Le village de Kabadio a connu un développement impressionnant de son paysage associatif. Certaines associations sont anciennes, d’autres sont nouvelles, toutes visent à l’amélioration des conditions de vie au village.
Un village loin du monde…
Pour vous rendre à Kabadio, il ne vous faudra pas moins de deux jours de voyage. Que ce soit par la mer, ou par la route, le voyageur venu de Dakar devra parcourir plusieurs centaines de kilomètres vers le sud et traverser la Gambie, avant d’atteindre la Casamance, cette région située à l’extrême sud du pays. Le village de Kabadio est entouré par la végétation dense et luxuriante caractéristique de la Casamance. En juin, les habitants majoritairement agriculteurs attendent que les premières pluies inondent les rizières. Nous avons longuement discuté avec eux afin de comprendre le fonctionnement de la vie villageoise.
Des associations nombreuses et anciennes dynamisent la vie villageoise
- Khadi Diabang - association Sam Sam
- Ph : Enfants d’Eléphant
Le champ associatif villageois est riche et bien structuré. Kabadio rassemble près d’une dizaine d’associations, certaines particulièrement anciennes et importantes. C’est par exemple le cas de l’AJUK - l’association de la jeunesse. Elle regroupe quasiment tout le village autour d’une activité principale : l’organisation de travaux collectifs dans les champs. Les villageois d’une même tranche d’âge consacrent une journée de leur semaine à l’association, au cours de laquelle ils travaillent dans la propriété d’un autre habitant du village afin de récolter des fonds servant au fonctionnement de l’association. L’avantage pour le propriétaire du terrain est de taille : les jeunes peuvent finir en une journée seulement la culture d’un champ. L’argent récolté par l’association sert ensuite surtout à l’organisation de fêtes ou de tournois sportifs (notamment les navetanes, un tournoi régional de football), mais aussi à des projets de plus grande envergure (achat d’une pirogue motorisée, construction d’un foyer socioculturel…).
- Association Bon Esprit, action !
- Ph : Enfants d’Eléphant
Autre regroupement ancien à Kabadio : les Sam-Sam, une association qui vise à redonner la fertilité aux femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfants en leur administrant des remèdes ancestraux. Parmi les associations plus récemment créées figurent entre autres les Set-Setal, un groupement de femmes qui nettoient le village, Bon Esprit, une troupe de théâtre villageoise ou encore l’Association des Femmes Unies, une association de femmes qui font du crochet. On note également la présence de quelques regroupements à caractère ethnique, à l’image de l’association Al Pulaar qui promeut le développement de la culture peule.
- Les femmes de Set Setal
- Ph : Enfants d’Eléphant
La récente évolution du fonctionnement associatif : une implication croissante des populations et des projets sans cesse plus nombreux. Depuis environ une dizaine d’années, la structure associative du village évolue. Les associations se sont multipliées, leurs projets se sont diversifiés. Prenons l’exemple des Sam-Sam qui ont lancé à partir de 1999 un projet de fabrication de savons, destinés à être vendus en Europe. Cela vient compléter leur activité traditionnelle et leur permet d’accroître leurs possibilités d’action en leur apportant un petit revenu.
L’évolution concerne également le fonctionnement même des associations ainsi que leur place dans le village. Au sein de l’association des jeunes notamment, les décisions sont désormais prises après concertation de l’ensemble des membres, ce qui était peu le cas il y a encore une vingtaine d’années. Les membres de l’association que nous avons interrogés sont tous d’accord pour louer la personnalité du nouveau président, Tidiane Diagne, qui a contribué à cette prise en compte de l’avis de chacun lors de toute prise de décision. Par ailleurs, si les notables du village étaient auparavant responsables des décisions importantes concernant Kabadio, ce rôle est désormais dévolu à l’association des jeunes. Les grands projets qui engagent l’avenir de Kabadio sont menés par la jeunesse. « Sans l’AJUK, le village serait inexistant. La force vive du village est sa jeunesse », nous explique Ousmane Touré, membre du bureau de l’association.
Pourquoi une telle évolution ?
L’évolution est donc manifeste. Mais comment l’expliquer ? Plusieurs facteurs doivent être pris en compte. D’abord, l’arrivée d’une association française à Kabadio (l’IEFR, Il Etait une Fois une Rencontre), qui a permis de dynamiser une structure associative déjà solide, en donnant aux groupements associatifs davantage de moyens et donc en leur ouvrant des perspectives d’avenir. L’éducation des jeunes également : ces derniers, de retour au village, ont envie de changer les choses. Ainsi les jeunes ont désormais une section à Dakar, composée des étudiants de Kabadio à l’université Cheikh Anta Diop. Ils initient des projets innovants pour leur village. Enfin, l’évolution du monde dans son ensemble, la dynamique de la mondialisation qui touche le village et qui ouvre de nouvelles voies. Ainsi en est-il de la vente de savon pour les Sam-Sam.
Plus impliqués dans la prise de décision de leurs associations respectives, et incités par l’association française IEFR à monter des projets, les habitants de Kabadio s’engagent pour le développement de leur village d’une façon nouvelle. À un engagement obligatoire et traditionnel s’est substitué un engagement plus volontaire et qui prend des formes plus diversifiées. Cela doit permettre à Kabadio de continuer à se développer d’une façon harmonieuse et solide.