Droits humains : La Belgique maîtrise-t-elle le processus de l’Examen périodique universel de l’ONU ?
"Dans quelques mois, le 5 mai 2021, la Belgique passera son troisième Examen périodique universel (EPU). C’est un processus unique en son genre, mis en place par l’ONU, au cours duquel les réalisations des États membres en matière de droits humains sont passées en revue", peut-on lire dans le numéro d’hiver de "Nouvelles de Flandre", organe de l’Association pour la promotion de la francophonie en Flandre (APFF).
C’est l’occasion pour chaque État membre de l’ONU de présenter les mesures qu’il a prises pour améliorer la situation des droits humains sur son territoire.
Le rôle de la société civile est primordial tout au long du processus de l’EPU, que ce soit au niveau du rapport national, du suivi des recommandations et, évidemment, à l’occasion des rapports alternatifs qu’elle peut envoyer à l’ONU.
Lors du deuxième Examen périodique universel (EPU) de la Belgique, en 2016, notre ministre des Affaires étrangères de l’époque, Didier Reynders, a multiplié les effets d’annonce au sujet de l’implication de la société civile dans la défense des droits de l’Homme.
Forte de ces engagements répétés, doublés de l’acceptation par la Belgique de la recommandation de la Pologne d’"associer la société civile au processus de suivi et de mise en œuvre des recommandations issues de l’EPU", l’Association pour la promotion de la francophonie en Flandre (APFF) se demande pourquoi la Belgique n’a pas respecté ses engagements.
Il aura fallu attendre plus de trois ans et demi avant que le SPF Affaires étrangères n’organise, le 19 décembre 2019, une session d’information et de dialogue avec la société civile au Palais d’Egmont. L’APFF, qui a participé à la réunion, regrette vivement que cette réunion ait été la seule et unique réunion de suivi à laquelle les acteurs de la société civile aient été invités à participer depuis le débriefing d’avril 2016.
Compte tenu du fait que cette session d’information était programmée en fin de cycle, elle n’avait plus de raison d’être, si ce n’était de permettre à la Belgique de dire au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU que la société civile avait été consultée. Cette réunion aurait dû être organisée au cours du premier semestre 2018 pour que la Belgique puisse remettre son bilan à mi-parcours dans les temps.
Selon nous, la réunion du 19 décembre 2019 aurait plutôt dû être consacrée à la consultation de la société civile dans le cadre de la préparation du rapport que la Belgique doit remettre à l’ONU, le 1er février 2021, pour son prochain EPU. Or, une fois de plus, la société civile n’aura été consultée qu’une seule fois, en visioconférence, le 12 janvier 2021, en fin de parcours, limitant ainsi son rôle à cautionner un rapport rédigé exclusivement en interne. Ce n’est pas acceptable.
A la lecture du projet de rapport de la Belgique, l’APFF s’étonne que pas un mot n’est dit à propos de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ou du Protocole n°12 chargé de lutter contre toute forme de discrimination. La Belgique a pourtant accepté la recommandation des Etats-Unis de "poursuivre les efforts faits pour lutter contre la discrimination et soutenir les efforts d’intégration des membres des minorités". Ayant accepté cette recommandation, la Belgique se devait de la mettre en œuvre.
De plus, le Parlement européen, dans sa résolution de 2018 sur la protection et la non-discrimination des minorités dans les États membres de l’Union européenne, "engage tous les États membres à signer, à ratifier et à assurer l’application de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, du protocole nº12 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires". La moindre des choses aurait été que la Belgique fasse le point sur l’état de la ratification de ces traités internationaux.
Pas un mot non plus sur le fait que le futur Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains, l’INDH belge, créé par la loi du 12 mai 2019, ne traitera pas des plaintes individuelles. Alors que le Comité des droits de l’homme (CCPR) a recommandé à la Belgique de donner à l’Institut "un mandat global et tous les moyens nécessaires afin d’accomplir pleinement son mandat, y compris la possibilité de recevoir des plaintes". Le Comité des Droits Economiques Sociaux et Culturels (CESCR) s’est, quant à lui, dit "préoccupé par le fait que le mandat de l’Institut fédéral des droits de l’homme est, pour l’instant, limité au plan fédéral et par l’absence de compétences à recevoir des plaintes individuelles".
Pas un mot, enfin, sur le fait que l’organe compétent pour traiter des discriminations linguistiques n’a toujours pas été désigné, plus de 12 ans après l’adoption des lois antidiscrimination de 2007.
Bref, un projet de rapport assez décevant et un manque réel de collaboration avec la société civile, comme l’a dénoncé l’APFF lors de la visio-consultation organisée par les Affaires étrangères. La Belgique ne devrait-elle pas montrer l’exemple alors qu’elle est candidate à un siège au Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour la période 2023-2025 ?
Egdar Fonck
Journaliste contributeur au réseau Agora - Année Francophone Internationale.
Directeur de l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF)
Logo : Visio-consultation de la société civile, 12/01/2021
|