Ce sont surtout des femmes et des enfants – les personnes les plus vulnérables, les victimes les plus innocentes des conflits armés. Ces gens ont vécu la plus grande horreur du monde, la guerre, et ont pris la pénible décision d’abandonner leurs maris, pères et frères, qui sont restés en Ukraine afin de se battre pour leur patrie, et sont partis à l’étranger pour trouver un refuge.
- Réfugiés ukrainiens arrivant en Bulgarie
Les Bulgares, qui se sont montrés hostiles à l’égard de la vague de migrants syriens, irakiens et afghans en 2015-2016, ont cette fois volontiers ouvert leurs maisons et leurs cœurs aux réfugiés ukrainiens. Les raisons pour ce phénomène sont nombreuses, mais la plus importante est que les Ukrainiens sont un peuple très proche sur le plan ethnique, culturel, linguistique et historique.
Les autorités bulgares, des organisations non gouvernementales et des particuliers se sont donc vite mobilisés dès que les premières bombes du régime du Kremlin ont commencé à tuer des innocents et à détruire impitoyablement les maisons des Ukrainiens.
Les ONG : « On trouve des solutions souples »
Un groupe sur Facebook, destiné à chercher et à offrir de l’aide aux gens fuyant le conflit a déjà rassemblé 65 000 membres. Il affiche des dizaines de publications chaque jour postées par des Ukrainiens ayant des questions au sujet de la Bulgarie ou demandant de l’aide et des dizaines de publications créées par des Bulgares qui offrent un hébergement ou un transport. Presque chaque jour, des entreprises ou des ONG organisent des collectes de vêtements, de nourriture et de jouets ou d’autres initiatives afin de soulager la situation précaire de ceux qui ont tout perdu.
- Réfugiés ukrainiens arrivant en Bulgarie
La plus célèbre de toutes les initiatives, c’est le centre de situation « Portes ouvertes à l’Ukraine », géré par la fondation « Za dobroto » (« Pour le bien ») et sa présidente Kréména Kunéva. Pendant 15 ans, Kunéva a travaillé en tant que directrice financière et gestionnaire dans de grandes entreprises étrangères. En 2019, cependant, elle s’est consacrée entièrement aux activités caritatives, devenant la fondatrice et la présidente de « Za dobroto ». Cette mère d’une fille de 5 ans a lancé le projet comme une cause personnelle pour moderniser les soins pour les enfants. Kunéva est actuellement l’organisatrice du Centre de situation à Sofia pour aider les réfugiés d’Ukraine qui fonctionne comme une initiative non gouvernementale, à l’aide de volontaires et des dons. Il s’étend sur un étage entier de SoftUni – une institution privée de formation IT qui a mis gratuitement à disposition des locaux.
Les enfants qui arrivent sont silencieux, pleurent, se cachent et ne veulent pas parler. Leurs mères aussi - « beaucoup d’entre elles sont vraiment dépassées par tout ce qu’elles ont vécu », a déclaré Mme Kuneva dans un entretien accordé à BTV. « C’est une bonne chose que nous ayons réussi à créer une garderie dans le centre même, où les enfants sont pris en charge pendant quelques heures, afin qu’ils puissent jouer un peu, sortir de l’environnement dans lequel ils se trouvent depuis quelques jours, après avoir parcouru des milliers de kilomètres », a-t-elle ajouté. Pendant que les enfants sont pris en charge, les mères ont le temps de chercher un logement et un boulot à l’aide des volontaires, de remplir les documents afin d’obtenir un statut de réfugiées où « simplement de s’asseoir sur une chaise et de pleurer un peu, car elles en ont besoin ».
Des photos publiées par des activistes sur les réseaux sociaux montrent les locaux de SoftUni où des étagères et des bancs débordent de sacs de vêtements, de jouets et de nourriture emballée. Outre les besoins immédiats tels que l’alimentation, l’habillement et le logement, « Portes ouvertes à l’Ukraine » travaille avec des avocats et des médecins pour fournir une assistance plus complexe pour les réfugiés.
En ce qui concerne l’aide médicale, le plus grand problème, selon Kunéva, ne sont pas les cas urgents, mais ceux qui sont inscrits dans certains cadres légaux, par exemple des médicaments qui exigent une prescription spéciale. C’est aussi le cas des malades chroniques qui ont des ordonnances, mais celles-ci concernent des médicaments qui ne sont pas disponibles sur le marché bulgare. Ces médicaments doivent alors être remplacés par d’autres, mais cela exige une procédure bureaucratique très complexe pour laquelle certains n’ont ni le temps ni le droit, car ils n’ont pas encore reçu le statut indispensable. « Nous trouvons quand même des solutions souples, pour ainsi dire », dit Kunéva.
L’État : « Ce ne sont pas les réfugiés auxquels nous sommes habitués »
Le gouvernement a fait preuve de la volonté de venir au secours des Ukrainiens et les autorités ont agi au plus vite afin de se préparer pour l’accueil de dizaines de milliers de personnes. Une vingtaine de centres de crise ont été mis en place, notamment dans la capitale, mais aussi dans les villes côtières de Varna, Burgas et à Roussé, qui borde la Roumanie sur le Danube. Les efforts de la Bulgarie pour aider les réfugiés ont débouché sur plusieurs mesures financières concrètes, en plus des engagements pris en vertu du droit international. Ainsi, les Ukrainiens ne doivent pas payer de taxe routière lorsqu’ils viennent en Bulgarie, ils peuvent utiliser gratuitement les transports publics à Sofia, et ceux qui ont obtenu le statut de protection temporaire ou internationale peuvent demander une subvention unique de près de 200 euros. Les hôteliers désireux d’accueillir des Ukrainiens recevront un remboursement au montant de 20 euros par jour s’ils fournissent le logement et la nourriture.
« Ce ne sont pas les réfugiés auxquels nous sommes habitués. Comme l’a dit le chancelier autrichien, ce sont nos proches, notre famille. Ils sont européens, intelligents, éduqués, une partie d’eux sont des programmeurs », a dit le Premier ministre bulgare Kiril Petkov à la fin février. « Nous sommes, comme tous les autres, prêts à les accueillir. Ce n’est pas la vague migratoire habituelle, composée de gens avec du passé obscur. Aucun des pays européens n’est inquiété à cause d’eux », a-t-il ajouté.
Les propos de M. Petkov, politicien centriste et pro-européen, ont suscité les critiques de quelques médias étrangers, qui ont accusé le Premier ministre de répéter les stéréotypes xénophobes les plus répandus au sujet des migrants. Sa déclaration a été cependant bien reçue par les Bulgares, inquiets par la perspective d’une répétition de la vague migratoire chaotique de 2015-2016 avec toutes ses conséquences pour la sécurité européenne.
L’arrivée d’un grand nombre de réfugiés sera un défi majeur, mais aussi une opportunité que les autorités ne veulent pas manquer. Sofia mène depuis des années une politique visant à attirer ces Ukrainiens qui ont des racines bulgares.
La guerre en Ukraine, malgré toutes les horreurs, les pertes humaines et la crise humanitaire qu’elle a causées, a ouvert une opportunité sans précédent de résoudre partiellement la crise démographique que traverse la Bulgarie. Le manque de main-d’œuvre dû au déclin démographique est l’un des principaux problèmes de l’économie bulgare, au même niveau que la corruption, selon les experts. C’est pourquoi des centaines d’employeurs ont rapidement répondu à l’appel du gouvernement pour contribuer à l’intégration des nouveaux arrivants en leur offrant des emplois.
Le gouvernement, avec l’aide considérable d’un groupe de volontaires du secteur informatique, a lancé un portail sur Internet qui a recueilli une grande quantité d’informations tant sur les réfugiés eux-mêmes que sur les personnes qui veulent les aider. On peut y chercher ou y proposer de l’aide à l’évacuation, chercher ou proposer des logements gratuits ou payants. Il y a aussi également des informations pour les Ukrainiens qui sont déjà arrivés et qui veulent consulter quels sont leurs droits, qui cherchent du travail, ont des problèmes juridiques, ont besoin d’une éducation pour leurs enfants, etc.
Le site peut être utilisé en 4 langues - bulgare, ukrainien, russe et anglais. Récemment, il a également été relié à la ligne téléphonique d’assistance nationale pour les personnes fuyant la guerre. Selon le gouvernement et les créateurs de la plateforme dans le secteur privé, celle-ci fonctionne de mieux en mieux. Dans les 24 heures qui ont suivi son lancement, elle a enregistré 12 000 visites et 60 000 consultations uniques de différentes pages, a indiqué le service de presse. Le nombre d’emplois et de logements vacants est également en augmentation.
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