Claire Gillet aime « les gens ». Quoi de plus naturel, direz-vous ? Pourtant son parcours photographique montre sans détour que ce n’est pas là une posture. Par le choix de ses reportages et de ses engagements personnels elle témoigne sans relâche d’un monde fracturé fait de ruptures et de stigmatisations. Dans sa région lyonnaise elle a posé un regard bienveillant sur les gens du voyage et a créé un atelier photo avec (et pour) des jeunes en difficulté... Côté voyage, Claire n’est pas en reste et a découvert, appareil photo en main, des lieux aussi différents que la Tunisie, la Turquie et le Kenya. Ces derniers temps le Mali et le Burkina Faso occupent son esprit. À Diré, au bord du fleuve Niger, non loin de Tombouctou, Claire a activement participé à une initiative d’aide au développement dans le domaine médical, tout en photographiant ! Quant au Burkina, l’histoire est toute récente...
- Noir et blanc de peau
- Photo : Claire Gillet
C’est au pays des hommes intègres que Claire a mis son talent et son énergie au service d’une cause délicate : l’albinisme. De Ouaga à Bobo, accompagnée par Sandrine Ouédraogo, chargée de poser des mots sur les photos, soutenue par l’Association Burkinabè pour l’Intégration des Personnes Albinos, Claire a rencontré des personnes atteinte par cette dépigmentation. De ces instants fugaces est né un témoignage poignant qui répond à la nécessité de sensibiliser « gens du Nord » comme « gens du Sud » à une maladie dont le « représentant » le plus célèbre est le chanteur malien Selif Keita. En effet, les personnes touchées par cette maladie génétiques souffrent, en plus d’un mal affectant leur chaire et leur vision, d’un mal appelé... le rejet ! Le caractère singulier de la maladie enferme les albinos dans une insupportable précarité sociale... rejet pur et simple car jugés maléfiques ils peuvent être paradoxalement objets de désirs malsains car certains confèrent aux ongles ou aux cheveux des albinos des pouvoirs « magiques ». En un mot... ils n’en finissent pas de payer une faute dont beaucoup les juge responsables : la faute de n’être ni blancs ni noirs et ainsi de faire voler en éclats les préjugés collés à ces couleurs marquées par l’Histoire.
Prendre comme modèles photographiques des personnes frappées par une maladie visuellement si présente demande un savoir-faire technique et une attitude responsable irréprochables. Claire Gillet exprime ses choix sans détour : Pour le traitement de l’image et mes choix artistiques, l’utilisation d’une pellicule noir et blanc paraissait essentielle dans ce travail : il s’agissait de fondre les décors et d’oublier les couleurs pour mettre en valeur, voire accentuer, ce contraste ; cette opposition basique du noir et du blanc. L’esthétique même de la photo (et de son négatif) met en évidence le problème évoqué : qui est blanc ? Qui est noir ? Quelle est la différence, finalement ?
Sans doute, le travail de Claire ne parviendra pas à renverser l’amoncellement de préjugés mais il est difficile de lui opposer un tel reproche ! Ses images, remplies de trouble et de compassion, fruits de rencontres inoubliables, sont une pierre à l’édifice de la sensibilisation ! Au pays des hommes intègres et à ses voisins africains de relever le défi... et de poursuivre avec le soutien de tous ! Claire et Sandrine ont rempli leur part !