon où chaque lueur d’espoir semble dissimuler un leurre.
Réviser ou non ?
Un champ de bataille !
Engagé comme une priorité du régime de la Refondation, le projet de révision de la constitution n’a eu de cesse de focaliser les attentions tout le long du quinquennat qui s’achève. 2015 apparaissait comme une année charnière, et plus que jamais déterminés, les acteurs politiques, pro comme anti-révision, auront déployé tout leur capital d’énergie pour faire triompher leur cause dans une bataille visiblement capitale pour l’avenir. Le ton d’une année politiquement musclée pouvait déjà se lire dans les prémices d’une aube névralgique.
Fin 2014, l’occasion de la célébration des vingt-quatre ans de la constitution donne lieu à des manifestations gigantesques les 10 et 11 décembre dans le camp de l’opposition, pour freiner un processus suspecté d’opportunisme, alors même que les partisans du chef de l’État clament la bonne foi de leur leader, et revendiquent un processus salutaire pour la démocratie.
- Partir à la pêche aux voix ! (Flickr - David Stanley)
L’arbitrage électoral
Annoncées pour le 26 avril 2016, les élections législatives vont vite se transformer en un référendum pour ou contre la révision de la constitution du 11 décembre 1990. Le ton sera d’ailleurs donné mi-février par la coalition de partis politiques soutenant le chef de l’État. Au détour d’un congrès, les Forces Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE), conviennent de crânement afficher leurs objectifs électoraux immédiats : conquérir une cinquante de sièges sur les quatre-vingt-trois en compétition à l’hémicycle, et réviser la constitution.
Dans la foulée, ils se projettent cent ans au pouvoir, et déclenchent une levée de boucliers au sein de l’opposition et certaines forces sociales.
Cent ans de pouvoir ! Une articulation qui rappelle le slogan « Après Nous, c’est Nous », et déchaîne les passions dans les zones urbaines. La construction du choix de l’électeur tel qu’apparu au soir du 26 avril révélera un déclin circonstanciel relatif des identifications partisanes. Les déterminants de l’identification classique ont paru s’être éclipsés au profit d’un vote sur enjeu dans les deux capitales : Cotonou et Porto-Novo.
Cotonou apparaît en cela comme le symbole du NON catégorique, et la Renaissance du Bénin, traditionnel leader du pays fon et de la capitale économique en particulier, y perd des plumes. Soupçonnés de « copuler » avec le pouvoir à travers son militant Christian Sossouhounto, ministre et candidat sur la liste du parti au pouvoir, les « Houézèhouè » sont lamentablement défaits et leur président, Léhady V. Soglo, alors premier adjoint au maire de Cotonou, échoue à se faire élire.
Mieux, dans un bras de fer qui aura opposé le député Candide Azannaï au chef de l’État pendant la campagne, le tonitruant rejeton de « Jonquet » opère un quasi-massacre, recalant dans son élan, un fils d’ancien chef d’État et le fils du chef de l’État en exercice, dans la circonscription de la mort, la 16e, à l’ouest de Cotonou, en emportant trois sièges sur cinq au profit de la liste Union fait la nation qui l’a hébergé.
Il n’en demeure pas moins que les FCBE arrivent nettement en tête à l’échelle nationale, avec trente-trois élus contre quinze pour leur poursuivant direct (UN) et dix pour le PRD, de l’historique challenger de Boni Yayi depuis 2006, Me Adrien Houngbedji.
La bataille n’était donc que différée, mais le contrôle in extremis, du perchoir par l’opposition aura achevé de glacer l’élan révisionniste des partisans du chef de l’État. Autour d’une majorité hétéroclite qui n’aura pas encore livré toutes ses clés, l’opposition dame le pignon au chef de l’État, et contrôle en sus du perchoir, les commissions clé.
Boni Yayi perd son dernier grand combat, et les symboles de ce veto, ironie du sort, ne sont rien d’autre que son ex-challenger, Me Adrien Houngbedji, porté président de l’Assemblée nationale, et Me Joseph Djogbenou, l’avocat de son ennemi n° 1 Patrice Talon, devenu président de la commission des lois. Deux avocats irréversiblement anti-révisionnistes. Il reste la gestion de l’héritage politique, et l’organisation de la succession au sein des partisans de Boni Yayi.
Dernier carrefour avant la présidentielle de 2016
Avec deux ans de retard, les élections communales et locales ont fini par se tenir. Dans les communes du septentrion, les partisans du chef de l’État ont perdu des plumes par endroits, mais demeurent les maîtres du jeu dans la majorité des villes situées dans cette région. Les percées symboliques des partisans des deux candidats probables les plus en vue à la présidentielle dans cette région auraient pu décanter l’horizon de 2016, dans cet espace géopolitique. Mais Abdoulaye Bio Tchané et le Général Robert Gbian demeurent ceinturés par la force de frappe des FCBE qui les auront contenus, et leurs rêves présidentiels semblent devoir un peu bégayer depuis lors, d’autant surtout qu’ils n’ont pu réussir le moindre coup d’éclat dans la région méridionale.
Ce constat vaut par ailleurs pour les candidats déclarés ou attendus à la présidentielle dont les fiefs supposés sont situés dans les départements du Sud.
À l’exception relative de Léhady Soglo et de son parti, la Renaissance du Bénin qui a décroché le poste de maire dans des communes de trois différents départements, les autres prétendants à la Marina qui ont engagé la bataille électorale des communales, a affiché une influence strictement localisée. Et l’une des surprises de ces échéances, c’est le regain de la RB, après la raclée subie deux mois plus tôt. L’ex premier adjoint au maire aura réussi à émerger des flots, et par le jeu d’une coalition estimée contre nature, Léhady Vinagnon Soglo est passé capitaine à bord à Cotonou, succédant à son père, l’ancien président de la République, Nicéphore Dieudonné Soglo.
Néanmoins, de nombreuses inconnues demeurent, dans les tentatives de décryptage du comportement de l’électeur de février 2016.
Plus de trente candidatures annoncées et la question du "dauphinat" de Boni Yayi n’aura pas encore fini de livrer ses secrets. Avec la déchéance successive, par les barrières constitutionnelles, de tous les vétérans de la classe politique, le champ paraît ouvert, et chaque concurrent a des raisons de croire en ses chances. Mais l’enjeu d’une élection présidentielle dépasse les ambitions personnelles des protagonistes, et les athlètes annoncés se doivent de confronter leurs idées à la réalité, confronter leur dimension rêvée à leur dimension réelle, et inventer une mise en prospective à la hauteur des attentes légitimes d’un peuple visiblement las d’espérer en vain ; mais cependant contraint de rêver du meilleur.
Boni Yayi s’en va
Pour reprendre une expression de Jacques Attali, après « la victoire de la rébellion démocratique » (Jacques Attali, in L’Homme nomade, Fayard 2003, 544 p.), symbolisée par le contrôle du bureau de l’Assemblée par le courant hostile à la révision, l’ultime ring devient les projets de société pour 2016. Mais alors, quel va être le meilleur choix pour le quinquennat prochain ? Renouveler la confiance à Yayi à travers son héritier, ou tourner la page ?
En pleine campagne pour la conquête du pouvoir, la seringue hypodermique de Tchakhotine injecte les croyances les plus folles, et les électeurs, souvent victimes consentantes de ce viol, ont le devoir impérieux de garder leurs yeux ouverts. Le poison injecté pour acheter les consciences en pleine politique, a un nom : Il s’appelle Argent. Et c’est peut-être déjà l’ancien Premier ministre Pascal Irénée Koupaki qui a raison d’appeler à une « Nouvelle Conscience ». De toutes les façons, l’actuel chef de l’État n’est pas fini. Il reste incontournable en 2016. Les forces politiques qui soutiennent ses actions constituent la première puissance politique sur le plan national.
- Albert Tevoedjre, principal artisan de cette rencontre (Photo aimablement prêtée par l’auteur)
Dialogue interreligieux
Dialogue interreligieux
Semer les grains de la tolérance religieuse pour une paix durable en Afrique
Le Bénin a abrité du 26 au 28 mai 2015, un symposium international pour le lancement de l’Initiative Africaine d’Éducation à la Paix et au Développement par le Dialogue Interreligieux et Interculturel. Il a réuni environ 200 participants venus d’Afrique, d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient. À l’issue des travaux, un Manifeste a été adopté par les participants pour semer les grains de la tolérance religieuse pour une paix durable en Afrique et dans le monde.
Les violences de toutes sortes, sur fond de terrorisme et de fondamentalisme religieux, constituent l’un des défis majeurs de notre temps. Conscients des menaces que fait peser un tel phénomène sur l’humanité, d’éminents acteurs du monde religieux, scientifique et culturel venus d’horizons divers ont réfléchi durant 72 heures à Cotonou, au Palais des Congrès, sur les voies et moyens pour inscrire durablement dans la conscience humaine la culture de la paix. Principal canal choisi, le dialogue interreligieux et interculturel.
Pour Albert Tevoedjre, principal artisan de cette rencontre, ces échanges visent à semer les grains de la tolérance religieuse pour une paix durable dans le monde. « Nous voulons en finir avec le sang qui coule comme un océan ravageur. Nous voulons créer un front commun contre la barbarie », martèle-t-il, appelant de ses vœux que les assises de Cotonou signent un tournant décisif dans les relations interreligieuses. Dans leurs mots de bénédictions, les représentants des différentes confessions et croyances ont plaidé pour une prise de conscience individuelle et collective, quant aux désastres que cause à l’humanité la mauvaise appréhension des préceptes religieux. Ils exhortent les participants et les croyants en général, dans leur quête du divin, à inscrire en priorité, les vertus de tolérance, d’amour, de paix, présentes dans tous les courants religieux.
Le Secrétaire général des Nations unies et le Saint-Père, par la voix de leurs porte-paroles respectifs, ont salué l’organisation de ce symposium. « Un dialogue franc entre les religions et les cultures peut contribuer à l’édification d’une paix durable sans laquelle aucun développement n’est possible », fait observer Rosine Sori Coulibally, au nom de Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations Unies. Le Nonce Apostolique Bryan Idaigwe, au nom du Pape François, a salué les prédispositions culturelles et autres initiatives africaines qui concourent à la coexistence pacifique des religions tout en déplorant les foyers de tension à connotation religieuse qui parsèment de plus en plus le continent.
Bâtir la paix sur le socle du dialogue des religions
« Le phénomène du terrorisme radical à connotation religieuse a pris une envergure incommensurable de nos jours », déplore le président Boni Yayi qui voit dans la participation effective de ce parterre de sommités religieuses, la preuve irréfutable de l’intérêt de la question. « Le terrorisme et le fondamentalisme religieux menacent la cohabitation pacifique des peuples », poursuit-il. Pour lui, l’une des solutions pourrait être de conférer à l’Assemblée générale des Nations Unies, en appoint aux efforts du Conseil de sécurité, un nouveau rôle. Il suggère à ce titre, la création d’un corps de chevaliers qui veille au dialogue des religions pour prévenir et régler les conflits. « Le vivre ensemble sincère, la coexistence pacifique des religions constitue la vraie garantie. Le dialogue peut calmer les ardeurs des dérives terroristes », insiste-t-il, tout en préconisant une meilleure conception de la laïcité, l’insertion de modules de dialogue inter religieux dans le programme scolaire, le renforcement de l’arsenal juridique, la meilleure répartition des biens et richesses nationales afin de lutter contre les inégalités qui constituent souvent le terreau fertile au climat de tension. Boni Yayi n’a pas manqué d’évoquer le sort des femmes et des enfants qui, bien souvent, sont les plus exposés aux effets pervers de ces conflits.
L’éducation comme socle du dialogue interreligieux
L’éducation se présente comme le moyen le plus sûr pour inculquer les valeurs liées au dialogue interreligieux et la tolérance, aux dires de l’ancien président du Nigéria Olusegun Obassandjo. « Je suis content que les organisateurs veuillent mettre l’éducation au service de la paix », s’est-il réjoui. Et pour donner la preuve que cette réflexion est la meilleure, il a cité l’une des déclarations de l’UNESCO qui stipule en l’un de ses articles que l’éducation est le moyen le plus efficace dans la promotion de la tolérance. L’article 42 de la même déclaration recommande que l’éducation à la tolérance soit réputée comme un mécanisme de promotion de la paix. « C’est pourquoi les programmes d’éducation doivent aboutir à la promotion de la tolérance. Sans l’éducation qui soutienne la tolérance, nos efforts seront vains », a-t-il soutenu. Le président Olusegun Obassadjo a cité l’exemple d’une étude commanditée au Nigéria qui montre l’importance de l’éducation dans le formatage des mentalités en faveur de la tolérance. « Au Nigéria, nous avons six zones géographiques. Une étude commanditée a révélé qu’au sud-ouest 77 % des enfants sont scolarisés. Au sud est 66 % et au Nord ou opère Boko Haram, 18,1 %. Je ne pense pas que c’est une coïncidence que les zones où les gens sont plus éduqués, ils soient plus tolérants », a-t-il commenté. « Ce forum me donne l’opportunité de discuter de la question en profondeur. Il s’agit de réfléchir aux actions à mener afin d’éviter qu’un groupe d’ignorants mal inspirés pose des actions au nom de la foi », a-t-il ajouté.
L’Union africaine adhère à l’institutionnalisation du Symposium
La commission de l’Union africaine a annoncé son soutien pour l’organisation tous les deux ans de ce symposium. « Nous sommes prêts à soutenir l’organisation financière et technique », a annoncé le représentant de l’Union africaine. La proposition de l’institutionnalisation du symposium lancé par l’ancien président du Nigéria, Olusegun Obassandjo a été donc bien accueilli au plus haut niveau, et par l’ensemble des participants du symposium.
Il faut préciser que cette rencontre internationale dont l’initiative a été portée par le CPPS, avec l’appui financier et technique du gouvernement Béninois et de divers partenaires dont les Nations Unies, a enregistré outre la présence d’anciens chefs d’État et de gouvernements africains, la participation d’éminentes personnalités du monde politique, culturelle, les leaders religieux et traditionnels, les experts d’institutions internationales, régionales, les chercheurs et universitaires, les acteurs de la société civile…
La prochaine rencontre sur le dialogue interreligieux et interculturel est prévue pour se tenir en 2017, au Nigéria.