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CÔTE D’IVOIRE - Retour sur l’année 2017

CÔTE D’IVOIRE - Retour sur l’année 2017

2 janvier 2018 - par Kanaté Dahouda 
Un président déterminé à faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020. Ph : Flickr - Maxence

POLITIQUE

Bien qu’étant en disgrâce avec l’actuel régime, l’écrivain et homme de culture ivoirien, Tiburce Koffi, tient à affirmer haut et fort cette vérité : « Ouattara ne rit pas, ne danse pas, ne s’amuse pas. Il travaille  ». Déterminé à faire de la Côte d’Ivoire « un pays émergent à l’horizon 2020 », le Président Alassane Dramane Ouattara n’a, en effet, pas cessé de « travailler » sur tous les fronts, pour réaliser de nombreuses infrastructures qui font la fierté de ses concitoyens : construction d’écoles et d’universités, de ponts et d’autoroutes ; électrification de plusieurs localités urbaines et villageoises, alimentation en eau ; construction ou réhabilitation d’hôpitaux et de centres de santé (dispensaires et maternités). Sur la scène internationale, le Président ivoirien ne ménage aucun effort pour repositionner son pays comme un « État finalement fréquentable et respectable » dans le concert des nations où le drapeau ivoirien flotte dorénavant avec un air de fierté retrouvé. Son bilan a parlé au cœur des Ivoiriens qui l’ont, en l’occurrence, réélu en 2015 pour diriger les destinées de la Côte d’Ivoire pour un second mandat de cinq ans, avec 83,66 des voix, selon la Commission électorale indépendante (CEI).

Après son élection, le Président a tenu à doter la Côte d’Ivoire d’une nouvelle constitution que le peuple ivoirien a adoptée en 2016 par référendum, avec 93,42 % de suffrages favorables pour un taux de participation de 42,42 %. L’adoption de cette nouvelle constitution a occasionné la mise en place des institutions de la 3e République, avec entre autres, une nouvelle Assemblée nationale (dirigée par Soro Guillaume) et la nomination d’un Vice-Président en la personne de Daniel Kablan Duncan. Au mois de janvier 2017, on a aussi assisté à la formation du premier gouvernement de la 3e République, avec comme Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. La nouvelle Constitution a été adoptée dans l’esprit d’un nouveau contrat social inspiré par l’éthique du vivre ensemble dans le respect des institutions démocratiques, des principes de la bonne gouvernance et de la diversité socio-culturelle. Paradoxalement, le « vivre ensemble » en question est sans cesse menacé par les luttes de pouvoir sévissant à l’interne entre le Rassemblement Des Républicains d’Alassane Ouattara et le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire de l’ancien Président, Henri Konan Bédié. À cela, il faut ajouter les rivalités qui minent le Front Populaire Ivoirien, principal parti d’opposition divisé entre Pro-Affi N’Guessan (reconnu par le pouvoir en place) et Pro-Aboudramane Sangaré (qui se réclame de la faction Gbagbo ou rien).

Jugeant ces palabres peu propices à favoriser la stabilité et la cohésion sociale, Amon Tanoé, chef traditionnel et roi de Grand-Bassam, a interpellé les figures de proue des partis politiques : « J’en appelle au bon sens et à l’esprit citoyen de nos leaders politiques ». Son souci serait de « préserver le pays d’une crise postélectorale lors de la présidentielle de 2020 ». Dans le même esprit pacifiste, l’ex-chef de la rébellion Guillaume Soro (et actuel Président de l’Assemblée nationale) a demandé, à la surprise générale, « pardon aux Ivoiriens » et à l’ex-président Laurent Gbagbo. Au cours de la 21e édition de la Journée nationale de la paix au mois de novembre 2017, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly a, pour sa part, invité la classe politique à cultiver un climat de paix pour ne pas fragiliser la cohésion sociale. Car « sans cohésion sociale, nous avons très peu de chance de nous engager sur la voie du développement durable ». Ces sorties en faveur de la réconciliation nationale sont intervenues dans un climat de tensions persistantes (avec des conflits intercommunautaires, des grèves et revendications salariales) et sur fond d’insécurités (liés à la chienlit de militaires réclamant des payements de primes et l’amélioration de leurs conditions de vie, ainsi qu’à la désolation que les enfants microbes et le grand banditisme sèment au sein de la population). Pour le moment, le gouvernement peine à trouver des mesures efficaces pour annihiler définitivement ces menaces à l’harmonie et à la cohésion nationale.

Au plan politique, le régime a déjà posé quelques actions de nature à décrisper l’atmosphère sociale, en favorisant notamment le retour des exilés Pro-Gbagbo, en dégelant les fonds d’anciens caciques politiques, et en procédant graduellement à leur libération. Jugées salutaires par certains observateurs de la scène politique ivoirienne, ces mesures d’apaisement sont considérées comme étant insuffisantes par les partisans de l’opposition, qui réclament « une amnistie générale » en faveur de tous les prisonniers politiques. De part et d’autre, la suspicion et la méfiance persistent au moment où les cœurs sont encore armés au détriment de la réconciliation. La réalisation effective de celle-ci est pourtant nécessaire pour créer un climat de paix civile propice à la quête inextinguible vers l’émergence à laquelle aspire « l’Ivoirien Nouveau ». Ce désir d’émergence ne saurait, cependant, faire l’économie d’une bonne gouvernance que le gouvernement doit continuer de promouvoir dans l’esprit d’une justice impartiale à même de « rassurer » aussi si bien les Ivoiriens de tous bords que les investisseurs nationaux et étrangers.


L’économie au programme - Ph : elysee.fr

ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ

Alors que la réconciliation bégaie, l’économie est en croissance, grâce aux efforts du gouvernement et à son ambitieuse politique de réformes déployée dans le cadre du second volet de son Plan National de Développement, qui couvre la période de 2016-2020. La communauté internationale et les bailleurs de fond continuent de soutenir ce plan, qui demeure essentiel au redécollage de l’économie ivoirienne. On se souvient que l’agence de notation financière Fitch avait salué les bonnes performances de la Côte d’Ivoire qu’elle jugea, malgré les défis, « supérieures à celles de ses voisins, avec un taux de croissance moyen de 9,2 entre 2012 et 2016 ». Même son de cloche au Fonds Monétaire International, qui après avoir constaté les effets de la détérioration des termes de l’échange et des tensions sociales en Côte d’Ivoire, reconnaît néanmoins que « … les perspectives économiques ivoiriennes restent bonnes, avec une croissance annuelle estimée à 7 % pour la période 2017-2019 » (Mitsuhiro Furusawa, Directeur Adjoint du FMI). Pour soutenir la croissance en question, la Banque Mondiale a approuvé au mois de juin 2017 un crédit de plus de 60 milliards de FCFA en faveur de la Côte d’Ivoire pour financer des projets d’infrastructures qui profiteront aux développements de la ville de Bouaké et de celle de San-Pédro profiteront. Abidjan, la capitale économique, n’est pas en reste.

En effet, le Président Ouattara a promis d’effectuer des travaux relatifs à « notre Métro d’Abidjan » qui vise à « désengorger » cette ville, tout en « lui donnant l’allure des grandes métropoles mondiales ». Pour ce faire, il a de nouveau rencontré au mois de juin 2017 le Président français, Emmanuel Macron, dont le gouvernement s’est engagé à soutenir le financement du « Métro d’Abidjan » à concurrence de 1,4 milliard d’Euros. Projet du « Métro d’Abidjan » et réalisation du barrage hydroélectrique de Soubré ; reformes dans l’éducation et améliorations des infrastructures sanitaires ; constructions d’universités (à Man, et plus tard, à San-Pédro et à Bondoukou) et accès accrus aux logements sociaux, etc. À travers ces projets et travaux herculéens, « le Prado » a réussi à transformer la Côte d’Ivoire en un vaste chantier qui se déploie majestueusement comme une gigantesque œuvre de reconstruction. Il se sert de la politique des grands travaux comme « arguments politiques » de la même façon qu’il convoque la diplomatie comme moyen de négociation stratégique qui permet de repositionner son pays au sein de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’UEMOA, ainsi que dans les girons de l’Organisation des Nations-Unies et de la finance internationale. C’est ainsi que le vendredi 2 juin 2017 la Côte d’Ivoire a pu obtenir le poste de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, pour la période 2017-2018. Cette victoire a été saluée par la délégation ivoirienne comme celle de la diplomatie ivoirienne. Elle vient satisfaire la volonté de la Côte d’Ivoire de « porter la voix de l’Afrique, mieux défendre les intérêts du continent en bonne intelligence avec tous les autres membres des Nations Unies », pour emprunter une expression du Président Alassane Ouattara. Le retour de la Côte d’Ivoire dans le concert des nations lui a également valu l’honneur d’organiser le Sommet Union Africaine-Union Européenne qui s’est tenu les 29-30 novembre 2017, à Abidjan.

L’offensive pour repositionner la Côte d’Ivoire est menée sous le signe d’une éco-diplomatie qui se veut très proactive en matière de recherche de financement indispensable au développement global du pays. La signature à Washington de l`Accord de Don du Millenium Challenge Corporation (MCC) à la Côte d`Ivoire est une parfaite illustration du succès de cette éco-diplomatie. Ce programme d’aide bilatérale de plus de 524.740.000 millions de dollars US devrait permettre au pays de poursuivre ses réformes « en matière de bonne gouvernance, de respect des droits de l’homme et de gestion économique saine ». Lors de la cérémonie de signature, le Président Directeur Général du Millenium Challenge Corporation, Jonathan Nash, a salué le leadership du Président Ouattara, en même temps qu’il « a réitéré la détermination des États-Unis à soutenir les efforts du gouvernement ivoirien pour la réduction de la pauvreté à travers une croissance durable et inclusive ». En disant cela, il a pointé du doigt le paradoxe auquel est confrontée la relance économique ivoirienne : l’embellie économique peine à réduire de façon substantielle la pauvreté et à améliorer le quotidien des citoyens.


La croissance est-elle au rendez-vous pour chacun ? Ph : wikimedia commons - MKwadyo

La star international du Reggae, Tiken Jah Fakoly, fait le même constat et va plus loin dans ses pensées : « Il y a certes des avancées politiques et économiques, mais elles peuvent être éphémères tant qu’il y aura la corruption, des injustices, des inégalités, tant que la jeunesse ne ressentira pas les retombées du boom économique, nous resterons toujours dans l’incertitude ». C’est sans doute contre cette incertitude que Pascal Affi N’Guessan et les membres de l`Alliance des forces démocratiques ont organisé au mois de juin 2017 une marche dite de « la colère » pour « dénoncer les difficultés des Ivoiriens » et leur exaspération face « une croissance économique qui ne les fait pas manger à leur faim ». Pour sa défense, le pouvoir à Abidjan répond : « Pourtant, on ne peut pas manger sans croissance ». Le défi de l’émergence se tient dans cet écart et ce décalage entre réalité sociale et volonté politique. Cette situation indique un déphasage dont le Président est conscient. C’est pour cela qu’il s’est voulu rassurant dans son discours de commémoration du 57e anniversaire de la Cote d’Ivoire, le 7 aout 2017 : « Les trois années à venir seront caractérisées par plus d’actions, davantage de croissance et de mieux-être pour tous  ». Réussira-t-il à tenir sa promesse d’offrir une croissance inclusive à tous ses concitoyens impatients de déguster les fruits de l’émergence ?


Pilier de l’économie agricole - Ph : wikimedia commons - jessica sagou

CULTURE, ART ET SPORT

« Il reste toutefois des défis à relever pour que la Côte d’Ivoire accède de manière définitive à l’émergence ». Telle est la conclusion d’un ouvrage publié par Théophile Ahoua NDoli, directeur de Cabinet du Vice-Président de la République. Tenant en deux tomes, ce livre, intitulé Le Réveil de l’éléphant d’Afrique, retrace les réussites et les crises de l’économie ivoirienne, ainsi que les enjeux et les défis de sa relance, entre les années 1960 et 2017. Un autre ouvrage qui a fait du boucan dans le paysage culturel de la Côte d’Ivoire est celui de la journaliste française, Leslie Varenne : Abobo La Guerre. Représentant la Côte d’Ivoire comme un « terrain de jeu de la France et de l’ONU », ce livre-enquête fait retour sur la crise post-électorale pour jeter, entre autres, un regard critique et parfois douteux sur « les tueries d’Abobo » qui ont justifié l’intervention de la France en Côte d’Ivoire, grâce notamment au vote de la résolution 1975 à l’ONU.

Le ton accusateur de cet ouvrage tranche avec celui de Marie Yolande Hughes : La Côte d’Ivoire à l’épreuve de la démocratie. La jeune écrivaine ivoirienne y retrace l’histoire ivoirienne de la colonisation jusqu’à la crise de 2010, avant de proposer quelques pistes de réflexion sur la place essentielle de la réconciliation nationale dans le processus démocratique de la Côte d’Ivoire.

Maurice Bandaman - Ph : page FB de MB

La quête de la cohésion nationale après la crise a aussi inspiré des œuvres de fiction. C’est le cas de L’État Z’héros ou la guerre des Gaous (2016) de Maurice Bandaman, écrivain ivoirien. Ce conte romanesque raconte de façon truculente et la vie d’un président sanguinaire dont le pouvoir fantoche n’a produit que malheurs et tragédies pour son peuple.
À la 9e édition du Marché des Arts du Spectacle Africain (MASA 2016), Maurice Bandaman a troqué son chapeau d’écrivain pour celui du ministre de la Culture et de la Francophonie. Avant de déclarer close cette fresque culturelle de grande envergure, il « a annoncé à l’opinion nationale et internationale que la Côte d’Ivoire vient de prouver à travers l’organisation de la 9e édition du MASA qu’elle peut bien organiser les Jeux de la Francophonie en 2017 ». Il n’a pas eu tort, puisque Abidjan a accueilli avec succès la 8e édition de ce grand rendez-vous du sport, des arts et de la Culture qui aurait vu la participation de 4 000 athlètes et artistes venus de 53 pays, dont la France et le Canada, le Maroc et le Sénégal, la Tunisie, le Liban, le Bénin, le Cameroun, le Vietnam, le Cambodge, et bien d’autres nations.



À l’occasion de la cérémonie d’ouverture, Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie, n’a pas manqué de rappeler aux Ivoiriens l’importance de ces jeux : « […] Et grâce à vous, nous démontrons, à la face du monde, la force de l’amitié et de la fraternité entre les peuples, la force de la riche diversité de nos cultures et de nos langues, la force aussi de la langue française qui est notre trait d’union, la force de pouvoir se lancer tous les défis à travers les arts et le sport  ». Pour les autorités ivoiriennes, l’organisation de ces jeux constitue une aubaine qui permet de renforcer l’économie et la cohésion nationale, tout en donnant à la Côte d’Ivoire une stature mondiale. Si la France s’est fait représenter à ce rendez-vous international par une délégation honorable, l’absence de son Président, Emmanuel Macron, a été ressentie comme une trahison à l’égard de la Francophonie ivoirienne. Heureusement, il a promis de se rendre à Abidjan pour participer au Sommet Union Africaine-Union Européenne, vers la fin du mois novembre 2017.
Espérons que les leaders présents à ce sommet discuteront des moyens et des stratégies à mettre en œuvre pour éradiquer le commerce honteux concernant les migrants africains qui sont vendus aux enchères comme esclaves en Libye et ailleurs au Maghreb. Profiteront-ils de l’occasion pour débattre de l’avenir du franc CFA qui suscite depuis quelques temps un débat houleux au sein de la diaspora africaine ?

Kanaté Dahouda, Ph. D.
Chef du Département, Professeur d’Études francophones et françaises
Collèges universitaires Hobart and William Smith, Geneva, New York. USA

dahouda@hws.edu


Photo du logo : Flickr - abdallahh

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