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FRANCE - Retour sur l’année 2015-2016

FRANCE - Retour sur l’année 2015-2016

3 décembre 2015 - par Loïc HERVOUET 
 - © Flickr - olivier ortelpa
© Flickr - olivier ortelpa

Charlie ou pas Charlie  ?

La question a dominé l’actualité récente en France, tant celle-ci a été secouée par les attentats du 7 janvier contre Charlie Hebdo et ceux qui ont suivi. Rapide rappel des faits  : deux djihadistes français, les frères Chérif et Saïd Kouachi, envahissent les locaux du journal satirique, assassinent onze personnes et en blessent onze autres avant de tuer un policier dans leur fuite. Ils seront abattus le surlendemain dans une imprimerie de Dammartin en Goële où ils s’étaient réfugiés. Attentat revendiqué par Al-Quaïda dans la péninsule arabique, basé au Yémen, par la voix de Nasser Ben Ali al-Anassi, qui sera lui-même tué cinq mois plus tard par un drone américain.

C’est l’un des proches des frères Kouachi, Amedy Coulibaly, affirmant lui agir au nom de l’organisation « État islamique  » qui tue par balle une policière et fait un blessé grave à Montrouge le 8 janvier, avant de prendre en otage les clients d’un supermarché cacher à la porte de Vincennes, où il tuera quatre personnes, avant d’être lui-même abattu lors de l’assaut mené simultanément à celui de Dammartin. Un « héros  », le Malien Lassana Bathily, de confession musulmane, abritera plusieurs clients dans la chambre froide pendant la prise d’otages. Il obtiendra derechef la nationalité française, dès le 15 janvier.
L’émotion est immense en France et dans le monde. La Tour Eiffel est éteinte, l’Assemblée nationale chantera La Marseillaise d’une même voix, ce qui n’était pas arrivé depuis l’Armistice de 1918  ! Manifestation spontanée place de la République dès le soir du 7 janvier, avec l’apparition du fameux logo « Je suis Charlie  », puis marches républicaines dans toute la France, réunissant les 10 et 11 janvier plus de quatre millions de personnes. Manifestations aussi dans de nombreux pays. Google affiche un ruban noir sur sa page d’accueil, et le dimanche, 44 chefs d’État défilent à Paris autour de François Hollande et des familles des victimes. Ce sera le début d’une intense mobilisation sécuritaire, plan Vigipirate renforcé, opération Sentinelle, puis la préparation d’une loi de sécurité elle-même contestée dans certains de ses aspects.
Car en France, la contestation est aussi proche de l’unanimité que la roche Tarpéienne l’est du Capitole. Dès le lendemain des faits, lorsqu’on décrète le deuil national et une minute de silence dans les écoles, qu’on généralise les inscriptions « Je suis Charlie  » sur les maillots des sportifs, des voix discordantes se font entendre, car si personne n’ose justifier directement les attentats, tout le monde ne se sent pas solidaire du journal satirique, en particulier dans ce que certains qualifient de « blasphème  » à l’égard du Prophète, semblant oublier qu’il n’est de blasphémateur que parmi les croyants, et que cette notion ne s’impose précisément pas aux athées déclarés comme les dessinateurs de Charlie, surtout dans un pays laïque.
L’affaire est l’occasion d’une relance des théories du complot par Thierry Meyssan, le négationniste du 11-septembre, mais aussi Jean-Marie Le Pen (qui « se sent plus Charlie Martel que Charlie  »), Dieudonné ou Alain Soral, qui voient la main de Washington dans ces actions terroristes. Ils restent très minoritaires, et de nombreuses instances ou personnalités musulmanes s’associent à la dénonciation du terrorisme prétendument religieux  : l’Université al-Azhar, Tariq Ramadan, mais encore le Hezbollah ou le Hamas. Devenu le symbole de la condamnation des attentats, le slogan «  Je suis Charlie  », efficace invention réactive du graphiste Joachim Roncin, s’avère in fine dans le temps un slogan ambigu car sous-entendant une identité de vues avec la ligne rédactionnelle de Charlie Hebdo.
Le journal, lui, reparaît le 14 janvier avec une « une  » symbolique « Tout est pardonné  », mal interprétée encore dans certains milieux musulmans, car représentant encore le Prophète, et donnant lieu à un certain nombre de manifestations hostiles dans le monde. Le journal s’arrache cependant, il faudra tirer et retirer, jusqu’à sept millions neuf cent mille exemplaires. D’un journal exsangue et moribond, le terrorisme aura fait un succès d’édition et une entreprise riche, qui aura quelque mal d’ailleurs à digérer cette soudaine richesse dans les mois suivants. Et ne reparaîtra « normalement  » que le 25 février.


Manifestation pour Charlie (CC Mogador)

De nombreuses analyses contradictoires, certaines ranimant le concept de « guerre de civilisations  », sont publiées à cette occasion. On laissera la conclusion à Edgar Morin, rappelant la responsabilité américaine dans la décomposition de nations composites ethniquement et religieusement comme la Syrie et l’Irak, décomposition lourde de conséquences, et constatant le triomphe de «  la pensée réductrice  » qui fait des Chrétiens des croisés et des Musulmans des terroristes. Le penseur de la complexité appelle face à ces radicalisations à « la mobilisation concertée des intelligences de toutes origines  ». Plus facile à dire qu’à faire…

En avril, le terrorisme se rappellera au souvenir de TV 5 Monde, par une attaque informatique d’une ampleur inégalée. En juin de nouveaux attentats seront enregistrés en Isère, des munitions volées dans un camp militaire. La France n’en a pas fini avec le terrorisme.

Méritent aussi d’être notés pêle-mêle dans l’actualité française des douze derniers mois  :

 

L’anneau de la mémoire (CC - Bg62)

l’inauguration de « l’Anneau de la mémoire  » à Ablain Saint Nazaire, dans le Pas de Calais, à l’occasion du centenaire de la guerre de 14. Sur le site de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, cet anneau d’un périmètre de 345 mètres, pesant 300 tonnes, est composé de 500 panneaux dorés où sont gravés les noms de 579.606 tués de 40 nationalités. L’œuvre de 300 tonnes, due à l’architecte Philippe Prost, dotée d’un éclairage nocturne de LED, a reçu l’Équerre d’Argent, distinction du prix d’architecture du groupe Moniteur.


 

Le Mémorial ACTe (mendy cialec bematol)

l’inauguration, à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, d’un autre haut lieu de mémoire consacré à la période esclavagiste, le Mémorial ACTe, musée caribéen de la traite négrière, dont l’idée confiée par Jacques Chirac à Édouard Glissant fut mise de côté par Nicolas Sarkozy, hostile à toute idée de repentance, puis reprise par la région Guadeloupe et son président Victorin Lurel. Le mémorial sera inauguré par François Hollande en présence de quatre chefs d’État, d’Haïti (Michel Martelly), du Sénégal (Macky Sall), du Mali (Ibrahim Boubacar Keita), et du Bénin (Thomas Boni Yayi)

 la réforme territoriale faisant passer le nombre de régions métropolitaines de 22 à 13, avec des conflits de capitales potentielles entre Rouen et Caen, Toulouse et Montpellier, Metz et Strasbourg, etc…, qui seront réglés à l’issue des élections repoussées en fin d’année 2015.

 l’obligation faite aux propriétaires et locataires d’équiper leur logement de détecteurs de fumée.

le crash «  volontaire  » d’un Airbus, par un pilote allemand « dépressif  » entre Barcelonnette et Digne les Bains.

 l’entrée de Geneviève De Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay, et Pierre Brossolette au Panthéon  : hommage aux combattants et résistants

 la relaxe définitive de Dominique Strauss-Kahn dans l’affaire de « proxénétisme  » du Carlton de Lille


La Philarmonie de Paris (Flickr - Victor)

CULTURE

Le mois de janvier 2015 aura vu, non sans mal ni polémique, enfin, l’ouverture de la Philarmonie de Paris, projet annoncé en 2005 par Dominique de Villepin, premier ministre d’alors, dont les travaux ont commencé en 2009, après le choix de Jean Nouvel comme architecte après un concours international. Des soucis de financement (passé de 170 à 386 millions d’euros) ont stoppé le chantier plus d’un an, mais l’ouverture, le 14 janvier, a satisfait les plus exigeants (sauf l’architecte qui a boycotté l’inauguration, s’estimant « méprisé  »).
La Philarmonie, colline en aluminium couverte de pavés superposés horizontalement, offre une salle de concert de 2400 places, un espace d’exposition de 1100 m2, un pôle éducatif de 1750 m2, des locaux pour les deux orchestres résidents (Orchestre de Paris et Ensemble inter contemporain), et les trois formations associées (Orchestre de chambre de Paris, Arts florissants et Orchestre national d’Ile-de-France) des salles de répétition, des studios et un restaurant. Le tout jouxtant la Cité de la musique, rebaptisée Philarmonie 2.


Le musée des Confluences (Flickr - Qwill)

Cette ouverture avait été précédée, en décembre 2014, à Lyon, de l’inauguration du Musée des Confluences, autre originalité architecturale signée du cabinet autrichien COOP Himmelb(l)au, dont le coût a lui aussi dérapé de 61 à 330 millions d’euros, qui lui aussi a connu un arrêt technique important lié au sous-sol et à des divergences entre les acteurs, mais qui a finalement déployé au bout de son île ses trois ensembles « Socle  », « Cristal  » et « Nuage  » sur 190 mètres de long, 90 de large et 41 de haut.
Héritier du musée Guimet de Lyon, Confluences est un musée d’histoire naturelle et des sociétés, avec section ethnographique et coloniale, dont l’exposition permanente de 3.000 objets sur 3.000 m2 comprend le fameux mammouth de Choulans, découvert en 1859. Disposant de réserves de plus de deux millions d’objets, le musée attend de 500.000 à un million de visiteurs par an.

Le rhinocéros de la grotte Chauvet (CC - INOCYBE)

Autre ouverture, en avril 2015 à Vallon-Pont-D’arc, moins gourmande, mais tout aussi spectaculaire et attendue, celle de la Caverne du Pont-d’Arc, réplique de la grotte Chauvet de l’Ardèche. Deux ans et demi de travaux ont été nécessaires pour achever le travail, et négocier avec les trois « inventeurs  » de la vraie grotte, qui percevront 3% sur chaque ticket d’entrée pendant 25 ans, donc à priori un total de 22 millions d’euros.
C’est la plus grande réplique de grotte ornée du monde, avec 8.180m2 de faciès géologique, établis à partir de 6.000 photos numérique, à l’échelle 1 par des artistes et sculpteurs, dont Alain Dalis, qui se dit disciple de Monique Peytral, l’artiste qui a réalisé Lascaux 2. Tous ces artistes ont travaillé comme nos ancêtres avec des pigments et des fusains de charbon de bois. L’investissement a atteint 55 millions d’euros. On attend 400.000 visiteurs par an sur un parcours d’une dizaine de stations, qui dure environ une heure.

CINEMA
Record d’entrées en 2014 versus 2013  : 209 millions contre 194, sans toutefois atteindre le record absolu de l’année 2011, avec plus de 217 millions d’entrées. Et la tendance positive se poursuit sur 2015  : près de 12 millions d’entrées sur le seul mois de juin (+5,6% sur 2014). La production de films suit le rythme  : 101 films d’initiative française lancés au premier semestre 2015 (un record) contre 87 à la même époque de 2014.
L’année cinématographique a donc vu ce qu’on n’avait pas vu depuis cinquante ans  : quatre films français en tête du box-office  !
Christian Clavier et Chantal Lauby ont osé aborder les questions ethniques et racistes à travers des mariages métissés, dans un film que d’aucuns ont trouvé salvateur, d’autres ambigu, selon le degré d’humour prêté au public  : Qu’est-ce qu’on a fait Bon Dieu  ? (réalisateur Philippe de Chauveron) a en tout cas totalisé plus de 12 millions d’entrées, ce qui le place en 19èm position du classement de tous les temps.
Nous voici dans la tendresse goûtée par 7 millions et demi de Français, entrés par surprise dans La Famille Bélier (réalisateur Eric Lartigau) et le monde des sourds et malentendants, grâce, si l’on ose dire, à un bouche-à-oreille très efficace. Louane Emera, l’héroïne issue de l’émission The Voice, y gagnera le César du meilleur espoir féminin.
Kad Merad et Dany Boon de nouveau réunis sept ans après Les Ch’tis, pas étonnant que Supercondriaque (35 millions de budget, mazette  !) ait attiré le monde, avec une première semaine fracassante à 2.150.000 entrées, mais la magie n’a pas duré, et le film quittera vite le haut de l’affiche pour finir l’année, tout de même, avec un peu plus de 5 millions d’entrées, très loin des Cht’is ou même de Rien à déclarer.
C’est Luc Besson le-mal-aimé (titre d’un documentaire qui lui est consacré) qui décroche la quatrième place, lui aussi à plus de 5 millions, avec un film de science-fiction, Lucy, dont l’interprète principale Scarlett Johansson est saluée par tous, tandis que le film divise la critique, mais trouve tout de même son public. Besson pourra se consoler avec ses très bons résultats à l’international, où il devient le film français ayant rapporté le plus d’argent dans le monde, détrônant Intouchables.
Derrière ces quatre leaders, le cinéma américain impose ses suites, ses spin-offs et blockbusters  : Le Hobbit (4,8M), La Planète des singes (3,8), Dragons 2 (3,4), X-men (3,3), etc., devançant même Astérix domaine des Dieux ( treizième avec 2,9), ou encore le film vedette de l’année à bien des égards, le très riche Timbuktu, du Mauritanien Abderrahmane Sissako, classé en 2014 cinquantième film avec 1.183.361 spectateurs, mais vainqueur à l’indice de performance cannoise, sans emporter de prix en 2014, mais invité à présider un jury en 2015. Cela lui vaudra aussi la plus grande longévité dans les salles, prolongée en 2015.
A voir les résultats du premier semestre 2005, le triomphe ne se poursuivra pas pour les films français  : sept Américains sont en tête, Jurassic World menant la danse avec près de 5 millions d’entrées en sept mois et le premier film français, Papa ou Maman, de Martin Bourboulon, culminant à 2,8 millions d’entrées en huitième place, suivi de Les Profs 2 et Taken 3, français aussi comme son nom ne l’indique pas. Contrairement à ses prévisions, Jamel Debbouze n’a pas crevé l’écran avec Pourquoi j’ai pas mangé mon père (douzième avec 2,3 millions d’entrées avant son quasi-retrait des salles).

Vincent Lindon (Karl Lagerfeld - art media)

Pour la première fois en 2015,Pierre Lescure préside le conseil d’administration du Festival de Cannes, prenant la succession de Gilles Jacob (devenu président d’honneur), après 37 années de règne. C’est Lambert Wilson qui est le maître de cérémonie de cette 68ème édition, dont les présidents du jury principal étaient Joël et Ethan Coen. Une palme d’honneur est décernée à la réalisatrice française Agnès Varda.
Car la France, une fois n’est pas coutume, est prophète en son pays et récompensée à de nombreuses reprises en premier lieu par la Palme d’or, décernée à Jacques Audiard pour son film Dheepan, tandis que Vincent Lindon reçoit le prix d’interprétation masculine pour La loi du marché (Stéphane Brizé), et Emmanuelle Bercot le prix d’interprétation féminine dans Mon roi (Maïwenn), à égalité avec Rooney Mara, dans Carol, de Todd Haynes.
Le Grand Prix est attribué au film hongrois de Laszlo Nemes, Saul Fia (le fils de Saul), le prix de la mise en scène au Taïwanais Hsiao-Hsien Hou, pour Nie Yinniang (The assassin), le prix du scénario à Michel Franco (Mexique), pour Chronic, et le prix du jury à The lobster, du Grec Yorgos Lanthimos. La palme d’or du court métrage est décernée à Ely Dagher, pour Waves ‘98, qui représentait à la fois le Qatar et le Liban, et le prix Un certain regard à Hrutar (Béliers) de l’Islandais Grimur Hakonarson. La caméra d’or échoit à César Augusto Acevedo pour La terre et l’ombre, co-production colombo-hollando-chilo-brésilo-française.
À Angoulême, le Festival du film francophone, présidé en 2014 par Sabine Azéma, a rendu hommage au cinéma burkinabé et à son festival, le Fespasco, a ouvert des master-classes de David Foenkinos (écrivain), Jean Labadie (distributeur) ou Laurent Cantet (réalisateur). Il a décerné son Valois d’or à Hippocrate de Thomas Lilti (France), celui de la mise en scène à Hope de Boris Lojkine (France). La meilleure actrice a été Sandrine Kiberlain pour Elle l’adore de Jeanne Herry (France), et le meilleur acteur Lyes Salem pour L’Oranais de Lyes Salem (Algérie). Le Valois du public est allé à Discount de Louis-Julien Petit (France), et le Valois du court métrage à Ascension de Thomas Bourdis, Martin de Coudenhove, Caroline Domergue, Colin Laubry et Florian Vecchione.

La demande d’images ne cesse de croître  : le nombre de vidéos vues en télévision de rattrapage tangente les 300 millions par mois. En vidéo à la demande (VOD), on est passé de 18% des Français consommateurs (2009) à plus de 33% (2014), la population la plus friande étant les étudiants. Signe de la progression du média  : la proportion de films « pour adultes  » dans la consommation a décru de 30% (2007) à 19% (2014), et les films du « top 10  » cinématographique représentent plus de 15% des transactions. Exception française là encore  : des dizaines d’acteurs du secteur (producteurs, diffuseurs, médias) se sont fédérés autour du CNC pour créer une plateforme unifiée de téléchargement légal de films, disposant aujourd’hui de plus de 10.000 films  : http://vad.cnc.fr

Côté vidéo physique, si la cassette VHS est définitivement morte en 2007 (dernière année 2006 à un million de supports), le DVD roi du marché dès 2006 avec 135 millions de supports décroît lentement, pour passer sous la barre des 100 millions, quand le Blu-ray timidement apparu en 2007 avec 540.000 copies ne cesse de progresser pour dépasser aujourd’hui les 15 millions.

LIVRES
La production de livres ne cesse de croître (80.255 titres en 2014, soit +7,3%) même si le tirage moyen ne cesse de baisser (5.966 exemplaires, soit -18,1%), et si le nombre d’acheteurs d’au moins un livre par an reste stable à 53% (nombre de lecteurs d’au moins un livre  : 69%). Il est vrai que le nombre de « grands acheteurs  » (plus de 12 livres dans l’année) a grimpé de 11 à 12%. L’achat de livres numérique progresse lentement mais sûrement avec 3% des acheteurs contre 2,6 en 2013. En 2015, 18% des Français ont déjà lu un livre numérique (contre 15% en 2014). Frein à la vente de ces livres numériques  : leur prix, parfois faiblement inférieur à la version papier, et souvent supérieur à la version « poche  » des meilleurs titres.

Les Éditions des Arènes peuvent remercier Valérie Trierweiler et son impudique « Merci pour ce moment  »  : alors même que le livre n’est paru que le 4 septembre, il a représenté les meilleures ventes de l’année en dépassant les 600.000 exemplaires. Les «  Cinquante nuances de Grey  » parues dès février n’ont atteint que 575.600 exemplaires, suivies de « Central Park  » (Guillaume Musso) avec 556.600 et «  La femme parfaite est une connasse  » (Anne-Sophie Girard) 548.400 puis de nouveau Guillaume Musso (« Demain  ») avec 492.600.

Patrick Modiano (CC - Frankie Foughantin)

Côté littérature, les prix ont récompensé les talents les plus divers, mais d’abord et avant tout consacré un auteur Français avec le prix Nobel attribué à Patrick Modiano le 9 octobre 2014, pour son œuvre et «  l’art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l’Occupation  », selon l’expression de l’Académie suédoise, son secrétaire perpétuel Peter Englund qualifiant même l’auteur de «  Marcel Proust de notre temps  ». En tout cas un écrivain à la plume aussi sûre et précise que son expression orale est hésitante et parfois subtilement balbutiante, comme révélé dans une mémorable interview à France-Culture lors de la parution de son dernier ouvrage « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier  ».
Voilà une occasion en tout cas de rafraîchir la mémoire sur les quinze prix Nobel de littérature français (la France est le pays le plus couronné depuis 1900), dont la relecture pourrait s’imposer  : Le Clézio en 2008, Gao Xingjian en 2000, Claude Simon en 1985, Jean-Paul Sartre (qui le refusa) en 1964, Saint John Perse (1960), Albert Camus (1957), François Mauriac (1952), André Gide (1947), Roger Martin du Gard (1937), Henri Bergson (1927),Anatole France (1921), Romain Rolland (1915), Frédéric Mistral (1904), et Sully Prudhomme (1901). Quel fond de bibliothèque  !
Auquel on pourrait adjoindre bon nombre des lauréats des douze derniers mois, en commençant par les prix francophones : le prix Jean Arp a couronné Jacques Abeille, dit aussi Léo Barthe, dont l’œuvre majeure, en huit tomes, Le Cycle des contrées, se déroule dans des pays tout droit issus de son imagination débordante  ; le prix des cinq continents de la Francophonie (OIF) est allé à Kamel Daoud, pour Meursault, contre-enquête, éditions Barzakh/Actes Sud. Cet Algérien fils de gendarme, journaliste et militant démocrate, s’est inspiré pour ce livre, également prix François Mauriac 2014 et Prix Goncourt du premier Roman 2015, de L’étranger, d’Albert Camus. Adapté par Philippe Berling, son ouvrage a été présenté au Festival d’Avignon 2015.
L’Académie française a décerné son prix 2015 de la Francophonie à la Sénégalaise Aminata Sow Fall, 74 ans, déjà grand prix littéraire d’Afrique noire pour son livre le plus connu, La grève des bàttu ou les déchets humains, dans lequel elle imagine une grève des mendiants chassés des villes pour faire place nette aux touristes. Ses romans devenus classiques au Sénégal, traitent pour l’essentiel de la société « hypocrite  » et de ses dérives patriarcales.
De francophonie revenons en France pour le royal Goncourt, décerné à Lydie Salvayre pour son roman sur la guerre d’Espagne (« Pas pleurer  ») tandis que le Goncourt des lycéens, toujours très suivi, récompensait David Foenkinos (« Charlotte  »). Bonne pioche, car Foenkinos allait s’octroyer le prix Renaudot dans la foulée. Le Médicis couronne Antoine Volodine (« Terminus radieux  »), et Frédéric Pajak («  Manifeste incertain  », tome 3) dans la catégorie essai. Les dames du Femina ont distingué Yanick Lahens (« Bain de lune  ») et Paul Veyne (« Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas  ») pour la catégorie essai.
L’Interallié va à Mathias Menegoz (« Karpathia  ») et le prix du roman de l’Académie française salue « Constellation  », d’Adrien Bosc. Les libraires signalent Léonor de Récondo (« Amours  ») et les Deux magots Etienne de Montety («  La route du salut  »). Le Quai des Orfèvres récompense Hervé Jourdain, pour «  Le sang de la trahison  ».
Les lecteurs et auditeurs de Telerama et France-Culture ont aimé L’Amour et les forêts d’Eric Reinhardt  ; ceux de France Inter ont préféré Jacob, de Valérie Zenatti. Les lectrices de Elle ont plébiscité Anthony Marra pour Une constellation de phénomènes vitaux. Les clients de la FNAC ont aimé Benjamin Wood (« Le complexe d’Eden Bellwether  »)

Comme chaque année, le magazine « Lire  » a effectué son choix subjectif mais souvent judicieux des vingt meilleurs livres parus en 2014, un bon guide pour ne rien rater d’essentiel  :
Meilleur livre de l’année  : Le Royaume, Emmanuel Carrère (P.O.L)
Roman étranger  : Et rien d’autre, James Salter (L’Olivier)
Roman français  : Réparer les vivants, Maylis de Kerangal (Verticales), ex-aequo avec L’Amour et les Forêts, d’Éric Reinhardt (Gallimard)
Révélation étrangère  : Le Fils, Philipp Meyer (Albin Michel)
Révélation française  : Les Grands, Sylvain Prudhomme (L’Arbalète/Gallimard)
Premier roman français  : Debout-payé, Gauz (Le Nouvel Attila)
Premier roman étranger  : Notre quelque part, Nii Ayikwei Parkes (Zulma)
Récit  : Tristesse de la terre, Éric Vuillard (Actes Sud)
Polar  : Après la guerre, Hervé Le Corre (Rivages)
Roman noir  : Une terre d’ombre, Ron Rash (Seuil)
Enquête  : Extra pure. Voyage dans l’économie de la cocaïne, Roberto Saviano (Gallimard)
Biographie  : Fouché. Les silences de la pieuvre, Emmanuel de Waresquiel (Tallandier/Fayard)
Histoire  : Le Feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914  ?, Gerd Krumeich (Belin)
Autobiographie  : Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas, Paul Veyne (Albin Michel)
Sciences  : Le Code de la conscience, Stanislas Dehaene (Odile Jacob)
Voyage  : Les Oies des neiges, William Fiennes (Hoëbeke)
BD  : La Technique du périnée, Ruppert & Mulot ((Dupuis/Aire libre)
Jeunesse  : Adam et Thomas, Aharon Appelfeld (L’Ecole des loisirs)
Livre audio  : Éloge de l’ombre, Jun’ichirō Tanizaki, lu par Angelin Preljocaj (Naïve)

SCIENCES ET TECHNIQUES

Big brother aux frontières
On n’arrête pas Big brother. Le voici à travers les Big Data, pour contrôler les personnes aux frontières, grâce à un système mis au point par Thalès pour suivre en temps réel, sur l’ensemble d’un État, au niveau de tous ses accès maritimes, terrestres, ferroviaires et aéroportuaires, le flux des personnes qui veulent entre chez lui (ou en sortir).
Le dispositif veut permettre à la fois d’anticiper les flux de passagers pour adapter par exemple le personnel douanier et policier à la masse de voyageurs, et pour anticiper les menaces de personnes qui voudraient franchir la frontière sans en avoir le droit. Un policier pourrait ainsi examiner avec six ou sept heures d’avance les caractéristiques des voyageurs connues des compagnies aériennes, leur sexe, leur nationalité, leur passeport, leur destination, leurs escales, etc., pour déterminer le taux d’atypicité qu’elles présentent et préparer leur contrôle. Thalès intéresse bien sûr toutes les polices et tous les États du monde, mais plaide aussi que le système pourrait aider des personnes homonymes d’un individu recherché par exemple à ne plus être confondues au contrôle «  ordinaire  » et importunées pour une simple homonymie.

Accidents de la route  : alerte automatique obligatoire en 2018
A quoi sert l’Europe  ? Elle est parfois là où on ne l’attend pas  : dans l’aide aux victimes d’accidents de la route. En décembre 2014, le Parlement européen et le Conseil ont adopté un plan visant à rendre obligatoire, en mars 2018, un système d’appel d’urgence automatique dans tous les véhicules neufs. Ce système, eCall, utilisera le n° 112 pour appeler automatiquement les services d’urgence en cas d’accident (26.000 morts par an en Europe). Ceux-ci localiseront tout de suite les lieux d’un accident, et lanceront immédiatement les opérations de secours. On compte ainsi sauver des vies, atténuer la gravité des blessures … et réduire le coût des embouteillages.
Le système eCall sera gratuit, mais il sera illégal de l’utiliser pour surveiller les déplacements d’un véhicule ou enregistrer des données de géolocalisation, celles-ci étant exclusivement réservées aux services d’urgence, qui recevront comme information l’heure et le lieu exact de l’accident, la nature du véhicule et le carburant utilisé.
Des systèmes payants existent déjà. Ils pourront subsister, mais devront prévoir une substitution par le système gratuit en cas de non fonctionnement. Obligatoires pour les voitures, ils pourraient le devenir trois ans plus tard pour les bus, autocars et poids lourds.

Internet partout  : Google monte dans les ballons du CNES
Deux terriens sur trois (quatre milliards) n’ont pas accès à Internet, malgré les câbles, les fibres, les ondes ou les satellites  : ils sont dans ce qu’on appelle les « zones blanches  ». Pour y mettre fin, Google a imaginé lancer une flottille de milliers de ballons stratosphériques pressurisés dérivant et croisant à 18 ou 20km d’altitude, au-dessus des avions commerciaux, libérés des aléas atmosphériques, et alimentés par des panneaux solaires. La firme globale de la Silicon Valley a fait appel pour ce projet au savoir-faire du CNES reconnu mondialement depuis un demi-siècle.
Le projet Loon imagine que le signal serait envoyé depuis le sol vers les ballons qui pourraient ensuite le relayer vers d’autres ballons avant d’être finalement renvoyé vers le sol où il pourrait être capté par des antennes extérieures ou des téléphones équipés de la technologie Le CNES contribuera aux analyses de vols qui ont lieu actuellement ainsi qu’au développement d’une nouvelle génération de ballons. Le CNES recevra l’assistance de Google pour mener des projets de campagnes de ballons de longue durée avec une couverture plus large de la stratosphère.

Faire du bitume avec des micro-algues
Quatre laboratoires de Nantes et d’Orléans, associés dans un projet Algoroute, financé par la région des Pays de Loire, ont trouvé un autre usage aux algues que la cosmétique ou les produits alimentaires. Et si les micro-algues étaient le pétrole de la côte atlantique  ? Ils serviraient bien sûr à produire du biocarburant, mais aussi, plus inattendu, un bitume de première qualité pour nos routes.
Utilisant un procédé de liquéfaction hydrothermale (mise sous pression par l’eau) ils ont obtenu une masse visqueuse noire hydrophobe, bio-bitume dont l’aspect est proche du bitume issu du pétrole, avec un rendement de conversion de 55%  ! Étant liquide au-dessus de 100°C, le bio-bitume permet d’enrober les agrégats minéraux. De même, sa viscoélasticité, entre - 20° C et 60° C, assure la cohésion de la structure granulaire, supporte les charges et relaxe les contraintes mécaniques.
Les études de rentabilité nécessaires pour envisager le développement de l’idée à grande échelle sont lancées.

Énergie solaire, tout-électrique  : l’innovation aéronautique décolle
Alors que le Solar Impulse, l’avion à énergie solaire, bouclait sa traversée périlleuse du Pacifique, le premier avion tout-électrique bimoteurs, l’E-FAN, a traversé la Manche entre Lydd et Calais (74 km) le 10 juillet, en 36 minutes, comme 106 ans plus tôt, Louis Blériot avait effectué sa traversée record (en 37 minutes).
Autre clin d’œil à Louis Blériot  : une partie de l’équipe E-FAN, issue de la coopération entre Airbus Group Innovation et Aero composites Saintonge (ACS), est basée à Suresnes, là même où Blériot avait installé sa compagnie.
L’E-FAN, alimenté par des batteries lithium-ion, pèse 600 kilos, et a effectué la traversée à une altitude d’environ mille mètres. Son premier vol, à Bordeaux-Mérignac, avait eu lieu le 11 mars 2014. La conception de l’avion, dont l’idée est née au salon du Bourget 2011, a bénéficié de l’expérience tirée de la mise au point du Cri-cri, le tout premier quadrimoteur de voltige tout-électrique au monde.


Le E-Fan traverse la Manche (Airbus groupe)

Ariane, version sous-marine (IFREMER)

Un sous-marin de la taille d’une voiture
Il répond comme la fusée au joli nom d’Ariane, mais c’est un tout autre engin que l’Ifremer a baptisé à La Seyne sur Mer au printemps 2015. C’est un HROV (Hybrid Remotely Operated Vehicle), sous-marin de la taille d’une voiture, équipé de batteries lithium-on qui lui assurent l’énergie tout au long de la plongée, et le rendent infiniment plus facile à mettre en œuvre.
Une fibre optique nécessaire à son pilotage relie le HROV Ariane à la surface. On peut le déployer à partir de navires de petite taille et diviser le coût d’exploitation par 2 ou 3 par rapport à un sous-marin classique. L’acoustique permet d’assurer le suivi de la mission, la remontée de données scientifiques, ou une reconfiguration de la mission en cours.

Ariane 6 programmée pour 2020
Avec six ans d’avance, bien nécessaires, l’Agence spatiale européenne a été autorisée par les ministres européens à programmer une accélération de la mise en œuvre du projet d’Ariane 6, en deux versions moyenne et lourde, le lanceur Vega C, opérationnel en 2018, étant dédié aux petites charges. La gamme des lanceurs européens sera ainsi en mesure d’apporter des solutions compétitives à la fois au marché institutionnel européen et au marché commercial mondial.
La joint-venture créée par les industriels assurera la maîtrise d’œuvre du lanceur, tandis que le CNES sera le maître d’œuvre du nouvel ensemble de lancement dédié à Ariane 6. L’ESA, assistée par le CNES, assurera la maîtrise d’ouvrage de l’ensemble du système.

En même temps, l’avion spatial expérimental de l’ESA, conçu pour doter l’Europe d’un système de transport spatial réutilisable, a parfaitement réussi sa première mission de vol suborbital au-dessus des Galápagos. Placé au sommet d’une fusée Vega, il a été lancé de Kourou à une altitude de 412 km, puis est rentré dans l’atmosphère, bardé de capteurs, en effectuant des manœuvre de décélération pour passer d’une vitesse hypersonique à une vitesse supersonique, avant de réaliser un vol plané pour que les parachutes l’aident ensuite à amerrir comme prévu. Une performance pour cet engin de cinq mètres de long et deux tonnes.
Performance aussi pour le lanceur Vega, qui a suivi pour la première fois une trajectoire équatoriale avec un poids en charge record.

Deux radiotélescopes nouvelle génération
La construction de NenuFAR, nouveau télescope basses fréquences, constitué d’antennes collectrices, a débuté à la station de radioastronomie de Nançay (Cher) pour observer le ciel aux longueurs d’onde les plus grandes accessibles depuis la Terre (de 3,5 m à 30 m, soit à des fréquences de 10 à 87 MHz). À terme, il y aura au sol, sur un disque de 400 mètres, un total de 1710 antennes.
Chaque antenne "voit" tout le ciel. Les signaux de ces groupes d’antennes sont ensuite numérisés et combinés par ordinateur pour former un ou plusieurs pinceaux d’observation, fins et sensibles, dans la ou les direction(s) choisie(s), sans aucun mouvement mécanique. Le pointage est donc rapide, fiable, et multiple si nécessaire. Le grand nombre d’antennes assure une grande sensibilité instantanée, à travers la vaste gamme de fréquences de l’instrument.
Ce radiotélescope de nouvelle génération permettra d’aborder des questions scientifiques aussi diverses que l’évolution de l’Univers dans ses "âges sombres", quelques millions d’années après le Big Bang , la formation des galaxies et des amas de galaxies, les pulsars et autres sources transitoires, le Soleil, les planètes et les exo planètes... Ce projet est porté par l’Observatoire de Paris, l’Université d’Orléans et le CNRS.

Sur l’observatoire du Plateau de Bure (Hautes-Alpes), avec l’inauguration de la première des six nouvelles antennes, on a dévoilé le radiotélescope millimétrique le plus puissant de l’hémisphère Nord. Ce nouveau télescope qui répond au nom de NOEMA, conçu et exploité par l’IRAM, est financé par le CNRS ainsi que la MPG (Max-Planck-Gesellschaft) en Allemagne et l’IGN (Instituto Geografico Nacional) en Espagne.
Bien qu’il soit encore en construction, cet instrument est déjà l’interféromètre le plus puissant de l’hémisphère Nord. Composé de sept antennes de 15 mètres de diamètre, chacune d’elles équipée d’un système de réception inédit et ultrasensible approchant la limite quantique, le télescope sera doté à terme de douze antennes qui ouvriront aux scientifiques un regard d’une finesse exceptionnelle sur l’Univers.

DISPARITIONS

Ils sont les derniers témoins d’un passé qui a écrit l’histoire. Robert Chambeiron, le dernier survivant du Conseil National de la Résistance, nous a quittés le 31 décembre 2014, il est inhumé au Père Lachaise. Trois Compagnons de la Libération sont décédés, le 9 septembre 2014 Etienne Schlumberger, le 16 janvier Henri Beaugé-Bérubé, et le 12 mars Paul Ibos  : seize des 1.038 Compagnons sont encore vivants, dont le doyen Guy Charmot, 101 ans.
L’année 2015 est dure pour les sportifs. Le pilote de Formule 1 Jean-Pierre Beltoise, s’éteint le 5 janvier à 77 ans, et le décès (17 juillet) de son homologue Jules Bianchi, à 25 ans, après neuf mois de coma suite à un accident au Grand prix du Japon, va émouvoir bien au-delà du monde des coureurs automobiles. Le 9 mars, dans un accident lors du tournage d’une émission de téléréalité, disparaissaient trois champions d’exception  : Alexis Vastine, 28 ans, champion olympique de boxe, Camille Muffat, 25 ans, championne olympique de natation, et Florence Arthaud, 57 ans navigatrice connue comme « la petite fiancée de l’Atlantique  ». Le 12 avril, c’est Patrice Dominguez, 65 ans, tennisman et entraîneur talentueux, qui avait tiré sa révérence.


La bande de Charlie débarque au paradis (Tommy)

Plus encore que pour les sportifs, l’année 2015 est cruelle pour les dessinateurs et journalistes. Ce n’est pas le destin, mais la folie terroriste qui va emporter, le 7 janvier à Paris, dans les locaux de Charlie hebdo, les dessinateurs Cabu, 76 ans, Charb, 47 ans, Philippe Honoré, 73 ans, Tignous, 57 ans, et Georges Wolinski, 80 ans. Avec eux, la psychanalyste Elsa Cayat, 54 ans, le journaliste et économiste Bernard Maris, 68 ans, le correcteur Mustapha Ourrad, 60 ans, l’invité de la rédaction Michel Renaud, mais encore les deux policiers Franck Brinsolaro et Ahmed Merabet, ainsi que l’agent de maintenance Frédéric Boisseau. Deux jours plus tard, les assassins, les frères Kouachi, 32 et 34 ans, et leur complice Amedy Coulibaly, 32 ans, seront abattus lors des assauts simultanés menés par les forces de l’ordre dans une imprimerie et dans un supermarché casher. En septembre 2014, c’est le guide de haute montagne Hervé Gourdel, 55 ans, qui avait été victime du terrorisme islamiste en Algérie.

La vie sera plus dure avec la disparition, le 24 janvier, de José Artur, 87 ans, homme de radio dont le « Pop club  » avait illuminé bien des nuits et dont le corps, selon sa volonté, a été légué à la science. Le monde des médias aura déploré en 2014 les disparitions de la journaliste Danièle Breem, 93 ans (le 27 septembre), de la doyenne des patrons de presse et pdg de La dépêche du Midi Evelyne Baylet, 101 ans (le 6 novembre), de Jacques Chancel, 86 ans, (23 décembre), l’inimitable animateur de Radioscopie, qui saura désormais, de sa tombe du château de Miramont d’Adast (65), « où est Dieu dans tout ça  ».

En 2015, les journalistes pigistes pleureront le député rennais Jacques Cressard, 79 ans, décédé le 7 mars, qui a attaché son nom à la loi qui les protège, aujourd’hui menacée. Les téléspectateurs et RTL se souviendront longtemps d’Anne-Marie Peysson, speakerine puis journaliste, 79 ans, disparue le 14 avril. Le «  jardinier radiophonique  », Michel Lis, meurt le 9 juin à 78 ans  ; le pilier créatif de Canal+ Alain de Greef à 68 ans, le 29 juin.
Mention spéciale encore pour trois journalistes aux personnalités fortes, bien différentes et parfois dérangeantes  : les deux premiers ont en commun d’avoir été journalistes, puis diplomates. Roger Auque, 58 ans, natif de Roubaix, arabisant, otage au Liban, journaliste controversé (ayant avoué une double vie d’espion pour la France, Israël, voire la CIA), puis nommé ambassadeur en Érythrée, une région qui le passionne, par Nicolas Sarkozy, meurt le 8 septembre 2014 d’une tumeur au cerveau qui lui a fait abandonner son poste fin 2012. Eric Rouleau, 88 ans, né au Caire, arabisant également, plume émérite du Monde, grand spécialiste du Proche-Orient, chargé de missions discrètes en Libye ou en Iran, nommé ambassadeur en Tunisie par François Mitterrand, puis en Turquie, disparaît le 25 février. C’est enfin un hommage quasi unanime qui salue l’œuvre de Jean Lacouture, journaliste engagé, militant anticolonialiste, historien et biographe des grands de ce monde (De Gaulle, Ho Chi Minh, Nasser, Malraux, Blum, Champollion, etc), décédé le 16 juillet à 94 ans  : oui il s’est trompé sur le régime cambodgien  ; oui il l’a avoué  ; oui, les meilleurs de ce métier le lui ont pardonné, tant il est rare qu’on avoue ses erreurs dans ce milieu, et tant il a œuvré pour la recherche de la vérité.

Côté spectacle, la camarde qu’il brocardait n’a pas fait de cadeau à Pierre Vassiliu, 76 ans, disparu le 17 août 2014, pour rejoindre Brassens au cimetière de Sète. Le compositeur et joueur de pipeau Antoine Bergé, 87 ans, malgré son décès le 26 octobre, le même jour que la comédienne Françoise Bertin, restera immortel pour avoir composé l’air de « Bonne nuit les petits  ». En novembre, le guitariste gitan Manitas de Plata, 93 ans, précède de quelques jours au cimetière de Montpellier son ami le photographe Lucien Clergue, 80 ans.



Pour 2015, citons deux icônes de la télévision  : le comédien Roger Hanin, 89 ans, (11 février), qui sera inhumé à Alger, et la réalisatrice Nina Companeez, 77 ans, reine de sagas télévisées, dont les Dames de la côte resteront le fleuron inoubliable. Mais encore deux icônes de la chanson  : Richard Anthony, 77 ans (le 19 avril) et Patachou, 96 ans (le 30 avril).
Chez les littéraires, Jean-Jacques Pauvert, éditeur s’il en est, disparaît à 88 ans le 27 septembre. Claude Durand, lui aussi éditeur, traducteur, écrivain et chroniqueur de « La Revue  », meurt à 76 ans le 7 mai.

Disparitions aussi chez les politiques  :
Deux communistes (ou ex) notoires et célèbres, le ministre de la formation professionnelle de François Mitterrand Marcel Rigout, 86 ans (le 23 août 2014), et l’écrivain militant journaliste Pierre Daix, 92 ans (2 novembre)

Trois fins connaisseurs de la vie politique française, Jean-Marc Lech, 70 ans, dirigeant de l’institut de sondage Ipsos (2 décembre), Jacques Barrot, 77 ans, membre du Conseil constitutionnel (3 décembre 2014) et Maurice Duverger, 97 ans, juriste, politologue, pilier du Monde et de Sciences Po

Un « monstre sacré  » de l’action politique, souterraine ou en pleine lumière, Charles Pasqua, 88 ans, décédé le 29 juin.

Trois capitaines d’industrie français, et non des moindres, ont disparu dans la dernière période  : Christophe de Margerie, 63 ans, le patron hors normes de Total, dans un crash le 20 octobre sur l’aéroport de Moscou  ; François Michelin, 88 ans, le père fondateur et développeur de l’empire auvergnat et mondial Michelin, puis Bernard Marionnaud, 81 ans, empereur du parfum, le 22 juillet 2015. Le syndicaliste André Bergeron (Force Ouvrière), 92 ans, les avait précédés le 19 septembre 2014.

On citera enfin le prix Nobel de chimie 2005 Yves Chauvin, décédé le 28 janvier à 84 ans. Et pour regretter qu’il n’ait pas pu voir le terroir de champagne faire son entrée à l’Unesco, le magnat du champagne Nicolas Feuillate, 88 ans (octobre 2014)  : peu savent qu’il fut délégué … de la Côte d’Ivoire aux Nations-Unies, et ami de Jackie Kennedy ou Lauren Bacall, avant son installation réussie en Champagne.

Loïc Hervouet
Journaliste et administrateur de l’AFI
loic.hervouet@wanadoo.fr

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