- Dominique Hoppe, président de l’AFFOI.
- Ph : aimablement prêtée par l’AFFOI
Une trentaine d’années de fonction et de recul, voilà ce qui caractérise Dominique Hoppe le président de l’Assemblée des Francophones Fonctionnaires des Organisations Internationales (AFFOI). Cela l’autorise à poser un regard critique sur le fonctionnement des Institutions Multilatérales et notamment sur l’érosion de la diversité linguistique en leur sein : « 200 000 personnes travaillent dans près de 300 Organisations internationales dont l’action doit refléter, par principe, la diversité sous ses formes linguistiques, culturelles et conceptuelles. Toutes ces personnes sont au minimum bilingues et la plupart sont trilingues ou polyglottes. Dans les années 70 et 80, l’emploi d’au moins trois langues constituait au quotidien la base des échanges... aujourd’hui, nous avons perdu cette richesse et l’anglais domine tout, ce qui est un dévoiement de l’esprit constitutif de nos organisations et de leurs règles linguistiques formelles. Et le phénomène est désormais tellement intégré dans les réflexes qu’il arrive ici et là qu’entre francophones on s’exprime ...en anglais !!! Quel appauvrissement ! Et quelle responsabilité ! Car en cessant de démontrer par leurs pratiques la valeur ajoutée de la diversité, les organisations internationales participent à la dégradation sociétale de ce monde où la peur des différences est déjà trop souvent source de rejets et de conflits. » Un appauvrissement que beaucoup de fonctionnaires, même polyglottes, semblent valider par leur pratique exclusive de l’anglais ou par un silence qui traduit une acceptation implicite.
Remonter la pente ne sera pas simple car le problème relève désormais de la culture professionnelle. Cela ne sera possible qu’en fédérant les tenants du multilinguisme et en sensibilisant les structures dirigeantes. C’est la mission que s’est fixée l’AFFOI. Comme chaque Français, ou presque, Dominique Hoppe a en lui la culture de la vie associative et donc, la structure associative était toute trouvée pour construire un outil de lutte. (Même si le A de AFFOI est celui d’Assemblée)... Tout a commencé à La Haye en 2007, aux Pays-Bas, lieu de travail de Dominique Hoppe. « Agir local et penser global » diraient certains... C’est pourquoi les premières actions se sensibilisation se sont tenues dans un périmètre allant de Paris à La Haye en passant par Berlin. Puis, l’initiative et les valeurs défendues ont vite migré vers les capitales européennes puis New York, Washington, Montréal, Tunis, Nairobi, Addis-Abeba et ailleurs. « La défense des valeurs de la francophonie et du multilinguisme se mondialise ! Le défi qui nous attend est de penser francophone et pas seulement de penser français ! Il faut nous battre pour une valeur collective, au delà des égoïsmes de chacun... il faut savoir lutter contre ses pulsions de repli et se faire violence. »
Depuis 2009, date de l’élection de Dominique Hoppe à la présidence de l’AFFOI, 2000 fonctionnaires internationaux ont rejoint formellement cette « lutte contre les pulsions » et 5000 se sont inscrits à la seconde Journée du français dans les Organisations internationales organisée par l’AFFOI en 2012. Le potentiel de lutteurs est riche encore faudrait-il que tous ceux qui soutiennent osent affirmer leur position. L’appréhension d’être un caillou dans la chaussure et d’en subir une conséquence négative sur leur carrière est un frein pour certains, sans doute davantage pour les jeunes diplômés fraichement engagés. « Fort heureusement un nombre croissant de figures symboliques et médiatiques apportent un soutien de plus en plus clairement exprimé à l’AFFOI : Pascal Lamy, le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce ; Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO ; Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE ou Michel Jarraud, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale... » Il y a quelques semaines, l’AFFOI s’est officiellement exprimée au Sommet de la Francophonie à Kinshasa. Petit à petit l’AFFOI fait son nid !
Début décembre Dominique Hoppe rencontrera Abdou Diouf, Irina Bokova et Laurent Fabius. Trois temps forts pour mieux faire passer le message de l’AFFOI et, qui sait, parvenir à obtenir dans un proche avenir, la nomination d’un "grand témoin de la Francophonie pour les Organisations Internationales" - chargé de témoigner de l’emploi du français et de fédérer les acteurs opérationnels et institutionnels autour de toutes les formes de diversités - ou même l’organisation d’Etats généraux de la Francophonie multilatérale. Si le secrétaire général de l’OIF n’est pas à convaincre du bien fondé de l’action de l’AFFOI, il semble que la directrice générale de l’UNESCO Irina Bokova, elle même francophone, soit aussi une alliée. Reste le ministre français des Affaires étrangères... ce serait un comble que la France ne soit pas réceptive au renforcement de la langue française dans les Organisations internationales !
Finalement, Dominique Hoppe et ses confrères de l’AFFOI ne sont pas les seuls à penser que cette lutte pour une meilleure prise en compte des différences de chacun est un moyen de « mieux représenter les peuples ! » Tout simplement.