Le soulagement de nommer
Il y a quelque chose du soulagement dans la déflagration monstre du 4 août dernier, qui a détruit Beyrouth. D’un coup, ce que subissent les Libanais depuis des décennies devient palpable. Puisqu’il s’incarne désormais de manière si évidente et lisible dans le corps du territoire et dans celui des hommes et des femmes, il peut porter son nom légitime. Il peut être reconnu. Ce que nous subissons depuis des décennies - et que nous peinons à nommer parce qu’il est insidieux, systémique, ancré dans nos moelles épinières jusqu’à en devenir acceptable et accepté - s’appelle de la violence. Elle est politique, émotionnelle, intellectuelle, économique, humaine. Le paroxysme de l’enfer que vivent les Libanais depuis au moins 1975 - et sa réalisation la plus crue (lle) - a été atteint ce soir.
Quelle que soit l’origine de la déflagration qui a effacé notre ville de la carte du monde, je souhaite que demain, une fois nos morts enterrés, notre deuil entamé et notre gueule de bois terminée, nous nous liguions tous pour demander des comptes à cet état qui fait défaut, nous dépossède, humilie, réduits au désespoir, qui foule au pied notre dignité, et qui, par négligence, a mis en danger la vie d’autrui. Non, pire. A commis un homicide, des homicides, contre son propre peuple.
Demain, laissons place à la colère.
Hala Moughanie
Écrivaine
Consultante en politiques publiques
Illustration : © Omar Abdallat
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