Minorité francophone : Pour qui voter en Flandre ?
Questions et réponses des partis politiques
Avec 5% des voix en mains, les 310.000 francophones qui vivent en Flandre (1) ont de quoi influencer significativement les résultats des prochaines élections, soit en élisant des candidats francophones, notamment dans la périphérie de Bruxelles, soit en modifiant les rapports de force entre les partis politiques flamands.
Mais, pour cela, il faut que les électeurs francophones du nord du pays soient correctement informés. C’est ce qui a conduit l’APFF à interroger les présidents des partis politiques représentés au Parlement fédéral.
Questions
Nous leur avons posé une série de questions sur les sujets qui intéressent tout particulièrement la minorité francophone en Flandre :
1. La ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales ;
2. Les recommandations de l’ONU ayant trait à la Convention-cadre et à la Charte des langues régionales et minoritaires ;
3. Le rapport que la Belgique doit remettre à l’ONU en 2015, dans le cadre de son prochain Examen périodique universel ;
4. Le refus d’acter la désignation du représentant de l’Union des Francophones à la Commission nationale du Pacte culturel ;
5. La création d’un Institut national des droits de l’homme ;
6. L’instauration d’une circonscription fédérale.
Le texte intégral des questions et des réponses peut être consulté sur le site internet de l’APFF http://www.francophonie.be/ndf. Après avoir choisi sa langue, il suffit de cliquer sur l’onglet « Articles » dans le menu de gauche.
Réponses des partis francophones
PS : « Le PS continuera à demander la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. (…) L’acceptation des recommandations de l’ONU est tributaire de l’accord des partis néerlandophones. (…) Il est évident, pour le PS, que la question des minorités devrait être abordée dans ce rapport sur les pratiques en matière de Droits de l’Homme. (…) Si le climat communautaire permet un débat apaisé en impliquant la société civile, tout le monde aurait à y gagner. (…) Un débat (sur la question des minorités, NDLR) n’est pas à l’ordre du jour. (…) La désignation des membres de la CNPC relève de l’autonomie et de la responsabilité des parlements communautaires, en l’occurrence du Parlement flamand. (…) La création de l’Institut national des Droits de l’Homme est actuellement en discussion. Nous pensons qu’il pourra contribuer à faire avancer la question des minorités. (…) La création d’une circonscription électorale fédérale figure dans notre programme ».
MR : « Le MR souhaite que la Belgique ratifie la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales. (…) Le MR souhaite que la Belgique accepte les recommandations de l’ONU. (…) La question des minorités nationales doit bien entendu figurer dans le rapport. (…) Le MR est favorable à ce qu’une large consultation de la société civile soit organisée préalablement à la rédaction du rapport. En ce qui concerne le volet linguistique, ceci implique de donner la parole à l’APFF mais aussi aux organisations de promotion de la langue néerlandaise en Belgique. (…) Nous regrettons la décision (de refuser d’acter la désignation du représentant de l’UF à la Commission nationale du Pacte culturel, NDLR). (…) L’accord de gouvernement, auquel le MR a participé, prévoit spécifiquement la création d’un Institut national (des droits de l’homme, NDLR). (…) Le MR est favorable depuis longtemps à l’instauration d’une circonscription fédérale ».
CDH : « La Convention-cadre sur la protection des minorités nationales doit être ratifiée. (…) Il y a lieu d’accepter les recommandations des Nations-Unies en la matière. (…) Oui. (La question des minorités doit être abordée dans le rapport de la Belgique, NDLR). (…) Oui. (Le cdH est prêt à ce qu’un large débat soit ouvert sur la question des minorités et d’y inviter des représentants des associations francophones de Flandre, de la Périphérie et des Fourons, NDLR). (…) C’est particulièrement regrettable (que le Parlement flamand ait refusé d’acter la désignation du nouveau représentant de l’UF à la Commission nationale du Pacte culturel, NDLR). (…) Il y a déjà des institutions en Belgique qui veillent au respect des droits de l’Homme. (…) Oui. (Le cdH est favorable à l’instauration d’une circonscription fédérale, NDLR) ».
ECOLO : « Ecolo soutient la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités. (…) L’accord institutionnel stipulait que "le Parlement établira un rapport sur la lutte contre toutes les discriminations, dont la protection des minorités". (…) Pour Ecolo, il conviendra de donner dès le lendemain des élections suite à cet engagement. (…) La question des minorités devra nécessairement être abordée dans le rapport à l’ONU. (…) Ecolo place la consultation des acteurs et la participation citoyenne au cœur de son projet politique. (…) Oui. (Ecolo est prêt à ce qu’un large débat soit ouvert sur la question des minorités et d’y inviter des représentants des associations francophones de Flandre, de la Périphérie et des Fourons, NDLR). (…) Ecolo n’aperçoit pas les raisons pour lesquelles l’UF ne pourrait pas bénéficier des dispositions de la loi sur le pacte culturel. (…) Depuis plusieurs législatures, Ecolo a inscrit dans son programme la proposition d’une circonscription fédérale ».
FDF : « Le Gouvernement flamand indique explicitement qu’il s’engage à ne pas ratifier la Convention-cadre. (…) Pour les FDF, il n’est plus acceptable que la Belgique se soustraie de la sorte à ses obligations internationales, sous la pression principale des partis flamands. (…) a) La protection des minorités doit impérativement être abordée dans le rapport que la Belgique doit remettre à l’ONU ; b) Les associations actives dans le domaine des droits de l’homme, de même que les ONG doivent pouvoir être associées à la rédaction dudit rapport ; c) Il serait sain et souhaitable que les associations francophones de Flandre, de la Périphérie, et des Fourons soient dûment invités à y participer. (…) Le Parlement flamand n’avait pas à opérer ce choix discrétionnaire d’exclure le représentant de l’Union des Francophones (UF) à la Commission nationale du Pacte culturel. (…) La création d’un Institut national des droits de l’homme serait sans doute en mesure de faire avancer la question des minorités en Belgique. (…) Les FDF sont favorables à la création d’une circonscription fédérale ».
MCC : Le Président du MCC, Gérard Deprez, nous a fait savoir que son parti étant une des composantes du Mouvement réformateur, il partageait intégralement les réponses du MR.
Réponses des partis flamands (2)
CD&V : « L’accord de gouvernement flamand de l’actuelle législature refuse de ratifier la Convention-cadre. (…) La Belgique reviendra sur les différentes recommandations faites en 2011 lors du prochain Examen périodique universel. (…) Les francophones sont explicitement impliqués dans la mise en place des législations (relatives au principe de territorialité, NDLR) via leurs représentants au niveau fédéral. (…) Nous sommes partisans de la démocratie représentative. (…) La décision (de refuser d’acter la désignation du représentant UF à la Commission nationale du Pacte culturel, NDLR) relève de l’autonomie du Parlement flamand. (…) La création d’un Institut (national des droits de l’homme, NDLR) doit faire l’objet de discussions avec les entités fédérées. (…) Une circonscription fédérale va à l’encontre de la tendance de renforcement des entités fédérées ».
SP-A : « Le SP-A fait preuve d’ouverture en ce qui concerne la ratification de la Convention-cadre. Cependant, la protection des minorités doit être liée à une protection claire de la langue et de la culture flamandes. (…) Les recommandations de l’ONU peuvent uniquement être suivies si on réussit à trouver un accord entre le législateur fédéral et les parlements communautaires et régionaux. (…) La question des minorités peut, tout comme toute autre thématique concernant les droits de l’homme, être abordée lors de la prochaine enquête quadri annuelle de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans notre pays. (…) Le SP-A n’est pas favorable à l’organisation d’un grand débat sur la question des minorités. (…) Le Parlement flamand a refusé le candidat de l’UF car celui-ci est souvent anti-flamand. (…) Le SP-A est un fervent partisan de la création d’un Institut national des droits de l’homme. Ceci indépendamment de la ratification de la Convention-cadre. (…) Lors du congrès du SP-A du 8 juin 2013, la circonscription fédérale a été refusée par les membres du parti ».
OPEN VLD : « Les francophones et les néerlandophones ne peuvent, selon nous, être considérés comme minorité nationale au sens de la Convention cadre. L’Open VLD ne peut marquer son accord qu’à partir du moment où une définition acceptable (du concept de minorité, NDLR) est trouvée. (…) L’Examen périodique universel est une occasion unique d’impliquer la société civile en la consultant pour préparer le rapport. (…) L’Open VLD n’est pas favorable à ce qu’on aborde la problématique linguistique sous l’angle des minorités. Toutefois, le parti est disposé à enquêter sur toutes les discriminations y compris sur celles basées sur la langue. (…) Il est déplorable que certains groupes parlementaires aient estimé, pour des raisons communautaires, qu’il était nécessaire d’entreprendre cette action (à l’encontre de l’UF, NDLR). (…) L’Open VLD plaide pour la création d’un Institut interfédéral des droits de l’homme qui regroupe ou intègre les organisations existantes. (…) L’Open VLD est en faveur de l’élection d’une partie des membres de la Chambre sur base d’une circonscription électorale fédérale ».
VLAAMS BELANG (3) : « Il n’y a pas de minorités dans la Région flamande au sens de la Convention-cadre. (…) Nous ne sommes en principe pas opposés à un système dans lequel des citoyens ordinaires puissent faire entendre leur voix (…). Mais en pratique, cela peut conduire à des problèmes insolubles d’abus et de perte de contrôle. Bruxelles et la Périphérie font partie, de manière inaliénable, de la Flandre. (…) Non, (le Vlaams Belang rejette, dans le cadre du rapport que la Belgique doit remettre à l’ONU, l’idée d’un large débat sur les minorités en y invitant des représentants des associations francophones de Flandre, de la Périphérie et des Fourons, NDLR). Ces associations ne sont pas déterminantes car elles ne représentent pas des minorités définies internationalement. (…) Le parlement flamand a encore été très sage (en refusant d’acter la désignation du représentant de l’UF à la Commission nationale du Pacte culturel, NDLR). (…) En Belgique il y a sans doute une minorité : les germanophones. Un Institut national des droits de l’homme ne nous semble pas nécessaire pour garantir leurs droits. (…) Le Vlaams Belang est opposé à l’instauration d’une circonscription fédérale ».
GROEN : « Pour Groen la ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales est négociable. Nous voulons souligner que pour Groen les droits fondamentaux ne peuvent jamais être limités pour des raisons linguistiques. (…) Groen trouve que les rapports de l’ONU sont importants. Groen est favorable à une transparence maximale et une participation maximale des citoyens et de la société civile dans l’élaboration de ce rapport. (…) A proprement parler, la présence de l’UF au Parlement flamand lui donne formellement droit à un représentant avec voix consultative à la Commission du Pacte culturel. (…) La mise en place de l’Institut des droits de l’homme devrait se faire en concertation avec des organisations de droit de l’homme existantes. (…) Groen est le parti politique qui milite depuis le plus longtemps pour l’instauration d’une circonscription fédérale ».
LDD : Le porte parole de Jean-Marie Dedecker, Piet Deslé, nous a communiqué le message suivant (extrait) : « Je ne serais pas étonné si vous ne receviez pas de réponse du Président Jean-Marie Dedecker. Si vous estimez que les francophones qui habitent en Flandre ou dans sa capitale bilingue, Bruxelles, se font des soucis à propos de vos questions, alors je crains que vous ne sous-estimiez fortement ces personnes ».
Analyse
Douze partis (PS, MR, CDH, Ecolo, FDF, MCC, CD&V, SP-A, Open VLD, Vlaams Belang(3), Groen et LDD) ont répondu à notre enquête en fournissant, pour la plupart, des réponses détaillées (26 pages en tout), ce qui montre l’importance accordée aux sujets traités. Regrettons cependant l’absence de réponses de la N-VA, malgré nos relances.
Tous les partis francophones soutiennent la ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales et l’instauration d’une circonscription fédérale. Unanimité également, du côté francophone, pour que la question des minorités soit abordée dans le rapport que la Belgique doit remettre à l’ONU, fin octobre 2015, en vue du prochain Examen périodique universel (EPU) de notre pays. Et, cerise sur le gâteau : accueil très positif de la proposition de l’APFF d’ouvrir, à cette occasion, un large débat sur les minorités, auquel seraient invités des représentants des associations francophones de Flandre, de la Périphérie et des Fourons. Notons toutefois la réticence du président du PS, Paul Magnette, qui précise qu’« un tel débat n’est pas à l’ordre du jour ».
Du côté flamand, on observe plusieurs déclarations intéressantes. Si le CD&V explique que « la Belgique reviendra sur les différentes recommandations faites en 2011 lors du prochain Examen périodique universel », ce sont les écologistes flamands de Groen qui sont les plus proches des positions francophones, suivis du SP-A et de l’Open VLD. Les socialistes flamands font preuve d’ouverture au niveau de la ratification de la Convention-cadre, mais ont refusé l’idée de la circonscription fédérale. Les libéraux flamands sont, quant à eux, favorables à la circonscription fédérale, mais n’accepteront la ratification de la Convention-cadre que si une définition "acceptable" du concept de minorité est trouvée. Faut-il comprendre : sans que les francophones de Flandre ne soient reconnus comme une minorité ? Soyons vigilants !
Vous disposez maintenant d’une série d’éléments pour voter en connaissance de cause.