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La Francophonie s’intéresse aux francophones de Flandre
« Cachez ces francophones que je ne saurais voir » : ce pastiche du Tartuffe de Molière pourrait s’appliquer à ces politiciens flamands qui répètent à qui veut les entendre, qu’il n’y a pas de minorité francophone en Flandre. Ils sont aujourd’hui démasqués par une série d’études qui se confirment les unes les autres.
Dans la lutte incessante que notre association poursuit depuis des années pour faire reconnaître les droits culturels des francophones en Flandre, nous sommes passés de l’évaluation probable à la confirmation statistique. Nous avancions au départ le chiffre de 300.000 francophones au nord du pays. Le Conseil de l’Europe observe, quant à lui, l’indéniable présence d’une minorité francophone « significative » en Flandre. Une présence reconnue aussi par le Mouvement flamand qui, dans son encyclopédie de 1998, la situe autour de 310.000, une source non suspecte, on en conviendra. L’enquête que l’APFF a demandée en 2009 à la société spécialisée « Dedicated Research » révèle des chiffres encore plus précis, province par province. Au total, 367.000 francophones, dont 309.000 ont le français pour langue maternelle – ils constituent la minorité francophone de Flandre – et 58.000 qui parlent à la fois parfaitement le français et ont un des parents francophone.
Des millions de Francophones
Cette fois, c’est le coup de grâce : on pourrait bien arriver à conclure que plus de la moitié des Flamands sont francophones !!! En effet, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui, dans ses rapports précédents évaluait à seulement 100.000 le nombre de francophones en Flandre, ce qui, à l’époque nous avait désagréablement surpris, a revu ses chiffres en se basant cette fois sur deux enquêtes d’ « Eurostat ».
L’édition 2010 de « La langue française dans le monde »*, publiée en marge du Sommet de la Francophonie de Montreux prouve qu’un grand effort a été fait pour mieux appréhender la réalité linguistique belge. Le lecteur peut y prendre connaissance des problèmes des francophones de la périphérie flamande de Bruxelles, de la scission de BHV, de la non-nomination des bourgmestres, des pratiques discriminatoires dans l’attribution de logements et du litige concernant les écoles francophones. L’exposé des faits en six pages, agrémenté d’une carte des régions et communautés, sans oublier la frontière linguistique et les communes à facilités, est remarquablement objectif.
L’Observatoire de la langue française de l’OIF a, cette fois, calculé que la Belgique entière compte 6.838.100 francophones et 1.405.800 francophones partiels. Si l’on déduit les 4.415.000 francophones de la Communauté française et les francophones de la Communauté germanophone, quelque 2.400.000 citoyens du nord du pays sont repris comme « francophones » parce qu’ils maîtrisent très bien ou bien notre langue. En ajoutant les quelque 1.400.000 francophones partiels, qui en connaissent les bases, on peut affirmer que la Flandre compte pas loin de quatre des 220 millions de locuteurs francophones dans le monde. Ce qui la situe dans le peloton de tête, à la 17ème place, des Etats et gouvernements totalisant le plus de francophones, avant le Burkina Faso et le Sénégal. La voilà propulsée sur le devant de la scène francophone internationale. Malgré elle, bien sûr, puisque la Flandre ne fait pas partie de la Francophonie, si ce n’est par l’intermédiaire de la Belgique qui en est membre, tout comme la Communauté française.
Un dialogue nécessaire
Nous ne mettons pas en évidence ces chiffres dans un esprit de polémique. Mais bien pour inciter les hommes politiques à ne pas prôner ou prendre des mesures qui vont à l’encontre de la réalité. Un fait restera toujours plus fort qu’un lord maire, comme disent les Anglais. Depuis plus de dix ans nous demandons simplement que l’on permette aux francophones vivant en Flandre d’organiser normalement leur vie culturelle qui, comme le montrent des dizaines d’associations culturelles, répond à une demande.
Les responsables politiques flamands n’ont eu en guise de réponse que d’élever des obstacles ou à nous ignorer superbement. Ils ne cessent de prétendre que nous n’existons pas, nous, les centaines de milliers de francophones de Flandre. Les chiffres que nous dévoilons prouvent que nous sommes bien là. Ce qui n’a pas empêché les autorités flamandes d’interdire à la Communauté française de subventionner nos activités, sans pour autant prendre le relais.
Nous pensons que la restructuration institutionnelle du pays est l’occasion de nouer un dialogue de fond sincère sur ce qui est la racine de tous les comportements politiques dans ce pays depuis près d’un siècle : la question linguistique. Les Flamands doivent comprendre que les francophones qui vivent dans leur région, n’ont rien en commun avec les "fransquillons" de jadis et qu’ils parlent bien volontiers le néerlandais.
Les francophones de Flandre pourront désormais s’appuyer sur la Francophonie pour y parvenir.
Le Forum des associations francophones qui se réunit avant chaque Sommet a par ailleurs demandé au Secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, « qu’un soutien constant et ferme soit apporté aux communautés francophones en situation minoritaire (et notamment aux quelque 367.000 francophones qui vivent en Flandre, au nord de la Belgique) dont la vie sociale et culturelle dans leur langue est entravée par les pouvoirs publics nationaux, provinciaux ou régionaux, afin que leurs droits soient reconnus dans les textes et dans la pratique ».
Et « que les minorités francophones qui n’ont pas la souveraineté aient la possibilité de participer aux sommets des États de la francophonie et dans les instances de l’OIF en qualité d’observateurs (Flandre, Louisiane, Nouvelle-Angleterre, Val d’Aoste et toutes autres minorités francophones agressées) ».
Marcel BAUWENS et Edgar FONCK de l’APFF*
* Organisation internationale de la Francophonie, La langue française dans le monde 2010, Nathan