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MACEDOINE - Retour sur l’année 2016-2017

MACEDOINE - Retour sur l’année 2016-2017

31 octobre 2016 - par Katica Janeva  , Anne Lemoine 

Pour ce petit pays balkanique, les années 2015 et 2016 se sont avérées particulièrement chargées du point de vue politique et humanitaire. De nouveaux troubles politiques s’étant succédé, s’ajoutant aux crises existantes et suivis par une aggravation de la situation des migrants et des réfugiés.

Le Premier ministre Nicola Gruevski (Ph : page FB de N. Gruevski)

POLITIQUE

La Macédoine traverse actuellement sa pire crise politique depuis le conflit civil qu’elle a connu en 2001. De février à juin 2015, l’opposition menée par le Parti social-démocrate de Macédoine (SDSM) a rendu publics plusieurs enregistrements de conversations téléphoniques, menés entre les hauts responsables du gouvernement, comme preuve de l’implication du gouvernement dans des actions compromettantes.

Le scandale des écoutes téléphoniques a secoué le pays déclenchant une énorme révolte chez les citoyens macédoniens. Ainsi, la Macédoine se retrouvait confrontée à une série de manifestations quotidiennes pacifiques dans les rues de la capitale. Organisés à travers les réseaux sociaux, les manifestants demandaient la démission du gouvernement du Premier ministre, Nikola Gruevski.
La situation a toutefois dégénéré en mai 2015 quand après la révélation de l’enregistrement téléphonique dans laquelle le Premier ministre, la ministre des Affaires intérieurs et d’autres hautes personnalités discutaient de la façon de masquer le meurtre d’un jeune de 22 ans, Martin Neskovski, par un membre de la police spéciale. Martin Neskovski avait été battu à mort la nuit où le parti politique au pouvoir VMRO DPMNE avait célébré sa victoire électorale, le 6 juin 2011. Une fois cet enregistrement rendu public, des milliers de personnes se sont rassemblés devant le siège du gouvernement macédonien à Skopje, le 5 mai. Ceci a donné lieu à des affrontements violents entre les manifestants et les forces de la police.

En réaction à la manifestation antigouvernementale, les partisans du gouvernement ont également commencé leur rassemblement progouvernemental, contribuant ainsi à la crise actuelle en Macédoine.
La série de manifestations a été interrompue le 9 mai, lors de l’opération antiterroriste à Kumanovo, une ville macédonienne près de la frontière avec la Serbie. Il s’agissait de stopper un groupe armé albanais probablement actif lors du conflit en 2001. Durant cette opération, huit agents de la police et quatorze terroristes sont morts.

« L’Accord de Przino »
Étant donné l’urgence de mettre fin rapidement à la crise politique et institutionnelle de la première moitié de 2015, les dirigeants des principaux partis politiques de Macédoine, sous la médiation de l’Union européenne, ont repris un dialogue constructif. Ils ont fini par conclure un accord le 2 juin 2015. Cet accord était finalisé le 15 juin 2015, et appelé « l’Accord de Przino ». Ce dernier mettait en place plusieurs paramètres contribuant de la transition politique jusqu’aux élections législatives anticipées, alors prévues pour le 24 avril 2016.

L’accord prévoyait en outre : le retour de l’opposition au parlement, le départ du Premier ministre, la création d’un gouvernement de transition, la nomination d’un procureur spécial, et la révision de la loi électorale. Cet accord ouvrait ainsi une voie de reconstruction de la vie politique macédonienne et son processus de démocratisation. Un processus ambitieux et prometteur s’apprêtait à être lancé.

Les élections législatives anticipées
Suite aux appels au boycott des partis politiques de l’opposition, les élections initialement prévues pour le 24 juin 2016 sont d’abord reportées au 5 juin 2016. L’opposition considère que les conditions principales de l’Accord de Prizino ne sont pas remplies, concernant en particulier la clarification des listes électorales, la réforme des médias, et la liberté du travail donnée au Procureur spécial.
Le climat politique s’est encore dégradé, le 12 avril 2016, lorsque le président de la République, Gjorge Ivanov, a décidé d’accorder l’amnistie à tous les inculpés, soupçonnés d’être impliqués dans l’affaire des enregistrements téléphoniques. Dès lors, l’enquête menée par le Procureur spécial, l’institution née de l’accord de Prizino, a été bloquée.
Les grands partis politiques du pays ont aussi condamné cette décision et ont demandé sa révocation immédiate.

Cet événement a provoqué une nouvelle série de manifestations et de contre-manifestations dans la capitale et dans le reste du pays. Ces manifestations sont à la base de la naissance du mouvement activiste citoyen « protestiram » et de ce qu’on va appeler la « révolution de couleurs ».


"La Révolution des couleurs" (Ph : Flickr - Jed Horne)

La « Révolution de couleurs »
Il est devenu urgent pour la société civile macédonienne de démontrer son utilité et de trouver les moyens de renforcer sa légitimité au sein de son propre pays.
Organisés spontanément à travers les réseaux sociaux, les militants macédoniens se sont mobilisés pour réclamer la démission du président Gjorge Ivanov, le retrait de l’amnistie et le report des élections prévues pour le 5 juin. Au fil du temps, les manifestations sont devenues un mouvement révolutionnaire marqué par l’utilisation des couleurs pour tâcher les nouveaux bâtiments, statuts et immeubles construits pendant le fameux projet de modernisation de la capitale « Skopje 2014 ». Équipées avec des pistolets à peinture et des ballons remplis de couleurs, les manifestants ont décidé de montrer leurs mécontentements envers les politiques du gouvernement actuel.
Soutenue par les partis de l’opposition, la « révolution de couleurs » devait tout d’abord resserrer les actions politiques, et ajuster son ambition à ses moyens réels. La décision du président macédonien a été contestée par le milieu politique dans le pays. En réponse des tensions politiques, le président a retiré sa décision. Dernièrement, les principaux partis politiques se sont mis d’accord pour des élections le 11 décembre 2016.
En résumé, ce large état des lieux met en lumière la vulnérabilité de la scène politique macédonienne.

L’accueil de réfugiés d’Irak à la frontière serbe (Ph : Flickr - Fédération de la Croix rouge et du Croissant rouge)

Crise migratoire et la « route des Balkans »
Depuis le printemps 2015, des milliers de réfugiés venus surtout du Moyen-Orient empruntent chaque jour la « route des Balkans » et cherchent à se rendre en Europe occidentale. La Macédoine, comme la Serbie, la Slovénie et la Croatie, fait partie des pays de transit sur cette route. D’après les statistiques, plus de 700.000 réfugiés ont emprunté cette voie, et ils ont traversé la Macédoine pour se rendre dans les pays occidentaux industrialisés où les perspectives de vie décentes sont meilleures.

L’accueil de réfugiés d’Irak à la frontière serbe (Ph : Flickr - Fédération de la Croix rouge et du Croissant rouge)

L’afflux massif des migrants à la frontière gréco-macédonienne dans la ville de Gevgelija, a suscité un état d’urgence décrété par l’État macédonien le 19 août 2015. Depuis février 2016, la Macédoine a voté une nouvelle loi en matière d’entrée dans le pays et pour faciliter la traversée du pays pour les réfugiés syriens.

Depuis, l’État macédonien fait des efforts pour fournir des services de base aux personnes en transit. Des camps pour les migrants ont été construits à côté des frontières, des moyens de transport ont été mis à disposition ainsi que des services judiciaires pour faciliter les démarches administratives. Des associations humanitaires locales et des individus sont constamment présents aux camps de réfugiés. Parallèlement, l’Union européenne renforce sa solidarité et son soutien financier et administratif aux pays des Balkans afin de gérer au mieux cette crise.

CULTURE et FRANCOPHONIE

L’année qui vient de s’écouler a été marquée par plusieurs événements culturels francophones en Macédoine. De nombreux événements sont organisés par l’Institut français de Skopje. Parmi ces derniers, on compte la 9e édition du Festival du Film français (FFF.MK). Pour la deuxième année, c’est la jeune création qui fut à l’honneur. Le film d’ouverture « La Route d’Istanbul » et son actrice principale, Astrid Whettnall, ont définitivement montré un cinéma engagé.

Le cinéma, bien sûr, et toute l’année, le ciné-club de la Cinémathèque de Macédoine – Kinoteka, présente un film français une fois par mois. En décembre 2015, la mairie de Veles a ouvert son propre ciné-club français. Le cinéma francophone est également à l’honneur grâce à des événements cinématographiques annuels tels que Cinedays, Skopje Film Festival ou encore le Festival des Frères Manaki de Bitola. En 2015, le film « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako était en compétition.

Côté théâtre, le Panta Théâtre de Caen a exploré l’écriture théâtrale et ses traductions, transcriptions et adaptations en présentant en Macédoine la pièce française, « Pardon » du 17 au 26 septembre 2015 au Théâtre National de Macédoine. Écrite et mise en scène par les Français Sabine Revillet et Guy Delamotte, la pièce a été interprétée en macédonien et par une troupe de comédiens macédoniens guidés par les deux auteurs.
Le théâtre, toujours, avec la pièce « Le Murmure d’Antigone ». Mise en scène par la compagnie normande « Et mes ailes » et de jeunes acteurs amateurs macédoniens et français. En trois langues, le français, le macédonien et l’albanais, la pièce est le résultat d’échanges entre des jeunes des villes d’Ifs (France) et de Debar (Macédoine). Les jeunes ont donné deux représentations en Macédoine, à Struga et Debar en novembre 2015.


« Le Murmure d’Antigone ». Mise en scène par la compagnie normande « Et mes ailes » et de jeunes acteurs amateurs macédoniens et français (Ph : Aimablement prêtée par les auteures)
« Le Murmure d’Antigone ». Mise en scène par la compagnie normande « Et mes ailes » et de jeunes acteurs amateurs macédoniens et français (Ph : Aimablement prêtée par les auteures)

En juillet 2015, le Festival Acteur de l’Europe qui se déroule dans la région des lacs de Prespa et d’Ohrid a mis à l’honneur la poésie et les écrits de la Première Guerre mondiale, avec la lecture de lettres et de poésie d’il y a 100 ans. De nombreux événements culturels de cette année ont mis à l’honneur la commémoration du Centenaire de la Première Guerre mondiale. La Macédoine, à travers le travail de mémoire mené sous l’impulsion des ambassades française, britannique ou encore allemande, redécouvre cette histoire et son patrimoine. Lors du conflit, le pays fut le théâtre des combats entre toutes les armées belligérantes, sur ce que l’on nomme le Front d’Orient, couvrant le Sud de l’État actuel de Macédoine.

À cette époque, les Frères Manaki, aussi appelés les « Frères Lumières des Balkans », sont les premiers cinéastes et photographes de la région. Leur œuvre artistique et ethnographique est très connue et reconnue. Ces deux artistes ont capté et mémorisé une époque, sillonnant les Balkans de part et d’autre. En célébrant le Centenaire de la Première Guerre mondiale, le Centre de la Photographie de Macédoine a mis à l’honneur des clichés oubliés. Pendant la Guerre, les deux photographes, dans leur boutique de Bitola, invitent les soldats de toutes les armées, à venir se faire tirer le portrait. Ils continueront également de capturer le quotidien, les mariages, les enterrements des civils, assiégés. Cette collection, mémoire des Balkans et de l’Europe, est peu à peu protégée, restaurée et présentée au public de Macédoine et d’ailleurs.


Les Frères Manaki

L’année 2015/2016 a aussi été émaillée d’événements multiples, couvrant le territoire. Les Journées régionales de la Culture de Pélagonie ont accueilli la Compagnie Ecorpsabulle pour trois performances de danse, Debar a organisé sa Journée de la culture française sur la question des médias tandis que les Alliances françaises de Tetovo et de Bitola multiplient les initiatives comme la Fête de la Musique.
Enfin, la Francophonie a été célébrée en bonne et due forme à Skopje avec le concert du célèbre groupe macédonien « Foltin ». Ils ont rendu hommage aux grands de la chanson francophone, en réinterprétant Jacques Brel, Édith Piaf...

Katica Janeva
Association européenne pour la démocratie locale
katica_janeva@yahoo.com
Anne Lemoine
Association européenne pour la démocratie locale
lemoine.anne@gmail.com

Photo du logo : Flickr - Andrzej Wojtowicz

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