- (Service communication Ministère Outre-mer)
L’année 2014-2015 a encore été marquée par des mouvements sociaux dans de très nombreux secteurs : la fonction publique (Éducation nationale, La Poste, l’Agence régionale de la santé, le Centre hospitalier de Mayotte, la justice) et le secteur privé (la grande distribution, le port de Longoni, la Somapresse, l’aéroport de Pamandzi, les pharmaciens, la Banque française et commerciale de l’Océan indien). S’ils ont pu ou peuvent donner de Mayotte l’image d’une île et d’une société agitées, ces mouvements sociaux, nombreux et divers, n’ont rien de surprenants : ils s’inscrivent dans la possibilité et la légitimité de revendications sociales ouvertes par l’accès au statut de département d’outre-mer français. En d’autres termes, ces mouvements sociaux, fondant leur légitimité sur le droit commun, revendiquent presque tous l’égalité de traitement des salariés et des fonctionnaires mahorais par rapport à leurs homologues de la métropole et des autres départements d’outre-mer.
Pour l’instant, la mise en place du département donne un goût quelque peu amer aux Mahorais, qui s’impatientent voire se désespèrent de ne pas voir arriver les avantages tant rêvés du nouveau statut qu’ils ont obtenu de haute lutte.
Par ailleurs, les chiffres de la délinquance présentés annuellement par la Préfecture de Mayotte ne sont pas pour évacuer l’inquiétude de la population en matière de sécurité. En effet, à Mayotte, sur l’année 2014, l’on peut observer une évolution globale de la délinquance de +7 % (délinquance générale + délinquance de proximité), alors qu’elle était de 11 % en 2013. Face à cette inquiétude, le préfet de Mayotte rassure en insistant sur le fait que « les forces de l’ordre et les services de l’État sont pleinement engagés au quotidien sur les 2 volets que sont la répression, mais aussi la prévention de la délinquance. Au-delà, c’est ma méthode, je veux mobiliser tous les acteurs autour de projets concrets ».
Enfin, les bonnes nouvelles se situent du côté de l’éducation, notamment des résultats du baccalauréat 2015, qui affichent plus de bacheliers qu’en 2014 et un record de mentions, tandis que les résultats du premier tour sont en très nette augmentation.
- Soibahadine Ramadani, le président du Conseil départemental (Service de presse du CD)
POLITIQUE
Un nouveau découpage cantonal et une nouvelle assemblée territoriale
Désormais, conformément au nouveau découpage cantonal, le département de Mayotte compte 13 cantons au lieu de 19. Et comme prévu, Mayotte ne verra pas cohabiter sur son territoire exigu deux assemblées comme ailleurs sur le territoire national français : un conseil général et un conseil régional. En effet, à l’issue des dernières élections cantonales de mars 2015, une assemblée unique a été mise en place : un conseil départemental, composé de 26 conseillers départementaux et qui regroupe les compétences d’un département et d’une région, a remplacé le conseil général, qui accueillait 19 conseillers généraux.
Et c’est une majorité de droite dominée par les Républicains (anciennement UMP) qui dirige la nouvelle assemble. Il s’agit de la première fois, depuis l’implosion et la disparition du Mouvement populaire mahorais (MPM) à la fin des années 90 – parti qui a porté pendant un plus de 27 ans la revendication de « Mayotte française » et de la départementalisation de l’île – qu’une majorité homogène gère les affaires du départemental. A sa tête, un ancien sénateur de Mayotte, Soibahadine Ibrahim Ramadani, élu à l’unanimité par les conseillers départementaux.
Cependant, malgré une majorité homogène et apriori solide, les tâches du nouveau président restent compliquées. Il doit poursuivre les efforts déployés par son prédécesseur pour assainir des finances du Conseil départemental et résorber son déficit (13 millions d’euros pour 2014). Acteur principal du développement de l’île, le Conseil départemental doit retrouver une capacité d’investissement qui redonne confiance aux acteurs économiques et qui lui permet de mobiliser les partenariats financiers disponibles. Sont enjeu notamment la relance de la commande publique, la consommation des crédits européens et, vu les tensions sociales grandissantes, la réalisation de ses missions institutionnelle dans le domaine du social, où il reste très largement défaillant – contrairement à ce qui devrait se passer et qui est le cas dans les autres départements français. Une mission qui s’annonce d’autant plus difficile que le Conseil départemental doit faire à une augmentation de la masse salariale (+98 millions d’euros, soit +8 %) due à l’indexation progressive des salaires des fonctionnaires à 40 % d’ici à 2017 et à un reversement d’une partie des taxes qu’il perçoit aux communes. Ces ajustements en cours et à venir génèrent une situation d’incertitude sur la capacité réelle du Conseil département à impulser une dynamique de développement dont il reste le principal acteur et tant attendu par les acteurs économiques de l’île et par les Mahorais.
Aussi les acteurs économiques et sociaux attendent-ils davantage de la part de l’État dans le financement de la départementalisation/la mise en place du département, dont il a la charge, dans le déploiement de l’égalité républicaine à Mayotte et dans l’accompagnement des communes, dont les finances sont défaillantes. Tandis qu’un certain scepticisme s’installe chez les Mahorais quant à la capacité de leurs élus locaux et de leurs parlementaires à être à la hauteur des enjeux de leur société et à dissiper leurs inquiétudes sur le développement de leur île. Aussi les prochaines élections sénatoriales de 2016 et départementales de 2017 risquent d’être sans enjeu pour eux.
SOCIÉTÉ
Quelques événements marquants
Juillet 2014
- L’INSEE publie les chiffres de la fréquentation touristique à Mayotte en 2013. Le nombre de touristes qui ont visité l’île atteint 52 000 (+14 % par rapport à 2012).
- Selon les résultats de l’enquête emploi réalisée en 2013 par l’INSEE, le taux de chômage est évalué à 19,5 % de la population active (9 500 personnes, soit +1 900 chômeurs en un an).
- Mayotte est éligible aux Aides à finalité régionales (AFR) pour la période 2014-2020.
Août 2014
- Visite du président François Hollande à Mayotte.
Octobre 2014
- Actualisation du PIB de Mayotte pour l’année 2011 à 1 575 millions d’euros et du PIB par habitant à 7 900 euros.
Novembre 2014
- Lancement des premières offres Internet à très haut débit, Ligne d’abonné numérique à très haute vitesse ou Very high digital subscriber line 2 (VDSL).
Janvier 2015
- Mosquée profanée : deux épouses de gendarmes ont profané une mosquée en déposant devant l’édifice une tête de porc. L’acte avait été accompli pour honorer un pari. C’est une femme qui avait déposé la viande devant la mosquée de la commune de Labattoir, en Petite Terre, son mari conduisant la voiture.
- Inauguration de l’Établissement de Placement Éducatif (EPE), en présence du sénateur Thani Mohamed, président de l’association Tama, qui gère la nouvelle structure. Prévu pour 12 places, le centre accueillera en priorité des jeunes dangereux pour la société et qui sont en perte complète de repères. Il s’agit d’adolescents qui ont déjà un parcours de vie dramatique, fait de violences, d’abandon parental, de vols et, parfois, témoins, complices ou victimes de crimes.
Février 2015
- La Commission européenne a approuvé formellement le Programme de développement rural de Mayotte. Il s’agit du premier PDR adopté pour la France. Le PDR de Mayotte développe la stratégie de mobilisation de plus de 80 millions d’euros de fonds publics, dont 60 de FEADER (fonds européen pour l’agriculture et le développement rural) et 20 de contreparties nationales (État et Conseil Départemental). Les priorités du PDR sont les suivantes : l’amélioration de l’approvisionnement alimentaire de l’île en produits locaux ; le renforcement de l’innovation et le développement des compétences dans l’agriculture ; la promotion de l’inclusion sociale et l’amélioration les conditions de vie en zone rurale ; la préservation et la valorisation des ressources et des milieux naturels terrestres.
Mars 2015
- Nouvelle parution dans le paysage de la presse écrite mahoraise : 101 Mag.
Mai 2015
- Mayotte participe pour la première fois à la Foire internationale de Madagascar (FIM) : une vingtaine d’entreprises de Mayotte a participé à la FIM.
- Coup d’envoi du processus de concertations pour le Plan logement outre-mer à Mayotte. Le préfet de Mayotte, Seymour MORSY, a réuni les partenaires impliqués dans le logement pour préparer l’adoption d’un plan logement. Les enjeux prioritaires sont : libérer et aménager le foncier ; favoriser la construction neuve de logements de qualité ; améliorer le parc existant ; maîtriser les coûts de production ; favoriser les parcours résidentiels et l’accession sociale à la propriété ; lutter contre l’habitat indigne et dégradé ; engager la transition énergétique dans le secteur du bâtiment.
- Mobilisation du Collectif « Bassi Ivo » contre la décision d’instance de classement au titre de monuments historiques prise par le ministère de la Culture concernant une maison SIM (Société immobilière de Mayotte) située à Sarangué (un quartier du chef-lieu Mamoudzou, habité essentiellement par des Français métropolitains). Une décision jugée coloniale dans la mesure où elle viserait à protéger un occupant métropolitain contre un projet de démolition de la maison en question par la SIM, propriétaire du bâtiment et qui est dirigée par un Mahorais.
Juin 2015
- Visite du Premier ministre Manuel Valls à Mayotte, accompagné des ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et des Outre-mer.
- Manuel Valls en visite officielle à Mayotte (Service de presse Premier ministre)
ÉCONOMIE
« une reprise exposée à des aléas persistants »(1).
Une situation économique fragile aux évolutions irrégulières
Suite aux changements institutionnels et fiscaux intervenus le 1er janvier 2014 (accès au statut européen de Région ultrapériphérique ou RUP, application de la fiscalité de droit commun dont l’octroi de mer), qui imposent de nouvelles règles, l’économie mahoraise peine à s’adapter et à trouver les leviers qui la conduiraient vers un courant d’affaires plus favorable. Par manque de confiance, mais aussi par manque de visibilité à court terme, les entreprises adoptent des comportements attentistes. Ainsi, le climat des affaires connaît une dégradation de forte amplitude en début d’année, puis enregistre des évolutions irrégulières et plus modestes par la suite. Cette situation contrastée, également nourrie par une régression de la commande publique, se traduit par l’évolution divergente des principaux indicateurs macroéconomiques.
Ralentissement de l’inflation
L’inflation ralentit à Mayotte en 2014 : l’Indice des prix à la consommation (IPC) augmente en moyenne de 0,9 %, contre +1,3 % en 2013. Elle reste toutefois plus soutenue qu’en France hors Départements d’outre-mer (DOM) (+0,5 %, après +0,9 % en 2013).
Détérioration du marché de l’emploi
Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A (DEFM A) inscrits à Pôle emploi augmente fortement en 2014, pour atteindre 10 231 personnes (+51,7 %). Parallèlement, 2 406 offres d’emploi sont enregistrées à Pôle emploi (+2,2 %). Selon l’enquête emploi conduite par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le taux de chômage en 2014 s’établit à 19,6 % de la population active, en augmentation de 0,6 point par rapport à 2013. Mayotte compte 10 500 chômeurs, soit 1 100 de plus qu’en 2013. Malgré leur hausse, les créations d’emplois sont insuffisantes pour absorber l’arrivée de nouveaux actifs sur le marché du travail.
Nouvelle augmentation des importations
La demande intérieure porte les importations qui augmentent de 2,8 %, en lien avec la progression des achats de biens destinés aux ménages et aux entreprises. Les exportations, insignifiantes et irrégulières, s’accroissent fortement de 140,2 %. Le déficit de la balance commerciale, structurel, se creuse à nouveau en 2014 et augmente de 1,3 % pour se situer à 467,2 millions d’euros.
Une activité sectorielle majoritairement faible
L’activité touristique peine à démarrer malgré la progression du trafic aéroportuaire.
Le secteur primaire « s’informalise » et éprouve toujours des difficultés à développer une activité structurée et compétitive, tant pour la production locale que pour la filière d’exportations. Après l’arrêt des exportations d’ylang-ylang en 2013, le secteur aquacole s’essouffle : 14,5 tonnes sont exportées en 2014, contre 62,8 en 2013, (soit -76,9 %).
L’activité industrielle est mitigée. Dégradée au premier trimestre, elle s’améliore dans le milieu de l’année pour se stabiliser au quatrième trimestre. Les investissements importants réalisés dans le domaine de l’électricité (pour améliorer le réseau et répondre à la demande énergétique croissante) se poursuivent et continuent de porter le courant d’affaires du secteur.
Dans le commerce, l’activité se redresse, bénéficiant du dynamisme de la consommation des ménages.
Enfin, dans le prolongement de 2013, le courant d’affaires de l’industrie agroalimentaire est bien orienté en 2014.
Le contrat de projet État-Mayotte 2015-2020 signé par le premier Manuel Valls le 13 juin 2015 : il a fixé les axes de développement de Mayotte pour les cinq prochaines années.
Les gros investissements publics dans les territoires français sont contractualisés dans des Contrats de projets, ou plan, signés entre l’État et les régions (CPER). Ce sont eux qui élèvent le niveau en équipement des territoires. Le CPER de Mayotte vient d’être dévoilé. On connaît donc les secteurs prioritaires pour les 5 années à venir, à découvrir dans la maquette financière du CPER de Mayotte.
Son montant représente la base de financement national et conditionnera donc une grande partie de la consommation des fonds européens. Le Contrat de projet Etat-région de Mayotte sera financé pour un peu plus de la moitié par l’État, 193 millions d’euros, et un peu moins par le département, 185 millions d’euros.
Il est porté par huit axes, censés agir comme levier de développement de l’île :
– les infrastructures et les services collectifs de base, la vulnérabilité des territoires et des populations (172,9 millions d’euros) ;
– l’aménagement urbain et le soutien aux dynamiques territoriales (35,5 M€) ;
– la gestion des ressources énergétiques et environnementales et les filières d’excellence (4,6 M€) ;
– le développement de la recherche et de l’innovation (4,9 M€) ;
– la cohésion sociale et l’employabilité (19,7 M€) ;
– le développement économique durable (26,8 M€) ;
– le numérique (5,1 M€) ;
– la mobilité 105,8 M€) ;
Une assistance technique est prévue pour mener à bien ces dossiers, à hauteur de 3 millions d’euros.
- (OT Mayotte)
CULTURE et HISTOIRE
La nécropole aux perles d’Antsiraka Boira
Depuis 2006, plusieurs campagnes de fouilles archéologiques menées à Acoua (un village du nord de Mayotte) ont permis de documenter un ancien village (Agnala Mkiri, XIe-XVe siècles) et un cimetière (Antsirika Boira, XIIe-XIIIe siècles).
L’occupation humaine est attestée à Acoua dès le XIe siècle et s’intensifie à partir du XIIe siècle, période où la conquête des terres agricoles semble se développer sur l’île autour de petites communautés villageoises. Au début du XIIIe siècle, un village de quatre hectares est entouré par un vaste enclos pastoral.
On retrouve également une petite mosquée, bâtie vers 1200, dont le plan et les techniques de maçonnerie évoquent les constructions médiévales swahilies en pierre de corail. Cette mosquée témoigne, sans doute, de l’influence grandissante de l’islam, relayé par les cités États swahilies en expansion.
Ce sont des petites localités rurales comme celle-ci qui ont perduré au cours des siècles et formé la trame des principaux villages actuels de Mayotte.
En plus de l’ancien village, les fouilles archéologiques menées à Acoua ont effectivement mis au jour une zone funéraire située à distance du village, appelée en archéologie une nécropole. Cette nécropole médiévale (vers 1100-1250) constitue l’une des plus belles découvertes archéologiques réalisées à Mayotte. Les sépultures mises au jour depuis 2012 permettent de documenter les pratiques funéraires en Grande Terre (la grande île de Mayotte) lors des premiers temps de l’islamisation de la société médiévale mahoraise. En effet, si les défunts ne semblent pas reposer selon une orientation privilégiée, l’architecture funéraire rappelle toutefois la tradition musulmane, avec des dalles disposées de chant, qui délimitent le contour rectangulaire des tombes.
On observe également que les défunts étaient couramment accompagnés d’objets du quotidien et de parures, tels des colliers, ceintures ou pagnes de perles brodés. En effet, les deux tiers des tombes ouillées à Antsirika Boira (Acoua) comportaient des perles (à ce jour environ dix mille). Les sépultures les plus riches en comptent plusieurs milliers (plus de deux mille deux cents pour la sépulture d’un enfant, par exemple). Ces perles sont, pour la grande majorité, réalisées en pâte de verre, présentant des couleurs, tailles et formes variées. Les quantités de perles retrouvées à Acoua sont de loin les plus importantes de toute la région sud-ouest de l’océan Indien, avec la nécropole de Vohémar au nord-est de Madagascar. Ainsi, par les quantités de perles retrouvées et leur diversité, Mayotte dispose d’un site d’envergure internationale pour la connaissance de ces objets archéologiques.
Nécropole médiévale d'Antsiraka Boira (Mayotte... par archeologiemayotte