- Ph : Arnaud Legrain
Immense espace vert situé dans le 19e arrondissement et symbole du renouveau culturel de Paris, La Villette met à l’honneur la diversité et la richesse de la culture québécoise du 24 novembre au 31 décembre. Présentée à la Grande Halle devant une salle pleine à craquer, la pièce La Face cachée de la lune du metteur en scène Robert Lepage a ouvert, ce week-end, la programmation. Le comédien, Yves Jacques, y interprète avec brio le solo historique et autobiographique de Lepage créé en mars 2000 à Québec et présenté depuis dans le monde entier.
Le public suit l’histoire de deux frères aux antipodes, l’un et l’autre campés par Yves Jacques. À 42 ans, Philippe, un éternel doctorant fauché tente sans succès de défendre sa thèse portant sur le narcissisme comme moteur de la conquête de l’espace. Plus jeune, André, anime les bulletins météos du téléjournal de fin de soirée d’une chaîne de télévision privée, gagne bien sa vie et jouit des plaisirs d’une vie mondaine. Ils n’arrivent pas à se comprendre et sont l’un pour l’autre la face cachée de la lune. Jusqu’au jour où la mort de leur mère les forcera à communiquer de nouveau entre eux et mènera à la réconciliation.
La relation de tension entre Philippe et André est à l’image de la course à la lune entre les Russes et les Américains, rivalité qui a tant fasciné Lepage adolescent. Philippe, l’aîné raté, s’identifie aux cosmonautes russes, qui furent les premiers dans l’espace, mais qui ont été coiffés à la ligne d’arrivée par les Américains, que l’on associe volontiers à André.
Formidable, Yves Jacques passe d’un rôle à un autre avec aisance, nous fait rire aux éclats et nous émeut à la fois. Depuis que Lepage lui a passé le flambeau en 2003, il s’est pleinement approprié le récit tout en laissant transparaître le jeu originel du dramaturge québécois.
La mise en scène, brillante, porte la signature d’Ex Machina, la compagnie de création multimédia de Lepage. Des jeux de lumières et des projections numériques inspirées de documents d’archives audiovisuelles soutiennent en contre-point le jeu d’Yves Jaques. Un décor ingénieux et mobile permet de rapides changements d’atmosphères : de grands miroirs font allusion au narcissisme du personnage principal et renvoient au spectateur son image ; un oculus vitré joue tour à tour le rôle de hublot cosmique, de machine à laver et de bocal de poisson rouge. La musique envoûtante de Laurie Anderson met au diapason le public avec la psyché lunatique de Philippe.
- Les 7 doigts de la main - Ph : Per Mortem Abraham
Yves Jacques se produira sur scène jusqu’au 2 décembre. À surveiller ensuite pendant le mois de décembre : le spectacle Bosch Dreams du collectif de créateurs Les 7 Doigts et Theatre Republique, qui se veut un hommage et un dialogue entre les œuvres inimitables de Bosch, de Dali et de Jim Morrison, ainsi que Transit, le nouveau spectacle des circassiens de Flip Fabrique, étoile montante du cirque québécois. Enfin, au chapitre des expositions, les clichés de François Poche entraîneront le visiteur à la rencontre de la rude nature du Québec et de ses Premières Nations, tandis que les croquis évocateurs de Michel Rabagliati le feront voyager dans un Grand Montréal pittoresque évoluant au rythme de Paul, le « Tintin » québécois.