La Belgique, qui est candidate à un siège au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour la période 2016-2018, se doit d’avoir une attitude irréprochable à l’occasion de son prochain Examen Périodique Universel (EPU). Cela implique que tous les sujets puissent être abordés, même les plus sensibles, tels que la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
- Le chemin semble droit et balisé, pourtant...
- Ph : Edgar Fonck
Rôle de la société civile
Cela implique également que la Belgique associe pleinement la société civile à toutes les étapes de l’élaboration du rapport national qu’elle doit remettre à l’ONU fin octobre 2015. Nos autorités en sont bien conscientes. L’accord de gouvernement prévoit d’ailleurs expressément qu’« en interne, tous les efforts devront être entrepris pour encadrer correctement l’Examen Périodique Universel au Conseil des droits de l’homme de l’ONU dont le 2ème cycle pour la Belgique est prévu début 2016 ».
Dans ces conditions, la réponse du Ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR), dont les services sont chargés de coordonner le processus de rédaction du rapport national, à une question parlementaire de Véronique Caprasse (FDF), le 19 novembre dernier, est assez inquiétante : « Un calendrier de concertation précis avec la société civile n’a pas encore été établi. Le processus de rédaction du deuxième rapport national doit, en effet, encore être lancé et faire l’objet de réunions de coordination avec toutes les entités concernées ».
Cette réponse nécessite absolument des éclaircissements ! La Belgique veut-elle se réserver la possibilité de mettre la question des minorités une nouvelle fois au frigo ? Le rôle de la société civile sera-t-il limité à une simple consultation du rapport après sa rédaction en interne, comme ce fut le cas lors du bilan à mi-parcours en 2013 ? Ce que l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF) n’avait pas manqué de qualifier de simulacre de démocratie !
Directives de l’ONU
Les directives de l’ONU, en ce qui concerne la manière de rassembler les renseignements présentés dans les rapports nationaux, sont pourtant on ne peut plus claires : « Les États sont encouragés à procéder à des consultations de grande envergure au niveau national avec toutes les parties prenantes pour rassembler ces renseignements » (résolution A/HRC/RES/5/1). UPR Info, une ONG dédiée à la promotion et au renforcement du mécanisme de l’EPU précise quant à elle que : « Ces consultations devraient prendre place au moins un an avant l’examen, se tenir dans différentes villes et régions du pays et inclure la société civile au sens large ».
Bonnes pratiques
Comment cela se passe-t-il ailleurs ? Afin de mettre en évidence les bonnes pratiques, nous avons examiné attentivement les rapports nationaux des 12 pays qui bénéficient des meilleurs indices de démocratie selon The Economist : Norvège, Suède, Islande, Danemark, Nouvelle-Zélande, Australie, Suisse, Canada, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas et Irlande. Signalons au passage que la Belgique ne figure qu’à la 23ème place sur 25 des pays démocratiques, à deux doigts de la catégorie des démocraties imparfaites !
A la lecture de ces 12 rapports, ce qui frappe immédiatement, c’est le souci quasi omniprésent d’associer la société civile à toutes les étapes importantes du processus. Que ce soit pour rassembler les informations, déterminer les thèmes abordés, mettre à jour ou modifier les rapports avant qu’ils ne soient adoptés, plusieurs réunions sont organisées. Certains pays utilisent internet et les réseaux sociaux pour faciliter les contacts. Preuve ultime de transparence, la Suisse publie à la fin de son rapport le compte-rendu de réunions au cours desquelles la société civile a eu l’occasion de faire part de ses remarques quant au rapport lui-même. Chapeau !
- Charles Michel, un premier ministre qui devra prendre position.
- Ph : Wikimedia Commons - UNDP
Position de Charles Michel
En mars 2014, il y a donc moins d’un an, nous avions interrogé les présidents des partis politiques à propos du prochain EPU de la Belgique et du rapport national. Voici ce que Charles Michel, alors président du MR, nous avait répondu : « La question des minorités nationales doit bien entendu figurer dans le rapport, ne serait-ce que pour répondre aux recommandations formulées lors de l’EPU de 2011.
Le MR est favorable à ce qu’une large consultation de la société civile soit organisée préalablement à la rédaction du rapport. Pour être complète, cette consultation doit s’ouvrir à des organisations représentant divers courants d’opinion. En ce qui concerne le volet linguistique, ceci implique de donner la parole à l’APFF mais aussi aux organisations de promotion de la langue néerlandaise en Belgique. (...) Nous soutenons une large consultation qui s’ouvrirait aux représentants des Francophones de Flandre, de la Périphérie et des Fourons, mais aussi aux organisations représentant les néerlandophones ».
Quelle est aujourd’hui la position de Charles Michel, alors qu’il est devenu Premier ministre et qu’il est à la tête d’un gouvernement dominé par les nationalistes flamands de la N-VA ? Tout le monde sait que leur chef de file, Bart De Wever, ne veut pas entendre parler de minorité francophone sur son territoire et que la Flandre a inscrit noir sur blanc, dans son propre accord de gouvernement, qu’elle ne ratifiera pas la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
On peut dès lors se demander de quelle marge de manœuvre disposent Charles Michel et Didier Reynders pour faire avancer le dossier. Encore faut-il que cela fasse partie de leurs priorités... Là aussi, l’APFF souhaite des éclaircissements !