Du 26 au 29 mai se tiendra le Festival de théâtre francophone de Berlin. Une bien curieuse histoire de ménagerie, de fauves et de passion ! Hélène Lebonnois en est la co-présidente, en compagnie de son amie Aurélie Vincent. Avec elle, nous faisons le point sur l’événement et sur le contexte culturel et francophone de Berlin... la ville multikulti !
- ... une partie des fauves !
- Ph : La Ménagerie
Au sein de la Ménagerie, vous maniez aisément la métaphore animalière, permettez-moi d’utiliser celle de l’œuf et de la poule : entre la francophonie ou francophilie berlinoise et vous, qui était là avant l’autre ?
- Hélène Lebonnois !
- Ph : "All free photo"
… Je ne suis à Berlin que depuis 6 à 7 ans, je n’ai peut-être pas le recul nécessaire pour une véritable analyse mais il est certain que les arts de la scène francophones étaient préexistants à la Ménagerie. Beaucoup d’artistes plasticiens, de chanteurs ou de peintres sont arrivés après la chute du Mur en 1989 et forment depuis un noyau de création. Ils font partie de la tribu berlinoise multiculturelle ! De nombreux Français et des francophones viennent s’installer à Berlin pour des périodes plus ou moins longues avec la ferme intention de redémarrer une vie différente. La jeunesse de la ville donne l’occasion de se chercher, de se trouver et de créer. Même si ce n’est pas propre à Berlin, le fait d’évoluer dans une autre langue et une autre culture et le fait d’avoir un statut d’étranger donnent beaucoup de liberté, ouvrent la curiosité. C’est sans doute pour cela que la communauté française et francophone apprécie la ville. Pour revenir à votre question de l’œuf et de la poule, ce que nous avons apporté, au niveau des arts de la scène, est une pensée collective. Suite à une petite annonce passée dans un journal local par un jeune homme nous nous sommes retrouvés à une quinzaine de personnes avec l’envie de faire du théâtre en français. Il y avait des gens, très différents, portant les mêmes envies mais pas de lieu... nous avons créé la plateforme qui permet de tisser des liens, d’échanger et de prendre du plaisir, le tout au service du théâtre francophone sous toutes ses formes...
Parlez-nous de cette... Ménagerie. Quel nom, quel concept !
Nous devons le nom à Aurélie ! Nous voulions en trouver un qui sonne à la fois en français et en allemand... un mot qui s’écrive et se prononce dans les deux langues. Le mot « ménagerie » correspond à ces critères et rappelle Tennesse Williams et sa « Ménagerie de verre ». La décision de l’adopter a été prise après la lecture de sa définition dans un dictionnaire. Elle disait que c’était un endroit où des animaux exotiques étaient vus par le public ! La définition ressemblait à ce que nous étions et voulions faire. Le mot « ménagerie » ouvre un champs lexical divertissant tout en étant sérieux. C’est un capital sympathie à faire fructifier ! Nous avons donc décidé de jouer et d’assumer complètement le côté... ménagerie ! Cela permet de garder une sorte de légèreté et d’humour... certes, nous avons de l’ambition mais nous n’oublions pas le plaisir d’être ensemble... entre Français, Allemands, Belges, Italiens, Grecs ou Camerounais.
- Extrait d’un document édité par la Ménagerie !
- Ph : "All free photo"
Comment se fraye-t-on un chemin dans la fourmilière culturelle berlinoise, qui touchez-vous ?
Berlin bouge, Berlin est une ville ouverte, Berlin est tolérante... cela en fait une ville propice à la création. De ce fait, c’est une ville dotée d’une énorme proposition culturelle... et donc, les Berlinois deviennent capricieux et exigeants ! Il faut proposer de l’exceptionnel pour parvenir à se faire connaître et à être légitime. Il faut reconnaître que pour le moment, nous touchons plus les francophones que les germanophones. Pourtant la langue française est très appréciée ici. Mais pour un germanophone, aller au théâtre pour voir jouer une pièce en français est encore compliqué... Cela nous conduit à modifier nos pratiques. Nous tendons à devenir plus « franco-allemand », c’est à dire que nous communiquons dans les deux langues et surtout, pour le festival, nous allons surtitrer les dialogues, à l’instar de ce qui se fait à l’opéra. C’est une pratique très courante ici, du fait de ce contexte « multikulti ». Les anglophones et les russophones ont aussi leur théâtre où les pièces sont surtitrées, de la même manière les turcophones qui n’ont pas théâtre spécifique ont un grand choix de pièces surtitrées dans diverses salles de la ville.
Parlons du festival, temps fort de l’année ! Les fauves sont-ils prêts à lever le rideau ?
Nous sommes prêts ! Mi-avril, nous avions encore quelques flous du fait du changement de comédiens ou de techniciens par-ci par-là. Mais, là tout est calé. Nous avons limité le nombre de « premières » pour ne pas être débordés par les mises au point dans les dernières heures. La seule « première » est une création dans le cadre d’un de nos ateliers... il faudra être attentif mais tout se passera bien ! Il le faut, c’est la vitrine de l’association. Nos ateliers fonctionnent toute l’année et nous proposons de nombreuses pièces ou performances mais, il est vrai que le festival est le moment fort. J’insiste sur la variété de la programmation : nous pensons au public adulte autant que jeune, nous présentons des troupes de tous niveaux d’expérience, des projets de groupes et des créations plus personnelles... Pour la soirée d’inauguration, le jeudi 26 mai, tout l’espace du théâtre sera transformé en lieu de « mini-performances ». Le public se promènera à travers le lieu, y compris dans des endroits inattendus ou inadaptés pour la pratique du théâtre... l’idée est de sortir des sentiers battus, de proposer un regard différent et de provoquer ou susciter une réflexion. Nous proposerons des pièces socialement et politiquement engagées car le théâtre doit prendre toute sa place dans le débat public...
Vous avez, parmi vos sponsors, une boulangerie et un négociant en vins et produits du terroir français ! Doit-on sourire ?
Non ! C’est très sérieux ! Vous savez, nous sommes en excellente relation avec l’Institut français avec qui nous montons quelques partenariats de temps à autres mais il ne peut s’impliquer dans le festival car nous programmons des troupes et des artistes pour la plupart berlinois. Or l’Institut soutient les artistes venus de France. C’est une distinction que ne font pas nos partenaires « Aux délices normands » et « La cave de Bacchus »... qui entretiennent à leur manière l’exception culturelle française par leur activité professionnelle et par l’aide qu’ils nous apportent...
- Les fauves improvisent !
- Ph : La Ménagerie