Le français langue maternelle ou seconde de 181 millions de personnes à travers le monde, est aussi le lien fondateur des 56 pays et territoires qui ont choisi d’adhérer à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). En Asie, la presse et les média s’intéressent à la francophonie lors des évènements tels que les séminaires des parlementaires francophones (1) de la Région Asie-pacifique à Hanoi le 15 décembre et à Pnom Penh le 17 décembre 2010 pour discuter de la gouvernance de l’environnement et du développement durable. Cette occasion est favorable pour s’enquérir de l’impact et des perspectives de la francophonie en Afrique, en Asie et en Europe en particulier au Sénégal, en Russie et au Vietnam, afin de percer sa résurgence et éventuellement ses artifices.
Pourquoi le Sénégal, la Russie et le Vietnam ? Ce sont trois exemples de représentation d’implantation du français langue étrangère, trois variantes mais une seule connivence, le français en partage. En remontant le cours de l’histoire ces trois pays ont eu un important espace francophone.
Au Sénégal, a subsisté entre la France et le Sénégal un ensemble qui n’a pas de nom et n’est susceptible d’aucune qualification juridique, qui n’a ni organisation, ni compétences et donne lieu tout au plus à des réunions informelles. Le ciment de cet ensemble est fait de l’adhésion commune à cette civilisation de l’universel dont Senghor avait inventé le nom et dont il aimait tant parler. Il est fait de sympathie, du sentiment, ou, pour user d’un terme cher aux Africains, de la fraternité créée par le temps vécu ensemble, des souvenirs communs et du sang versé sur les mêmes champs de bataille pour la défense de la Liberté (2). En effet, en matière d’adhésion à la civilisation française, en 2008 autour de la Journée internationale de la Francophonie (3) se sont organisés les manifestations du printemps des poètes, des ateliers de poésie dans les collèges et lycées, le lâcher des ballons poétiques de l’Institut Français Léopold Sédar Senghor, le concours des 10 mots, le Gala de la Francophonie, le Festival International des journaux des lycées à la Maison de la Culture Douta Seck, la Caravane des dix Mots et les championnats d’orthographe. En 2010, le 14 juillet a été l’occasion de fêter ensemble à Paris, le cinquantenaire de l’indépendance des pays africains (4). Mais déjà en 1989 la France, a elle aussi, fait son action de grâces au IIIe Sommet de la Francophonie à Dakar (24-26 mai) en renonçant au remboursement de la dette publique de 35 pays d’Afrique. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé de mettre sur pied un champ de coopération juridique et judiciaire. Ce Sommet de Dakar a été le premier sommet francophone à se dérouler en terre africaine et notamment dans le pays natal de l’ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor, à l’origine de l’idée d’une communauté francophone dans le Sud pour célébrer sa diversité linguistique et culturelle. Pour le chef de l’Etat sénégalais, président du pays-hôte, ce sommet a été celui de la consolidation, de l’élargissement, de la maturité et de l’enracinement en terre africaine. Pour la population sénégalaise ces valeurs sont devenues des artifices de la francophonie. Ainsi par la culture et les finances la France a permis à l’Afrique francophone en général et au Sénégal surtout de remédier aux aléas conjoncturels (5). En 2010 (20-22 décembre) à Dakar la formation sur "l’Afrique de l’Ouest et les négociations commerciales internationales" par l’OIF et l’Agence africaine pour le Commerce et le Développement (2ACD) a été une opportunité de mieux fixer les intérêts communs entre ce continent et le reste du monde (6). En 2011, ce sera aussi à Dakar (du 6 au 11 février) que le Forum Social Mondial servira d’espace pluriel démocratique d’idées, d’affermissement de la réflexion, de communication de propositions, d’échange d’expériences et de cheville de mouvements sociaux, syndicats, organisations paysannes, réseaux, organisations non gouvernementaux et d’autres organisations de la société civile qui contestent le néo-libéralisme et la domination du monde par le capital et par toute forme d’impérialisme (7).
En Russie, au printemps 2010 la francophonie a été cautionnée par la musique, le festival des films français et la participation à Paris aux journées du Mot d’Or de la francophonie organisées par "Actions pour promouvoir le français des affaires" (Apfa)(8) et les autres langues des pays francophones dans le domaine des affaires. A Moscou, le 10 mars 2010 a eu lieu un concert à la Maison Internationale de la musique. Ce concert donné par l’Ensemble de Musique Contemporaine de Moscou, a été dirigé par Fedor Lednev. Puis en avril 2010 le Festival du film francophone et le Festival du Jazz ont validé les actions culturelles françaises. Depuis des temps séculaires la Russie a maintenu des relations culturelles étroites avec la France. Toisée comme la plus belle langue pour exprimer l’amour, la poésie et l’appartenance à une certaine élite intellectuelle, la langue française a cependant capitulé devant l’anglais devenu une langue de communications internationales. Si la situation du français en Russie diverge aujourd’hui de celle qui était la sienne il y a une vingtaine d’années, le français a toujours eu une empreinte d’élégance qui lui a donné une certaine valeur(9). En matière de communication de la presse écrite citons en particulier la revue La langue française, un bimensuel avec des informations, des témoignages et des activités pédagogiques pour les élèves et étudiants, le journal francophone Salut, ça va ? de l’Université pédagogique d’état de Blagovechtchensk et le journal d’apprentissage Francit qui ont aidé à l’apprentissage de la langue française à travers la lecture et la découverte de vocabulaire. De plus en mars 2009 à Paris lors du palmarès des Mots d’Or des apprenants francophones et francisants (10), la grande émotion a été la révélation de ces jeunes talents devenus colporteurs de la civilisation française en recevant la coupe du français des affaires. Les jeunes apprenants des pays comme Autriche, Biélorussie, Égypte, Polynésie française, Nouvelle Calédonie, Gabon, Islande, Madagascar, Maurice, République Tchèque, Roumanie, Russie (Tatarstan), Sénégal, Syrie, Thailande, Vietnam et Zambie sont venus à Paris apporter leurs mots de façon spontanée à l’enrichissement du français en partage. Les lauréats de langue russe ont déclaré que l’étude du français leur apporterait le complément nécessaire aux échanges commerciaux inter frontières.
Au Vietnam, selon le Consulat Général de France à Hochiminhville, depuis son adhésion à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 1970, l’engagement du Vietnam dans la Francophonie s’est traduit par sa participation aux instances internationales qui ont adopté le français comme langue de travail. Mais collectivement, sur une population de 83 millions d’habitants, on estime à 160 000 le nombre des locuteurs francophones réels et 200 000 celui des francophones occasionnels, auxquels il convient d’ajouter les 210 000 apprenants de français (considérés comme francophones partiels), soit 570 000 locuteurs, ce qui correspond à 0,7 % de la population totale. En général, la France et le Vietnam entretiennent fortement des relations dans le cadre de la coopération décentralisée dont un bilan a été réalisé périodiquement à travers des assises soit en France (7es Assises à Montreuil, Hauts de Seine, 22-23 octobre 2007) (11) et au Vietnam (Haiphong, 5-6 novembre 2010). Récemment à Hanoi (15 décembre 2010) et à Phnom Penh (17 décembre 2010) des parlementaires et fonctionnaires ont traité respectivement les questions de gouvernance de l’environnement, de développement durable et de changements climatiques. Assurément à Hanoi, une quarantaine de parlementaires et fonctionnaires des ministères en charge des questions d’environnement et de développement durable ont examiné les questions du financement du développement, de la planification et de la prise de décision, les accords multilatéraux sur l’environnement, l’intégration et les opportunités des conventions sur l’environnement ainsi que le rôle des parlements nationaux face à la gouvernance de l’environnement, tandis qu’à Phnom Penh plus de quatre vingt de leurs collègues ont abordé les questions de l’environnement, d’intégration et d’articulations locales de la convention sur les changements climatiques et les impacts de la déforestation et la désertification en Asie-Pacifique. La France y apporté sa compétence avec les réalisations du Grenelle de l’environnement.
Que ce soit au Sénégal, en Russie ou au Vietnam la résurgence et les artifices de la francophonie ont été les propulseurs du français en partage, dont la pérennité dépendrait de la volonté des peuples de ces trois pays à cheminer ensemble avec la France tout en s’appropriant les avancées importantes de leur pays pour les intégrer à la coopération multilatérale dans le contexte de la mondialisation. Toutefois, la France a laissé une brèche pour la percée de l’anglais dans ces trois pays via les Etats Unis d’Amérique, qui de plus en plus y ont posé leurs griffes. Et la génération contemporaine bercée par les sirènes de l’aventure technique et numérique s’évade vers un havre américain chimérique tandis que le Prix Nobel de la Paix 2010 tarde à indemniser les victimes vietnamiennes de l’Agent Orange/dioxine (produit chimique toxique déversé au Vietnam de 1961 à 1971 par l’aviation américaine) et que le démantèlement des armes nucléaires (12) soit laissé aux ultimatums de la géopolitique.
Il est à remarquer que la francophonie n’est pas pilotée par la France alors que le français est la langue officielle du Sénégal, langue scolaire et universitaire, ciment existentiel entre les groupes de dialectes wolof, bambara, malinké... Certes, par ses expéditions coloniales la France a partagé sa langue avec des pays des 5 parties du monde. Mais cela ne lui confère aucune hégémonie. Chaque pays participe aujourd’hui sur un plan d’égalité à son essor culturel et à sa diffusion et de très grands noms de la littérature appartiennent à d’autres pays en Afrique, au Canada, à Haïti, au Liban, au Maghreb, en Russie au Sénégal et au Vietnam.... L’évaluation de la position d’une langue étrangère dans un pays ne doit pas se fonder seulement sur le rapport du nombre des locuteurs et du nombre d’habitants. Il faut plutôt considérer sa place au sein de la communauté intellectuelle et cultivée. Ainsi pondérée, au Viêt Nam, la place du Français reste significative et mérite un effort soutenu. Tel est le but de nombre d’associations d’amitié franco vietnamienne "favoriser les échanges entre le Viêt Nam et les autres pays de la communauté francophone"(13) !
Aussi, est-il-souhaitable que la communauté de gens, ayant en partage des valeurs civiles en Asie, en Afrique, en Amérique Latine, en Europe et ailleurs… s’investisse dans le domaine du droit et véhicule le Droit est un combat citoyen en s’engageant dans une humanité à long terme pour en faire une réalité et que les citoyens s’attribuent cette arme indispensable dans leur engagement pour la relayer dans leurs organisations, chacune dans le domaine lié au travail, à la santé, à la famille, à l’éducation, à la recherche, au logement, à la paix, à la démocratie effective (14) et à la parité…