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SÉNÉGAL - Des "Regards citoyens" sur la vie associative

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Ndem, un havre de paix au milieu du désert

RETROUVEZ Élise, Léa, Fadel et Tamba... quatre jeunes universitaires engagés, pour qui les mots association, citoyenneté et coopération ne sont pas de simples concepts.

20 novembre 2013 - par Association Regards Citoyens  
Ndem... aride ! - © Regards citoyens
Ndem... aride !
© Regards citoyens

Créée en 1985 par Serigne Babacar et son épouse, l’ONG de Ndem a permis un développement considérable du village de Ndem. La force de Ndem est certainement la motivation de ses habitants.

Le village de Ndem se situe à centaine de kilomètres au Nord-Est de Dakar. On y accède depuis Bambey, en empruntant une piste qui serpente entre les baobabs. Le climat pré-sahélien aride de cette région laisse peu de possibilités pour le développement des activités villageoises. Un village pauvre, enclavé, dont la population ne cesse de décroître… c’est à une telle situation que se trouve confronté Serigne Babacar Mbow lorsqu’il revient en 1985 dans le village de ses ancêtres. Depuis lors, il n’a cessé de travailler au développement de Ndem.

Le développement de Ndem, l’œuvre d’un homme qui a su rassembler les villageois autour de lui.

Originaire de Ndem par son arrière-grand-père, Sérigne Babacar Mbow a grandi à Dakar. Dans les années 1970, il s’engage dans le mouvement marxiste, ce qui lui vaut plusieurs arrestations. Alors qu’il poursuit ses études en France, il rencontre à Paris une jeune femme engagée à cette époque dans le mouvement rasta, qui deviendra son épouse et prendra le nom de Sokhna Aissa Cissé. Ainsi commence un long cheminement qui les mena tous deux sur les traces des ancêtres de Sérigne Babacar, à Ndem.

Sokhna Aissa Cissé
Ph : Regards citoyens

Serigne Babacar et Sokhna Aissa insistent sur la pauvreté du village dans lequel ils s’installent en 1985. Ils ne trouvent que des enfants, des femmes et des vieillards. Les hommes ont tous quitté cette terre désertique pour gagner leur vie ailleurs, loin de chez eux. Les conditions de vie sont particulièrement dures : les puits sont profonds, les femmes n’ont pas même de moulin pour moudre le mil… Le couple décide de s’engager pour l’amélioration des conditions de vie des populations locales. L’association des villageois de Ndem est ainsi fondée, elle devient ensuite ONG en 2007.

Au fil des années, cette association a cherché à répondre aux besoins des populations. À commencer par les nécessités premières : l’accès à l’eau, l’éducation et la santé. Au fur et à mesure, les projets se sont consolidés et diversifiés. Une fois l’approvisionnement en eau assuré, les habitants de Ndem ont pu par exemple lancer un projet de maraîchage biologique, en expansion actuellement. L’objectif est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, puis éventuellement de lancer un projet de vente de légumes de contre-saison. Les projets innovants ne manquent pas à Ndem : en témoigne l’idée de production d’un combustible écologique. Depuis environ trois ans, les habitants de Ndem élaborent leur propre combustible — le Bioterre — à partir d’argile et de coques d’arachide.


Le Bioterre
Ph : Regards citoyens

L’objectif principal de l’ONG Ndem : mettre un terme à l’exode rural.

Les projets menés par l’ONG Ndem ont pour objectif de permettre aux populations de rester au village, de freiner l’exode rural vers Dakar. D’où la tentative de créer des emplois à Ndem. L’instauration d’un centre artisanal en est le plus beau témoignage. Tisserands, tailleurs, teinturiers… de nombreux artisans travaillent pour réaliser des produits sont ensuite vendus en Europe dans les boutiques d’Artisans du monde, et depuis peu dans un espace de vente nouvellement créé à Dakar (Mame Samba). Le centre réunissait presque 200 personnes à ses heures les plus glorieuses, mais connaît quelques difficultés depuis le début de la crise économique mondiale.

Un village en contact avec le monde - Le petit village de Ndem est tout sauf isolé. C’est un lieu de rencontre et d’échanges qui accueille de nombreux visiteurs. Le village est inséré dans les réseaux mondiaux. Les partenaires européens de l’ONG sont nombreux : en France, en Autriche, en Belgique, en Italie... Ndem a donc réussi à s’inscrire dans la modernité, par le choix de ses partenaires, mais aussi par la diversification des projets de l’ONG Ndem. L’exemple le plus criant est sans doute le choix de débuter la culture de l’aloès, dont la consommation connaît un essor considérable en Europe.

Quelle motivation anime les fondateurs de l’ONG et ses membres les plus actifs ?

Ndem n’est pas un village comme les autres. Sa spécificité vient de l’omniprésence de la religion au village. La région est marquée par la forte présence du mouridisme, un courant de l’islam né au Sénégal. Les croyants mourides se rassemblent autour de différents guides religieux, ou cheikh, dont ils suivent les préconisations. Ainsi, Serigne Babacar Mbow, fondateur de l’ONG Ndem, tire son autorité et sa respectabilité de son statut de cheikh. Il est en effet le guide spirituel de nombreux habitants de Ndem.
À son arrivée à Ndem, Sérigne Babacar Mbow a fondé un daara, une école coranique. Autour de ce lieu d’éducation s’est créée une communauté religieuse. La vie quotidienne des membres du daara de Ndem est organisée autour des n’diguel (les préconisations) de leur cheikh, Sérigne Babacar Mbow. La religion rythme la vie des habitants de Ndem. Des chants religieux résonnent dans le village tout au long de la journée, et notamment lors des repas.

Les projets de l’ONG sont surtout initiés et portés par les membres du daraa. La motivation des villageois s’explique par la doctrine religieuse à laquelle ils adhèrent. Sérigne Babacar Mbow a choisi la voie baye-fall, une branche du mouridisme. Le baye-fallisme remet au premier plan la valeur travail. Travailler au développement du village est pour les baye-fall une façon de s’accomplir spirituellement. Leur engagement citoyen au sein du village est donc indissociablement un engagement spirituel.


Chants des Baye fall
Ph : Regards citoyens

Vous avez dit baye-fallisme ?

La voie baye-fall a été fondée par Cheikh Ibrahima Fall au XIXe siècle. Il devient disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme. Il se met au service de son cheikh en s’assurant de la satisfaction de tous ses besoins matériels, permettant ainsi au Cheikh Ahmadou Bamba de se concentrer sur la réflexion spirituelle. Cheikh Ibrahima Fall met ainsi le travail manuel, la mendicité et le dévouement au cœur de son épanouissement spirituel. Les disciples de Cheikh Ibrahima Fall, les Baye-fall, se distinguent des autres mourides par des pratiques particulières : ils ne sont pas astreints aux cinq prières quotidiennes, ni au jeûne annuel, ces marques de dévouement devant passer en permanence par le travail.

Moussa Diack
Ph : Regards citoyens

Un modèle reproductible ailleurs ?

Le modèle de Ndem est-il reproductible ailleurs au Sénégal ? Peut-il servir d’exemples à d’autres villages sénégalais aspirant à un même développement ? La question mérite d’être posée, mais peut difficilement être tranchée. Selon Moussa Diack, un membre du daara, «  il faudrait beaucoup de Sérigne Babacar  ». Sans doute les spécificités de la voie baye-fall ont une grande part dans la réussite des projets de l’ONG Ndem. D’autres socles peuvent cependant être trouvés pour fédérer une population villageoise et susciter un engagement collectif.

RAPPEL : L’association Regards citoyens a pour objet la promotion de l’engagement citoyen à l’échelle locale, dans tous les pays du monde, à travers des actions de sensibilisation du public à la nécessité de construire ensemble une citoyenneté active et vivante.
Le premier projet de l’association, Enfants d’Éléphant, s’est déroulé au Sénégal, au mois de juin 2013. Quatre membres de Regards citoyens – deux Françaises et deux Sénégalais – se sont rendus dans trois villages pour enquêter sur les associations locales. Comment fonctionnent-elles ? Quels sont leurs projets, leurs objectifs ? Et surtout, quelles sont les motivations des citoyens qui s’y engagent ?

Pour en savoir plus sur le projet Enfants d’Éléphant, notre enquête et Ndem nous vous invitons à visiter le blog : www.regardscitoyens.wordpress.com

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