Le parcours de Vigan Rogova sort de l’ordinaire, car normalement, si on demande à un jeune francophone des pays de l’Europe centrale et orientale quel est son historique d’apprentissage de la langue française, il répond qu’il l’a étudiée à l’école. Lui, a été obligé d’apprendre le français, en tant que réfugié, en France. Arraché de son pays natal lors de la guerre du Kosovo.
Vous vivez au Kosovo, vous êtes avocat et vous avez fondé le groupe des avocats francophones du Kosovo. Quel est votre parcours personnel ?
Je suis né au Kosovo, à Priznen, c’est une ville au sud du pays. En 1997, je me suis inscrit à l’Université de Pristina, Faculté de Droit. En 1999, il y a eu la guerre au Kosovo et j’ai été expulsé par les troupes serbes, à la frontière du Kosovo avec la Macédoine du Nord. De là, je suis parti en France en tant que réfugié. J’avais des amis qui habitaient à Toulouse et j’ai été accueilli chez eux. J’y ai vécu de 1999 à 2007.
Cela explique le fait que vous maîtrisiez aussi bien le français ! Vous aviez quel âge en 1999 ?
J’avais 19 ans, j’ai fêté mes 20 ans en France. À l’époque, quand je suis arrivé, je ne parlais pas le français et j’ai commencé à prendre des cours de français, d’abord à Albi, ensuite à l’Université du Mirail à Toulouse. Et toujours, avec l’envie de poursuivre mes études en droit.
Et votre famille ?
Ma famille était restée à Priznen. J’étais étudiant à Pristina quand la guerre a commencé. Avec ma sœur, nous sommes partis pour la Macédoine du Nord et ensuite pour la France. Mes parents et mon petit frère étaient restés à Priznen. Nous avons été séparés pendant toute la guerre et nous n’avions pas d’informations les uns des autres. Eux ne savaient même pas où nous étions et nous, nous ne savions pas s’ils allaient bien.
En France, vous avez commencé à étudier le français dans une école d’été. Avez-vous repris vos études de droit par la suite ?
Oui, en 2000, je me suis inscrit à l’Université de Sciences sociales Toulouse 1 à la Faculté de Droit. En 2005, j’ai obtenu ma maîtrise en droit international et européen.
Avez-vous souhaité rester vivre en France ?
En 2005, avec ma maîtrise en poche, je me suis mis à chercher un emploi. En tant qu’étranger, ce n’était pas évident. J’ai trouvé un emploi en informatique que j’ai conservé pendant deux ans. Ensuite je me suis décidé à rentrer au Kosovo parce que je me suis dit que j’aurais plus d’opportunités. C’était après la guerre et je pensais qu’avec mon expérience et mes études en France, je pourrais contribuer à la reconstruction de mon pays. C’est peut-être la manière dont j’ai été expulsé de mon pays qui m’a conduit à y revenir. Dès mon retour j’ai eu un emploi dans le secteur financier et en 2018, j’ai ouvert un cabinet d’avocats.
C’est à ce moment-là que vous avez fondé le groupe des avocats francophones ?
L’idée m’est venue en 2019 lors d’une conférence à Yerevan, en Arménie. J’ai pris contact avec le bâtonnier du barreau du Kosovo et nous avons discuté de la possibilité de créer ce groupe qui pourrait être un point de contact avec le monde francophone.
Qui sont les membres du groupe ?
Ce sont des avocats kosovars qui exercent au Kosovo et qui ont fait des études en France ou qui ont des liens, des attachements avec la France, mais aussi avec la Suisse francophone et avec la Belgique.
Quel était l’intérêt de créer cette association ?
Les entreprises françaises ou francophones qui ont besoin de renseignements juridiques pour s’installer ou échanger avec le Kosovo ont besoin de ce point de contact.