- Cécile Ladjali
- Ph : Jean Baptiste Hennequin - Actes Sud
Voici un récit vibrant de sensualité, où les émotions à fleur de peau s’accordent aux paysages surréalistes et à la désolation de ce coin du monde transformé en enfer par la folie des hommes.
Le narrateur, un jeune musicien devenu sourd à l’âge de dix ans, tente de surmonter sa peur de l’anéantissement en sublimant dans sa musique son amour pour Zena, sa compagne de toujours, et sa passion pour la mer.
On l’accompagne dans sa traversée du désert, vide de sons et de sens, que devient sa vie après la disparition successive de ses deux muses. On suit les méandres de sa descente dans les abysses de l’inspiration, au cœur de ces paysages peuplés de fantômes de bateaux qui ne naviguent plus, où l’eau est devenue nauséabonde et la musique inaudible.
Sa quête d’absolu le conduit à l’isolement le plus complet et à la recherche de la perfection musicale : la huitième note qui synthétiserait toutes les autres.
Il frôle le danger, compose avec la mort puis, guidé par son instinct, se rapproche de l’enfance pour mieux renaître à lui-même.
Cécile Ladjali nous livre ici une réflexion profonde sur le processus de création, une tentative d’approche, tout en circonvolutions, de l’essence de la musique, à travers ce récit tout en tension d’une course éperdue pour rattraper la vie qui s’écoule, comme la mer, par un siphon invisible...
Une envie de « célébrer » un anniversaire particulier avec la présentation de ce roman dont l’histoire se termine le 27 avril 1986, lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, sur les berges de la mer d’Aral en cours d ’assèchement, sur fond de catastrophe écologique.
Voici un récit vibrant de sensualité, où les émotions à fleur de peau s’accordent aux paysages surréalistes et à la désolation de ce coin du monde transformé en enfer par la folie des hommes.
Le narrateur, un jeune musicien devenu sourd à l’âge de dix ans, tente de surmonter sa peur de l’anéantissement en sublimant dans sa musique son amour pour Zena, sa compagne de toujours, et sa passion pour la mer.
On l’accompagne dans sa traversée du désert, vide de sons et de sens, que devient sa vie après la disparition successive de ses deux muses. On suit les méandres de sa descente dans les abysses de l’inspiration, au cœur de ces paysages peuplés de fantômes de bateaux qui ne naviguent plus, où l’eau est devenue nauséabonde et la musique inaudible.
Sa quête d’absolu le conduit à l’isolement le plus complet et à la recherche de la perfection musicale : la huitième note qui synthétiserait toutes les autres.
Il frôle le danger, compose avec la mort puis, guidé par son instinct, se rapproche de l’enfance pour mieux renaître à lui-même.
Cécile Ladjali nous livre ici une réflexion profonde sur le processus de création, une tentative d’approche, tout en circonvolutions, de l’essence de la musique, à travers ce récit tout en tension d’une course éperdue pour rattraper la vie qui s’écoule, comme la mer, par un siphon invisible...
La musique et la beauté comme antidotes à la disparition.
EXTRAITS
- Aral - Cécile Ladjali
- Actes Sud
« J’ai composé durant des heures. Tous les secrets du silence et de la nuit se livraient sans résistance. C’était incroyablement facile. Je me souviens que ma mère pleurait dans la cuisine, en entendant ma musique. Après cette descente (séance de spéléologie intime qui allait devenir quotidienne) je la retrouvais le visage rouge et gonflé. Elle me disait que c’était à cause des oignons. Mais je savais que son état résultait d’un mélange d’étonnement effaré et d’espoir douloureux. Elle se rendait bien compte que mon mal était en train de me conduire là où je ne serais jamais allé sans lui. La chose était extraordinaire, mais elle lui faisait peur. Nous avons tous les trois, mon père, ma mère et moi, mis des années avant d’apprivoiser la bête. »
« Assis dans le bus, je sens la terre sous mon corps. La route est difficile. Irrégulière. Elle s’enfonce dans mon silence. Le bus est plein de nuit. Je crois que je dors. En rêve, je vois la mer d’Aral. Elle est en train de disparaître sous le soleil. Et sa disparition provoque une musique. Une musique que j’entends parfaitement. Un son d’une tonalité toute classique. Sans défaut. Impeccable. Comme la disparition. Comme l’enfer banal de mon pays changé en fournaise.
Et soudain, dans le même rêve, je vois Zena. La musique vient de changer avec l’irruption de ce nouveau motif. L’harmonie devient dissonante. Sauvage. C’est ma Zena. Dodécaphonique. Elle est l’urgence et la tentation. La tentation de la vie. La résistance face à l’inévitable disparition et l’écœurante indifférence qu’elle engendre. »
« Ça y est : tout s’efface. La musique monte. Sous mes pieds, les entailles de lumière qui me semblaient être le résultat de coups de hache, se joignent, s’allongent, pour ne plus former qu’un lac tiède et jaune de lymphe domestique. La musique me porte au cœur, mais me porte aussi. Antalgique puissant. Je ne ressens rien, je suis une machine à jouer. Mon corps qui enlace le violoncelle met en gestes la part du monde qui m’échappe pour la faire exister. Pas une fausse note, pas un demi-ton venant à manquer. Je construis une cathédrale sonore. Assis sur ma chaise, l’instrument coincé entre les cuisses, je copule avec le silence, j’en suis la voûte et enfante un monde qui empêche ma dislocation. »
« En fait j’entends la musique, mais à ma manière. L’espace sécable se diffracte en blanches et noires et je perçois le rythme des choses, leur respiration sauvage de survivantes. J’entends avec tout le corps. Les messages entrent en moi par les pores de la peau. Si je le veux, cela peut même devenir une véritable orgie. Il suffit de se laisser aller à ce dérèglement sans chercher à fixer le vertige. Le chaos retrouve ensuite une cohérence car j’en suis devenu le noyau et il paraît que dans l’œil d’un cyclone rien ne bouge. »
« Quand je produis les sons, je sens l’air bouger. Les vibrations s’organisent autour de mes accords et le paysage devient lisse, propre, aimant. Je dois bien être le seul ici à le trouver aimable, le paysage, à être conquis par l’extraordinaire spectacle des chalutiers figés dans le sable et leur rouille. Le ciel couleur palourde confond leur vertige de fer avec l’oxydation d’un horizon surchauffé en mal de mer. »