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SÉNÉGAL - Des "Regards citoyens" sur la vie associative

SÉNÉGAL - Des "Regards citoyens" sur la vie associative

Élise, Léa, Fadel et Tamba... quatre jeunes universitaires engagés, pour qui les mots association, citoyenneté et coopération ne sont pas de simples concepts. ZigZag leur donne la parole...

26 juillet 2013 - par Association Regards Citoyens  
L’arrivée à Keur Samba Yacine... - © Aimablement prêtée par Regards citoyens
L’arrivée à Keur Samba Yacine...
© Aimablement prêtée par Regards citoyens

Bienvenue à Keur Samba Yacine !

L’association « Regards citoyens » a pour objet la promotion de l’engagement citoyen à l’échelle locale, dans tous les pays du monde, à travers des actions de sensibilisation du public à la nécessité de construire ensemble une citoyenneté active et vivante. Le premier projet de l’association, Enfants d’Éléphant, s’est déroulé cette année au Sénégal, au mois de juin. Quatre membres de Regards citoyens – deux Françaises et deux Sénégalais – se sont rendus dans trois villages pour enquêter sur les associations locales. Comment fonctionnent-elles ? Quels sont leurs projets, leurs objectifs ? Et surtout, quelles sont les motivations des citoyens qui s’y engagent ?

Le village de Keur Samba Yacine se situe dans la région de Thiès, à environ 70 kilomètres au nord de Dakar. Le village compte environ 1000 habitants – en majorité des cultivateurs qui exploitent les champs d’arachides, de manioc ou de manguiers aux alentours du village. La population est en majorité mouride et organise chaque année pour rendre hommage à Serigne Touba le Gamou annuel du village qui rassemble tout le village, les natifs de Keur Samba éparpillés au Sénégal ainsi que leurs parents.

Nous sommes arrivés à Keur Samba la veille du Gamou. Cela nous a permis de nous imprégner de l’ambiance du village et d’identifier les différentes structures associatives présentes avant de commencer notre enquête.
Notre premier interlocuteur a été l’association Diamono, l’association des jeunes du village présidée par Ababacar Sy Diagne, étudiant en droit privé à l’université de Dakar. L’association mène différents projets de développement ou des activités à caractère culturel et sportif. C’est elle qui a initié le Gamou annuel en 2001 avant que celui-ci ne devienne une fête du village tout entier. La deuxième structure la plus importante du village est le groupement des femmes Sopeyi Sokhna Mame Diarra. Il regroupe environ 70 femmes du village autour de deux activités principales : la teinture du tissu et le maraîchage.


Le poste de santé de Keur Samba Yacine
Ph : Aimablement prêtée par Regards citoyens

Hormis ces deux associations, le village s’organise autour de plusieurs « comités de gestion ». Il y a d’abord le comité de gestion du poste de santé : le poste de santé est le fleuron de l’engagement citoyen des habitants de Keur Samba Yacine. Sa construction a débuté en 2003 et son ouverture date de 2006. Il a été financé par le conseil régional Midi-Pyrénées (France) et le conseil régional de Thiès (Sénégal) dans le cadre d’une coopération décentralisée négociée par Chérif Diagne, directeur de l’agence régionale du développement de Thiès et natif de Keur Samba Yacine. Sa réalisation a été possible grâce à l’implication de l’association française Palabres Sans Frontières présidée par Samba Gaye et basée à Toulouse : Palabres allie un volet tourisme (l’organisation de séjours solidaires) à un volet développement (le financement de projets de développement par les revenus du tourisme). Palabres a donc initié en parallèle à la construction du poste de santé celle d’un site d’accueil composé de deux cases bien équipées destinées à recevoir des voyageurs solidaires. Chérif Diagne nous a bien précisé que « l’idée du poste de santé est consubstantielle à celle du site d’accueil » : les deux structures sont complémentaires, les transferts de fonds sont fréquents entre le site d’accueil et le poste de santé.


Enquêter, c’est avant tout donner confiance...
Ph : Aimablement prêtée par Regards citoyens

Cette double réalisation poste de santé-site d’accueil constitue le succès le plus visible de l’engagement citoyen à Keur Samba Yacine. Comment expliquer cette réussite ? De nombreux facteurs peuvent être évoqués.
Soulignons d’abord l’implication des populations dans l’initiation et la pérennisation de ces deux structures. Lors de la construction du poste de santé, l’association Diamono a fourni les maçons, et d’autres habitants moins jeunes se sont joints à eux. Le poste de santé comme le site d’accueil sont gérés par des comités représentatifs des habitants du village. Des assemblées générales se tiennent annuellement devant la population pour présenter le rapport de l’année. L’organisation des séjours solidaires au site d’accueil concerne l’ensemble du village. Palabres Sans Frontières travaille avec les jeunes de Diamono pour l’accueil des voyageurs. Le groupement des femmes est également sollicité : ce sont grâce aux commandes des touristes solidaires que les femmes font vivre leur activité de teinture. Ce sont elles également qui préparent les repas du soir. Enfin, toute famille de Keur Samba Yacine est susceptible, si elle le souhaite, de devenir « famille d’accueil » d’un voyageur qui passera le plus clair de son temps chez elle.
Il faut ensuite évoquer le lien fructueux qui s’est cristallisé autour de ce double projet entre les programmes publics de développement et la population locale. Ici, il est difficile de ne pas parler de Chérif Diagne qui a joué le rôle de médiateur entre l’État sénégalais, les associations internationales et les habitants de Keur Samba. Il a impulsé tous les projets de développement menés à Keur Samba Yacine depuis les années 1980 en s’appuyant sur les groupements associatifs villageois – principalement celui des femmes, qu’il a contribué à fonder – et en sollicitant les programmes d’aide publique au développement. Chérif Diagne dit avoir mené ces projets « en tant qu’ancien de Keur Samba » et non en tant que directeur de l’agence régionale de développement de Thiès, même s’il précise immédiatement que sa situation professionnelle a permis d’accélérer les choses. C’est lui qui menait la coopération décentralisée entre Thiès et Midi-Pyrénées dont est né le poste de santé.

Le leader tient donc un rôle central dans le succès des projets de développement : il met à disposition des populations locales ses compétences en négociation et gestion de projet, il assure le suivi du projet, il encourage les populations locales à persévérer.
Enfin, il fallait compter sur la motivation de ceux qui s’engagent bénévolement pour la réalisation et la gestion de telles structures. Tous sont animés par le sentiment d’appartenir à une communauté qui les a construits et les fait vivre, par la volonté de rendre ce qu’elle leur a donné. Ce sentiment a été exprimé par tous les acteurs associatifs de Keur Samba Yacine. Il est la condition nécessaire à l’émergence d’un engagement citoyen.


Il faut prendre jeune l’habitude de donner son avis !
Ph : Aimablement prêtée par Regards citoyens

Mais le groupement des femmes et l’association Diamono mènent également leurs activités propres, indépendantes du centre d’accueil et du poste de santé, même si les réalisations présentent plus de limites.
Le groupement des femmes a ouvert un atelier de couture et de teinture dans l’une des cases du site d’accueil. La production reste aujourd’hui très dépendante des commandes des voyageurs solidaires. Depuis 2001, le groupement des femmes exploite une parcelle de maraîchage dont la vente des productions alimente le compte d’épargne de l’association. Cette épargne ne suffit cependant pas à assurer l’essor des projets de l’association, notamment parce que la contribution des femmes est parfois nécessaire au fonctionnement du poste de santé qui reste la structure prioritaire du village. Si l’État sénégalais reprenait à son compte cette structure déjà solide, les associations du village seraient libérées de ce poste de dépenses.
Il est arrivé que l’association Diamono contribue également à la caisse du poste de santé, mais l’association a depuis revendiqué l’autonomie de ses fonds pour pouvoir mener ses activités propres. Celles-ci sont d’abord à caractère culturel et sportif : Diamono organise chaque année les navétanes qui constituent un poste important de dépenses – ce qui n’a pas manqué de faire l’objet d’un débat interne dans l’association. En outre, Diamono organisait jusqu’en 2009 des « week-ends culturels », constitués de différentes manifestations destinées à animer la vie sociale villageoise. Par ailleurs, Diamono a également des projets de développement : le principal consistant à revoir la gestion des déchets à Keur Samba Yacine, à travers l’installation de poubelles et la mise en place d’un système de tri.
Diamono est confrontée à plusieurs difficultés qui freinent la bonne marche des projets. Le manque de moyens financiers en est une première : Diamono compte exclusivement sur les cotisations de ses membres, les dons et les rétributions des travaux aux champs qu’elle organise. Une meilleure insertion dans le monde des programmes de développement l’aiderait peut-être à réunir des fonds. Le manque de temps ensuite : les membres de Diamono sont en grande majorité des étudiants et des élèves qui ne résident pas au village à l’année. L’association est donc gérée à distance et les activités se concentrent durant l’hivernage. Une implication plus grande des plus jeunes et des filles permettrait à court terme de réunir des forces sur place, même si cette difficulté est vouée à s’affirmer à mesure que la scolarisation progresse. Diamono a réussi à fédérer la population villageoise autour de ses évènements culturels – le Gamou annuel, les week-ends culturels, les navétanes. Ses projets de développement auraient besoin de ce même souffle pour gagner en efficacité : le défi pour le programme « Keur Samba Propre » sera de susciter l’adhésion des habitants afin qu’ils s’approprient le projet.

Keur Samba Yacine peut être pris comme le village-type, dans lequel la plupart des villages sénégalais peuvent se reconnaître et tirer des enseignements. Il prouve qu’il n’y a pas besoin de miracle pour faire naître l’engagement citoyen : une équipe motivée et organisée pour porter des projets, l’adhésion de la population pour les pérenniser ! Nous suivrons avec intérêt les évolutions de Keur Samba Yacine !
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Cogitation, dialogue et quête d’électricité !
Ph : Aimablement prêtée par Regards citoyens

Pour en savoir plus sur le projet Enfants d’Eléphant, notre enquête et Keur Samba Yacine, nous vous invitons à visiter notre blog : www.regardscitoyens.wordpress.com

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