- Françoise Bertieaux, une parole forte pour le droit des femmes en Francophonie.
- Ph : Aimablement prêtée par l’APF
Je suis membre du Réseau des femmes parlementaires de l’APF depuis 10 ans et j’ai l’honneur de le présider depuis 2 ans et demi à présent… Une ligne dans mon C.V. qui ne vous parle pas vraiment ? C’est pourtant là une mission qui remplit bien mon agenda de députée au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Pour que cela vous « parle » un peu plus, expliquons peut-être d’abord ce que tous ces sigles signifient. L’APF — Assemblée Parlementaire de la Francophonie – est une assemblée consultative, alors que l’OIF – Organisation Internationale de la Francophonie – est l’émanation des chefs d’États et de Gouvernements des pays faisant partie de la Francophonie. C’est en quelque sorte le lien entre le législatif d’une part, et l’exécutif d’autre part.
Et depuis 12 ans désormais, aux côtés des Commissions dites « traditionnelles » de l’APF, le Réseau des femmes parlementaires s’est constitué pour traiter des problématiques concernant les femmes plus spécifiquement. Comment ça marche ? La méthode de travail habituellement utilisée est qu’une rapporteure analyse tous les tenants et aboutissants d’une problématique, fait des propositions qui, pour certaines, se transforment en une résolution. Chaque parlementaire est dès lors censée l’amener dans son parlement national pour être mise en œuvre.
Soyons clairs, et j’anticipe ici certaines critiques, il ne s’agit pas d’un mouvement d’anciennes suffragettes. Les thèmes sont graves et universels. Le Réseau a ainsi analysé et déposé des propositions en matière de violences à l’égard des femmes (excision et mutations génitales, mariages forcés, le viol comme arme de guerre, etc.) ou encore d’autonomisation de l’économie en faveur des femmes (questions des microcrédits, accès à l’éducation, etc.). Que ces sujets soient abordés sur la scène internationale est une aide précieuse pour les nombreuses parlementaires qui mènent ces combats dans leurs pays.
- La 38ème session de l’APF à Bruxelles.
- Ph : Aimablement prêtée par l’APF
Un autre thème privilégié du Réseau : la représentation des femmes dans les sphères publiques et privées, dans le respect des quotas. Voici un an, à l’occasion d’une session organisée au Sénégal, qui d’ailleurs sortait d’une élection avec des listes paritaires pour la première fois, cette question a été largement débattue. Ce qui a généré, en décembre 2013, l’organisation d’un séminaire à Bruxelles et l’élaboration d’un rapport qui sera rendu public lors de la session plénière de juillet.
Le Réseau organise également des séminaires de « renforcement des capacités » à destination des parlementaires de pays limitrophes. Par exemple, chaque séminaire permet de renforcer les parlementaires dans leur travail quant à l’application de la CEDEF (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) dans leur pays. En un mot comme en cent : le Réseau constitue une bibliothèque de modèles législatifs, à partir desquels la parlementaire peut s’inspirer pour son travail.
Enfin, depuis peu, le Réseau pratique des missions d’information et de prises de contact dans des pays dits « en sortie de crise » tels que la Tunisie ou la Côte d’Ivoire. C’est souvent très enrichissant de par la diversité des expériences vécues au cours de ces missions, mais aussi par l’entraide qu’on y développe en partageant des solutions.
- Françoise Bertieaux en mission en Tunisie (décembre 2011)
- Ph : Aimablement prêtée par l’APF
En 2011, l’une de ces missions s’est déroulée en Tunisie pour y rencontrer les nouvelles élues. Beaucoup étaient de véritables novices n’ayant jamais rempli de mandats politiques et, donc, souhaitant pouvoir participer à nos séminaires de « renforcement des capacités ». Nous y avons également rencontré des femmes de la société civile qui nous ont fait partager leurs expériences difficiles du passé, leurs attentes futures, mais aussi leurs craintes quant à une possible régression des droits des Tunisiennes face à une radicalisation religieuse qui a bien failli se réaliser…
En juillet 2013 et à la demande du secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf, j’ai participé à une mission d’information en Égypte. L’objectif ? Éclaircir avec tous les intervenants la situation alors des plus confuses. Nous avons ainsi rencontré les représentants des Frères musulmans comme ceux du nouveau régime en place, de la société civile et de la principale association des droits des femmes, à qui certaines législations (légalisation de l’excision, l’interdiction de demander le divorce), alors en préparation par l’ancien président Mohamed Morsi, faisaient très peur.
Et puis, ces missions apportent leur lot de surprises et bousculent souvent des préjugés bien établis ! En effet, ce ne sont pas toujours les pays les plus développés – ou considérés comme les plus avancés en matière de droits des femmes –, qui sont précurseurs en la matière… Ainsi, sachez que le Rwanda dispose du premier parlement à composition totalement paritaire ; alors que la Belgique, qui applique les quotas depuis 16 ans déjà, est encore loin du compte.
Vous l’aurez compris, à titre personnel, présider le Réseau des femmes parlementaires de l’APF a élargi ma vision de bien des problématiques rencontrées par des millions de femmes au sein de la Francophonie (et au-delà) et de les apprécier sous bien des angles différents.
Une violence à l’égard des femmes est, et reste, toujours inacceptable, mais selon la culture, l’ordre juridique national ou le poids des femmes dans la vie politique du pays, les armes à disposition pour lutter contre cette violence peuvent prendre des formes très différentes. Il faut savoir faire preuve d’humilité et pouvoir entendre l’autre dans toute sa diversité et sa complexité, mais toujours avec le même objectif, ensemble : le respect des droits de toutes les femmes.
- La 38ème session de l’APF à Bruxelles.
- Ph : Aimablement prêtée par l’APF