Le Liban, cent cinquante ans plus tôt, vu à travers le pinceau d’un capitaine de la marine française. Osmond Romieux (1826 - 1908) a en effet exploré le Liban dans les années 1860. Ses rares dessins, ses témoignages permettent donc de découvrir un pays, en particulier Beyrouth, et ses habitants qui entretiennent des liens historiques avec la France. Découverts en 2002 par Gerard D. Khoury, ces dessins et aquarelles du peintre/capitaine de frégate français avaient été exposés au musée Sursock, au moment du Sommet de la francophonie à Beyrouth en octobre de la même année. Ces œuvres, considérées comme des documents ethnographiques sur le Mont-Liban de la seconde moitié du XIXe siècle (constructions, culture, modes de vie, religions), mais aussi comme le témoignage de la représentation du Levant en Europe occidentale, font aujourd’hui l’objet d’une exposition au Musée d’histoire de Marseille (jusqu’au 20 août) et illustrent l’ouvrage « Le voyage d’Osmond Romieux au Levant, Beyrouth et le Mont-Liban (1860-1861) » qui l’accompagne. Dans les textes qui y sont publiés, différents regards d’historiens de l’art et d’historiens se confrontent. Nadine Méouchy s’est ainsi penchée sur les relations entre Beyrouth, le Mont-Liban et la France. Michael Davie raconte le Beyrouth des années 1860, Jean-Pierre Darmon dissèque les croquis de Baalbeck par Romieux, Liliane Reda Nasser part à la recherche des Libanais à Marseille au XIXe siècle, et François Robichon traite de la peinture militaire sous le Second Empire. L’ouvrage comporte également le compte rendu d’une table ronde intitulée « Osmond Romieux (1826-1908), peintre orientaliste ? » qui s’est déroulée à l’École des beaux-arts à Paris en juin 2002 avec la participation de Deepak Ananth, Henry-Claude Cousseau, François Georgeon, Gerard D. Khoury et François Pouillon.
Place ensuite au carnet de voyage d’Osmond Romieux et ses illustrations venues d’un autre âge, d’une autre époque. Et son coup de crayon jugé par les spécialistes comme « réaliste », « précis », « croqué à la volée » et, surtout, loin des visions fantasmées caractérisant les illustrations et autres récits par les orientalistes de l’époque.
L’historien Gérard D. Khoury, commissaire de l’exposition qui se déroule actuellement à Marseille, mais aussi et surtout « découvreur » de ces œuvres, indique que Prosper, Halvor, Henri, Oscar, dit Osmond Romieux, a abordé le Liban avec un regard d’anthropologue et non pas d’orientaliste. « Il a voulu rendre, avec le plus d’exactitude possible, ce qu’il a vu sur place : architecture, géographie, costumes, attitudes ou scènes de vie quotidienne », indique-t-il dans son texte introductif.
Abdel Sattar Issa, consul général du Liban à Marseille, voit dans les dessins de Romieux des intérêts multiples. Outre leur grande importance historique, « elles offrent un aperçu du pays à une période charnière de la région », écrit-il, et de souligner le côté naturel des dessins qui, selon lui, reflètent fidèlement les personnages et les sites, « sans sophistication ni exotisme ».
Menant une enquête ciblée sur Romieux, Khoury est allé à la recherche de son enfance, de sa famille, des raisons de son choix d’entrer à l’École navale. Mais le dossier aux Archives de la marine de Vincennes n’a livré aucune indication sur sa vie personnelle. Il a dû se contenter des quelques bribes d’informations concernant son parcours professionnel et les correspondances de ses supérieurs louant sa conduite exemplaire.
Ces œuvres offrent une iconographie inédite de Beyrouth (Ras Beyrouth, les souks, la place des Canons, l’école turque, les joueurs de tric-trac), la grotte du chien, beaucoup de mosquées, des paysages à Zahlé, les ruines de Baalbeck et quelques bâtiments mamelouks mais surtout ottomans nous restituant des images proches vraisemblablement de ce qu’était la ville au début du XIXe siècle.
Maya Ghandour Hert