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Un scribe français en Égypte

Un scribe français en Égypte

Jean François Champollion (1790 - 1832)

Doté d’un don des langues et d’une énergie exceptionnels, ce modeste fils de commerçants du sud ouest de la France incarne la naissance de l’Égyptologie. Son enfance studieuse, son méticuleux déchiffrage de la Pierre de Rosette et sa découverte de la mythique vallée du Nil font de lui un des symboles du siècle des Lumières.

24 octobre 2009 - par Arnaud Galy 
Dans le temple de Louxsor

Jean François Champollion est né le 23 décembre 1790. Son père, petit bourgeois de Figeac*, tenait une librairie. Il ne faut pas chercher la passion des livres et de la culture du jeune Jean François dans l’activité familiale. Jacques Champollion, son père, est plus actif dans la propagation des idées révolutionnaires que dans l’éducation de ses enfants. Son frère aîné Jacques-Joseph pallie à cette lacune et devient le protecteur de Jean François. En 1797, Jacques Joseph, malgré son départ pour Grenoble, prend en main l’avenir de son cadet qui fait preuve de facultés intellectuelles étonnantes. A six ans il apprend seul la lecture en déchiffrant dans un missel des passages appris par cœur. Il développe aussi un goût prononcé pour le dessin et s’avère un observateur attentif. Comme tout génie en herbe sa vie au collège s’avère catastrophique. La maturité de ses huit ans l’oppose à ses instituteurs qui ne voient en lui qu’un cancre et un révolté. Son frère, inquiet de voir son génial cadet perdre son temps, le confie à l’abbé Calmels. Jacques Joseph fut lui même l’élève particulier du prêtre une dizaine d’année auparavant. Ce précepteur érudit adapte un programme d’étude qui multiplie les centres d’intérêt du jeune garçon. Botanique, géologie, astronomie, latin, grec et hébreu sont les matières dispensées par l’abbé Calmels. Mais très vite, en 1801, le brave moine bénédictin est lui aussi dépassé par la soif d’apprendre de Jean François. Il constate que le jeune garçon manque d’assiduité et pense qu’une plus grande discipline lui est indispensable. Jean Joseph décide de le faire venir à Grenoble où il pense pouvoir satisfaire son cadet. En mars de cette année, Jean François, âgé de 10 ans, prend seul la diligence et traverse la France à la conquête du savoir.

Salle des colonnes du temple de Karnak

Ses premières années grenobloises ressemblent à un sacerdoce culturel. Il côtoie plusieurs écoles simultanément de façon à multiplier les spécialités. Il entre en 1801 à l’institution réputée de l’abbé Dussert qui lui enseigne personnellement l’hébreu. Dans le même temps il suit des cours à l’école centrale de la circonscription où il approfondit ses connaissances en dessin et en botanique. Durant l’hiver 1803 il éblouit l’abbé Dussert en s’avérant capable de lire l’Ancien Testament en Hébreu afin d’étudier les fondements des datations bibliques ! L’année suivante, grâce aux relations de son frère, Jean François s’initie à l’Arabe, le Syriaque et l’Araméen. Il a pour livre de chevet une grammaire chinoise, une autre arabe, un Coran et même une grammaire éthiopienne. Il parvient même à se procurer une copie de la Pierre de Rosette qu’il commence à étudier avec obstination. En 1805, à la suite d’une rencontre avec dom Raphaël de Monarchis, un moine copte ayant voyagé en Égypte, il décide d’apprendre le copte. Durant sa dernière année de lycée, en 1807, il rédige une carte et un dictionnaire géographique de l’Orient. La fin de sa scolarité est marquée par une présentation devant la Société des sciences et arts de Grenoble de son "Essai de description géographique de l’Égypte". Sa prestation impressionne l’assistance et lui ouvre les portes de la docte Société quelques mois plus tard. Il n’a que 17 ans et commence à avoir de sérieuse intuitions concernant le déchiffrage des hiéroglyphes.

Sans mal, il occupe différents postes de professeurs. De Figeac à Paris, il passe tout son temps à approfondir ses connaissances des langues orientales qui, il en est convaincu, le conduiront à son Graal... le déchiffrage des hiéroglyphes. A distance, il lutte contre l’anglais Thomas Young ou le Suédois Akerblad. Eux aussi travaillent sur la Pierre de Rosette mais c’est Jean François Champollion qui le premier comprend que l’écriture des hiéroglyphes est à la fois phonétique et idéographique. Sa maitrise du sujet le mène, en 1826, au poste de conservateur du musée égyptien du Louvre.
Par l’intermédiaire de son aîné, Jean François rencontre Joseph Fourier, le préfet de l’Isère. Ce brillant physicien, ancien secrétaire de l’Institut Égyptien du Caire, ayant participé a de nombreuses expéditions savantes en Haute Égypte, contribue grandement à l’intérêt porté par les deux frères Champollion à l’Égyptologie. Après plusieurs mois de rencontres et de discussions le cadet des frères proclame sa volonté de percer les secrets de la vallée du Nil : « Je veux faire de cette antique nation une étude approfondie et continuelle. L’enthousiasme ou la description de leurs monuments énormes m’a porté, l’admiration dont m’ont rempli leur puissance et leurs connaissances vont s’accroître par les nouvelles notions que j’acquerrai.

Pyramide à degrès à Saqqara

De tous les peuples que j’aime le mieux, je vous avouerai qu’aucun ne balance les Égyptiens dans mon cœur. » Jean François Champollion continue ses tentatives de déchiffrage des hiéroglyphes et se bat pour monter une expédition en Égypte... Son expédition. Le rêve de sa vie voit le jour en 1828. Il s’allie à des savants toscans, en vue de constituer une commission littéraire chargée de témoigner de la richesse de la Haute Égypte. « Je suis arrivé le 18 août dans cette terre d’Égypte, après laquelle je soupirais depuis si longtemps. Jusqu’ici, elle m’a traité en mère tendre, j’y conserverai selon toute apparence, la bonne santé que j’y apporte. J’ai pu boire de l’eau fraîche à discrétion, et cette eau là, c’est l’eau du Nil. » C’est par ces quelques lignes, envoyées à son frère aîné, que Jean François Champollion traduit son émotion et sa fierté d’accéder, enfin, à sa "Terre Promise". De l’avis de son ami et confrère Ippolito Rosellini, Champollion semble chez lui en Orient, comme quelqu’un qui retourne dans son pays natal.

Adoration des trois divinités

En novembre 1828, l’expédition découvre Karnak : "Là m’apparut toute la magnificence pharaonique, tout ce que les hommes ont imaginé et exécuté de grand... Nous ne sommes en Europe que des Lilliputiens !" Le rêve d’adolescent de Jean François se réalise, la réalité le transcende. L’admiration qu’il s’était forgée, seul au travers des livres, est décuplée. Derrière lui, les dessinateurs, les botanistes ou les géologues tentent de le suivre et se laissent porter par celui qu’ils appellent "le Général". Louqsor, Thèbes, Abou Simbel sont passés à la loupe scientifique. Nestor L’Hôte, l’aquarelliste, copie les bas reliefs des temples. Antoine Bibent, l’architecte aidé par les dessinateurs toscans, dresse les plans des temples et des palais. Giuseppe Raddi, le naturaliste florentin, multiplie les croquis et les notes illustrant la nature environnante. Le climat impose pourtant aux hommes des conditions d’étude des plus difficiles. La chaleur et l’air vicié qui règnent au fond des temples sont des calvaires permanents. "Je crus me présenter à la bouche d’un four (...) dans une atmosphère chauffée à 52°C. Nous parcourûmes cette étonnante excavation, Rosellini, Ricci, moi et un de nos Arabes, chacun tenait une bougie à la main...", écrit Champollion à son frère lors de la visite de Thèbes.

Ibsamboul - grand Spéos

A chaque étape, le savant français cherche la confirmation de son déchiffrage des hiéroglyphes. Le 1er janvier 1829, il ose enfin, affirmer sa victoire. Il écrit à son maître, Joseph Dacier : "Je suis fier maintenant que, ayant suivi le cours du Nil depuis son embouchure jusqu’à la seconde cataracte, j’ai le droit de vous annoncer qu’il n’y a rien à modifier dans notre Lettre sur l’Alphabet des hiéroglyphes. Notre alphabet est bon.

Pyramide à degrès à Saqqara

Il s’applique avec un égal succès, aux monuments égyptiens du temps des Romains et des Lagides, et aux inscriptions de tous les temples, palais et tombeaux des époques pharaoniques." Victoire et sentiment de fierté que Jean François Champollion et ses confrères fêteront fréquemment en compagnie des populations locales, des moudirs (préfets) ou des mamours (sous-préfets). Les Égyptiens sont séduits par cette armée pacifique d’occidentaux qui étudient et respectent l’histoire de leur pays.

Sur la corniche à Louxsor

L’œuvre inachevée

A son retour à Toulon, Jean François Champollion rédige une série de notes et de lettres, témoignage de son aventure. Ainsi il écrit à son camarade d’étude, Léon Jean Joseph Dubois : "Chaque monument est devenu l’objet d’une étude spéciale ; j’ai fait dessiner tous les bas reliefs et copier toutes les inscriptions qui pouvaient fournir des lumières sur l’état primitif d’une nation dont le vieux nom se mêle aux plus anciennes traditions écrites (...) j’ai ainsi amassé du travail pour une vie entière." Une attente et un désir que sa santé précaire dès son retour en France ne lui laisseront pas le temps de réaliser.

Dans le temple de Louxsor

En effet, Jean François Champollion n’a plus que deux années à vivre. Le temps pour lui de mettre en forme la collection d’objets égyptiens au musée du Louvre à Paris et de commencer la rédaction d’une "Grammaire Égyptienne" ainsi qu’une série d’études relatant l’expédition de 1828. Il meurt d’une attaque cardiaque le 4 mars 1832 à 41 ans. Son fidèle frère poursuivra l’œuvre inachevée en éditant les années suivantes la Grammaire, le Dictionnaire, les Monuments et le début des Notices Descriptives. L’ensemble des éditions est achevé par Emmanuel de Rougé et Gaston Maspero, deux membres du Collège de France, à la mort de Jacques Joseph Champollion en 1867.

Photos : Pascale Bouskela

Documents : Bibliothèque municipale de Grenoble

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