POLITIQUE
POLITIQUE FÉDÉRALE
Si 2014 a été une année de changements majeurs en politique provinciale au Nouveau-Brunswick, 2015 a été porteuse d’une autre vague majeure en politique fédérale. Le 19 octobre 2015, lors des élections générales, le Parti conservateur de Stephen Harper a subi une cuisante défaite au Nouveau-Brunswick dont la force a surpris bien des gens. Avant le scrutin, les conservateurs détenaient huit sièges et les libéraux et les néo-démocrates en avaient chacun un. Lors des élections, les dix circonscriptions sont passées aux mains des libéraux de Justin Trudeau.
- Justin Trudeau lors de son passage à Fredericton, en octobre 2015. (Ph : Acadie Nouvelle - Mathieu Roy-Comeau)
La vague rouge a tout emporté sur son passage. Les châteaux forts conservateurs du sud-ouest de la province, qui étaient perçus comme imprenables, n’ont pas tenu le coup. Idem pour la circonscription d’Acadie-Bathurst, qui était représentée par le néo-démocrate acadien Yvon Godin depuis près de deux décennies. Il faut dire que la vague libérale n’a pas déferlé que sur le Nouveau-Brunswick. Toutes les circonscriptions des trois autres provinces de l’Atlantique (Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador) ont été remportées par les candidats du parti de Justin Trudeau.
Dans la foulée de ces élections, le seul député fédéral néo-brunswickois qui n’était pas un nouveau venu, le libéral Dominic LeBlanc, a pris du galon. Vieux routier de la politique fédéral, ami d’enfance de Justin Trudeau, fils de l’ex-ministre et gouverneur général Roméo LeBlanc, il s’est vu confier le poste de leader en Chambre du gouvernement. Quelques mois plus tard, sa charge de travail a augmenté considérablement lorsqu’il s’est vu confier le ministère des Pêches, des Océans et de la Garde côtière. La preuve que l’histoire ne cesse de se répéter en politique notons que son père avait jadis occupé ce poste au sein du conseil des ministres du père de Justin Trudeau, Pierre Elliott Trudeau.
POLITIQUE PROVINCIALE
Le gouvernement libéral de Brian Gallant, élu pour un mandat de quatre ans en septembre 2014, a connu une année en dents de scie. Il avait cependant connu un départ canon, multipliant les annonces et les changements majeurs lors des premiers mois qui ont suivi son élection. Pendant plusieurs mois, les libéraux ont mené un important exercice d’évaluation de ses activités qu’il a présenté comme sa "Révision stratégique des programmes" L’objectif était de trouver le moyen d’épargner de 500 à 600 millions $ (sur un budget d’environ 9 milliards $).
Consultations publiques, consultations d’intervenants, documents, présentations : le processus a été long et fastidieux. Un rapport détaillant une foule de mesures possibles a été publié en novembre 2015.
En février 2016, le gouvernement a déposé son budget annuel, ce qui a officiellement mis un terme au grand exercice de révision amorcé quelques mois plus tôt. Les libéraux ont alors annoncé une foule de mesures pour tenter de s’approcher de l’équilibre budgétaire, dont l’abolition de postes et l’augmentation de 2 % de la Taxe de vente harmonisée (de 13 à 15 %).
Les libéraux de Brian Gallant n’ont peut-être pas connu une année des plus faciles, mais ils ont au moins pu compter sur une opposition officielle sans chef permanent qui n’était pas aussi efficace qu’elle aurait pu l’être. Les progressistes-conservateurs, défaits en septembre 2014, ont dû se contenter d’un chef intérimaire en attendant la tenue de leur congrès à la direction, en octobre 2016 dans la capitale, Fredericton. Pendant ce temps, le nombre de candidats à la direction n’a cessé d’augmenter. Pas moins de sept personnes ont annoncé leur intention de briguer la chefferie. Au moment d’écrire ces lignes, à la fin août 2016, aucun d’entre eux n’avait pris une avance évidente dans cette course.
POLITIQUE MUNICIPALE
Mentionnons aussi, au passage, la tenue, le 9 mai 2016, des élections municipales partout au Nouveau-Brunswick. Cela a donné lieu à de nombreux changements de garde et à des surprises. À Moncton, l’une des plus grandes villes de la province et plaque tournante de l’Acadie urbaine, la lutte pour la mairie s’est jouée entre deux conseillers municipaux aux visions diamétralement opposées. Le gestionnaire retraité Brian Hicks a misé sur la rigueur fiscale, tandis que la leader du monde culturel Dawn Arnold a opté pour un programme plus diversifié et axé vers la culture et les jeunes. Deux visions représentatives d’une communauté en pleine évolution et qui cherche à définir son identité. Dawn Arnold l’a finalement emporté par une faible marge, devenant la première femme de l’histoire à devenir mairesse de Moncton.
- Dawn Arnold le soir des élections municipales à Moncton, le 9 mai 2015. (Ph : Acadie Nouvelle - Simon Delattre)
ÉCONOMIE
Une économie qui a tourné au ralenti
L’économie néo-brunswickoise a connu des hauts et des bas au cours des derniers mois. Le marché du travail est demeuré l’un des moins en santé au pays, avec un taux de chômage plus élevé que la moyenne canadienne.
La situation s’est quelque peu améliorée à l’été 2016, avec une reprise de l’emploi à temps plein plus musclée qu’un an plus tôt. Il s’agit d’un cycle normal au Nouveau-Brunswick, dont l’économie dépend grandement des industries saisonnières telles que la pêche, le tourisme et l’agriculture.
Le ministère des Finances du Nouveau-Brunswick estime que l’économie de la province a connu une croissance de 1,3 % en 2015. Dans son budget 2016-2017, déposé en février 2016, il a opté pour le pessimisme et a prévu que la croissance en 2016 sera de 0,4 %.
De leur côté, les instituts économiques et les grandes banques canadiennes prédisent une croissance avoisinant 1 % en 2016. Certains, comme la Banque Nationale (1,4 %) et le Conference Board du Canada (1,6 %) sont même plutôt optimistes.
Un incendie en Alberta qui a affecté le N.-B.
La reprise timide du marché de l’emploi a eu lieu malgré l’impact d’un facteur extérieur : les incendies majeurs dans la région de Fort McMurray, en Alberta. Le lien peut sembler farfelu, mais il ne l’est pas du tout. De très nombreux Néo-Brunswickois travaillent en Alberta, dans les sables bitumineux. Bon nombre d’entre eux font ce que l’on appelle communément le fly in, fly out.
Cette pratique les amène à prennent l’avion pour se rendre en Alberta, où ils vont travailler pour des entreprises du secteur pétrolier ou dans des industries connexes. Puis, après plusieurs jours de travail consécutifs, ils reprennent l’avion pour venir passer quelques jours de congé au Nouveau-Brunswick en compagnie de leurs proches.
Cette pratique est un moteur économique non négligeable au Nouveau-Brunswick, puisqu’une partie des revenus gagnés par ces travailleurs y est dépensée. C’est donc avec effroi que la population a suivi de près les incendies qui ont ravagé une partie de Fort McMurray et forcé l’industrie pétrolière à
tourner au ralenti pendant quelque temps.
Des travailleurs ont été contraints de revenir au Nouveau-Brunswick temporairement, la pratique des fly in fly out en a pris pour son rhume pendant la crise. Certains ont même dû carrément faire une croix sur leur aventure albertaine. Sans pouvoir chiffrer l’impact de ce bouleversement sur l’économie néo-brunswickoise, les témoignages entendus de part et d’autre nous portent à croire qu’il n’est pas négligeable.
- La production de marijuana à des fins médicales pour relancer l’économie ? (Ph : Flickr - Cannabis Culture)
Quelques lueurs d’espoir sont venues mettre un baume sur les plaies de l’économie néo-brunswickoise au cours des derniers mois. C’est notamment le cas d’une industrie en plein essor au Canada, soit celui de la production de marijuana à des fins médicales.
L’entreprise OrganiGram, basée à Moncton et qui a une longueur d’avance puisqu’elle a déjà obtenu les permis nécessaires et qu’elle est en production, est sur la bonne voie. Sans trop faire de bruit, elle a continué à prendre de l’expansion. L’une de ses compétitrices potentielles, Zenabis, a progressé, mais a été freinée par l’attente des permis nécessaires de la part du gouvernement fédéral. À l’été 2016, cette entreprise basée à Atholville, dans le Nord, a obtenu de l’aide financière du gouvernement provincial pour effectuer des travaux sur l’usine désaffectée qu’elle compte transformer en centre de production de marijuana. La communauté autochtone de Listuguj, au Québec, est elle aussi embarquée dans l’aventure en investissant 3 millions $ dans le projet. Ce secteur est prometteur pour le Nouveau-Brunswick. Le Conseil de l’emploi, un organe du gouvernement provincial, le reconnaît et estime que son potentiel est énorme.
Tout cela se déroule alors que le gouvernement fédéral s’apprête à légaliser la marijuana à des fins récréatives. L’ouverture de ces nouveaux marchés pour des entreprises déjà actives dans le secteur de la marijuana à des fins médicales est plus qu’intéressante pour une province comme le Nouveau-Brunswick, qui cherche par tous les moyens à relancer son économie.
Un (autre) budget déficitaire
Le 2 février 2016, le gouvernement libéral de Brian Gallant a déposé le budget annuel provincial 2016-2017. Il prévoyait des dépenses de 8,965 milliards $ et une « réserve pour éventualités » de 100 millions $, qui n’était en fait qu’un fonds d’urgence.
Grâce à une série de mesures d’austérité (hausse de taxes, compressions et gels, abolition de postes dans la fonction publique, etc.), le gouvernement a réussi à abaisser le déficit à 347 millions $ (une somme incluant le fonds d’urgence de 100 millions $). Un manque à combler qui devrait faire gonfler la dette du gouvernement à 13,4 milliards $.
Cela peut sembler énorme, mais la situation est nettement moins grave qu’il y a quelques années. Lorsque les progressistes-conservateurs ont pris le pouvoir des libéraux en 2010, ils ont hérité de finances publiques en lambeaux. Le déficit budgétaire annuel était alors en voie de franchir le cap du milliard de dollars. Cela s’explique par le fait que les libéraux de Shawn Graham avaient tenté de contrer la crise financière de 2008 en s’endettant pour tenter de faire tourner l’économie néo-brunswickoise. Les libéraux de Brian Gallant qui ont hérité d’un budget qui demeurait déficitaire lors de leur élection en 2014, prévoient rétablir l’équilibre budgétaire en 2020-2021. Ils devront cependant remporter les élections de 2018 s’ils veulent avoir la chance de tenir parole.
- Moncton (Ph : Flickr - James Mann)
SOCIÉTÉ - CULTURE
Lors de la campagne électorale fédérale de 2016, les libéraux de Justin Trudeau ont promis d’ouvrir les portes du Canada à un plus grand nombre de réfugiés syriens. Après avoir battu les conservateurs de Stephen Harper, ils ont tenu parole, quoique la mise en œuvre de cette promesse a pris plus de temps que prévu. Le Nouveau-Brunswick, l’une des plus petites provinces du pays (tant géographiquement que démographiquement), s’est dit prêt à accueillir jusqu’à 1500 réfugiés. Une contribution modeste, mais qui n’est pas négligeable pour une province de moins de 800 000 d’habitants.
Pendant des semaines, la population néo-brunswickoise s’est mobilisée. De nombreux bénévoles ont participé aux campagnes de collecte de dons, la communauté s’est serré les coudes.
En décembre 2015, les premiers réfugiés syriens sont arrivés. Des centaines d’autres ont suivi au cours des semaines suivantes. La très grande majorité d’entre eux se sont établis dans les trois plus grandes villes de la province, soit Moncton, Saint-Jean et Fredericton. C’est dans ces centres que se trouvaient les organismes d’accueil accrédités par le gouvernement fédéral pour gérer l’arrivée de ces centaines de réfugiés.
La plupart des enfants ont été inscrits dans des écoles anglophones. Cela a fait réagir dans la communauté francophone. Certains intervenants ont dénoncé ce qu’ils ont qualifié de manque d’efforts de la part de la société néo-brunswickoise pour expliquer clairement aux réfugiés qu’ils avaient le choix d’inscrire leurs enfants dans une école francophone ou anglophone, peu importe leurs aptitudes langagières.
Pendant ce temps, les mosquées de certaines villes ont connu une hausse de l’achalandage et la demande pour la viande halal a augmenté.
- Des réfugiées syriennes établies aux Nouveau-Brunswick ont participé à un projet d’intégration économique et créé une entreprise culinaire. Ils vendent leurs plats dans des marchés de Moncton et de Dieppe. Ph : Acadie Nouvelle - Simon Delattre)
Un autre changement s’est opéré au Nouveau-Brunswick : on a aussi commencé à voir de plus en plus de voiles dans les rues des centres urbains. Avant que l’on accueille ces nouveaux arrivants syriens, il était plutôt rare de voir des femmes voilées. Il faut dire que la communauté musulmane y est très petite. En 2011, elle comptait 2640 personnes sur une population de 751 151 personnes, selon les données de Statistique Canada. L’écrasante majorité des Néo-Brunswickois est chrétienne ou n’a aucune affiliation religieuse.
L’arrivée de plusieurs femmes portant le voile n’a pas causé de grandes frictions ou de remous. Mentionnons que contrairement au Québec et à la France, le Nouveau-Brunswick n’a pas été la scène de grands débats au sujet du voile, de l’Islam, des accommodements raisonnables, de la laïcité ou d’autres sujets chauds du genre au cours des dernières années.
Autre fait intéressant à noter : cet influx rapide de nouveaux arrivants a mis un frein au déclin démographique. Un frein temporaire, certes, mais qui n’est pas passé inaperçu.
En juin 2016, des données publiées par Statistique Canada ont révélé que l’immigration au cours des trois premiers mois de 2016 au Nouveau-Brunswick avait battu des records. L’immigration a atteint des sommets jamais vus depuis 1971.
Les éternelles tensions linguistiques
Que serait une année au Nouveau-Brunswick sans quelques tensions linguistiques entre les francophones et les anglophones ?
À la fin de 2015, la commissaire aux langues officielles, Katherine d’Entremont, s’est retrouvée au cœur d’une controverse qui a soufflé sur les braises. On a alors appris qu’elle avait été accueillie par un gardien de sécurité unilingue anglophone dans un édifice gouvernemental de la capitale quelques mois plus tôt et qu’elle avait par la suite mené une enquête à ce sujet.
Dans la foulée de ces démarches, l’entreprise responsable d’assurer les services d’accueil et de sécurité dans de nombreux édifices gouvernementaux de la province a muté le gardien en question à un poste moins enviable.
C’est la goutte qui a fait déborder le vase pour certains anglophones, qui ont accusé la commissaire d’Entremont d’outrepasser son mandat et de s’acharner.
Le hic, c’est que des élus provinciaux ne se sont pas portés à sa défense et rappelé au public qu’elle faisait simplement son travail en enquêtant sur une violation évidente de la Loi sur les langues officielles. Tous les partis ont critiqué la commissaire d’Entremont, ce qui n’a pas manqué de froisser des leaders de la communauté acadienne.