Transparence
Biot, ville du verre
Pendant des siècles les mains des artisans biotois ont pétri la terre et les fours ont cuit des kyrielles de poteries et de céramiques. Au cours du 20ème siècle, la terre a peu à peu laissé la place au verre. Pas le verre industriel qui durcit vite et qui n’est bon qu’à servir de vitre aux fenêtres de nos maisons. A Biot on manipule un verre qui, lorsqu’il rougit à 1200 °C, se laisse souffler par une bouche experte puis s’allonge ou se rétrécit sous le geste vif et précis d’un maître. La plus ancienne verrerie, dite Verrerie de Biot, fondée en 1956 s’est spécialisée dans le verre à bulle. Une bulle que les verriers considèrent habituellement comme un défaut mais qui prend là une toute autre nature ! Dans le sillage de cette société récompensée par un label « entreprise du patrimoine vivant », d’autres maîtres-verriers se sont installés dans le village.
Jean Michel Operto est de ceux qui ont choisi d’apporter leurs pierres à l’édifice du verre ! Dans son petit atelier, ce jeune créateur est entouré d’un apprenti et de son cousin qui gère la partie commerciale. Il applique avec passion les oxydes sur le verre en fusion et donne naissance à des lampes, des flacons ou des encriers aux couleurs chaudes parfois relevées par des feuilles d’or. Lui et ses confrères ont transformé Biot en ville du verre. Dans les ruelles, occupées jadis par les Templiers ou Hospitaliers, fleurissent de nombreux ateliers et galeries illuminés par les créations colorées dessinées et soufflées par les meilleurs maîtres-verriers.
Philosophie
Èze, le sentier Nietzsche
« ... Bien des endroits cachés, bien des hauteurs des environs de Nice sont pour moi sanctifiés par d’inoubliables instants... » écrivait Nietzsche dans Ecce Homo. Nul doute que Èze fait partie de ces lieux sanctifiés. C’est un village perché qui domine la Méditerranée et bénéficie du climat et de la lumière si bénéfiques au philosophe à la santé fragile. Dans le même ouvrage autobiographique, il raconte combien l’écriture de Zarathoustra lui fut inspirée par sa fréquentation du lieu : « ... fut composée pendant une montée des plus pénibles au merveilleux village maure Eza, bâti au milieu des rochers. L’agilité des muscles fut toujours la plus grande chez moi lorsque la puissance créatrice était la plus forte ». Car Nietzsche, qui avait ses habitudes dans les pensions niçoises modestes s’obligeait à rejoindre Èze d’une manière athlétique. Il quittait Nice par le train et descendait à la station Èze gare, située le long des plages de la « grande bleue ». Puis il grimpait au village par un sentier caillouteux et écrasé de soleil, tantôt s’ouvrant sur la mer aux couleurs intenses, tantôt fermé par une falaise abrupte plantée d’arbres solitaires. « Ce qui fait le charme de cette bande du littoral qui va d’Allassio à Nice, c’est la licence qui est donnée ici à un certain africanisme de se manifester librement dans les couleurs, dans la végétation, dans la sécheresse absolue de l’air. C’est ce qui fait de ce coin de terre une chose unique en Europe » écrivait-il à sa soeur. C’était entre 1883 et 1888, rien n’a changé, ou si peu !
- Eze, une montée propice à la pensée
Altitude
Saint-Agnès, plus haut village du littoral européen
C’est un village qui refuse de se laisser glisser sur la pente du « tout touristique » et qui refuse tout autant de sombrer dans la désertification. Il cumule deux titres : celui de « plus haut village du littoral européen » et celui de « un des plus beaux villages de France ». Voilà qui lui permettrait d’attirer un bon nombre d’artisans et de spécialistes du business touristique. Ils profiteraient de sa proximité de Menton et de ses 800 mètres d’altitude plongeant sur la mer pour faire des affaires. Mais ici on tient à son art de vivre, à la solidarité entre jeunes et vieux, à sa tranquillité sereine. Les quelques artisans présents font partie intégrante du village et participent à ce que les sociologues appellent « le lien social ». L’animation du village est confiée à des associations locales qui organisent et gèrent à leur échelle le jardin médiéval au pied des ruines du château, le petit musée de la vie rurale d’antan et la salle d’exposition toujours prête à accueillir un peintre. Rien ne tape à l’oeil, rien ne fait de bruit sauf peut-être la maison qui fait face à l’église d’où la musique d’opéra s’échappe, en grésillant, d’une mauvaise radio ! Les chats, connus de tous, suivent le visiteur dans sa découverte des ruelles pavées en miaulant de plaisir. Dans la rue principale étroite et impraticable aux voitures un olivier cache un tas de bûches de noyer et d’acacia qui alimentent la grande cheminée du café – restaurant du village. Un lieu où le conseil municipal se réunit à l’heure du repas, où le facteur vient boire son café pendant sa tournée et où une vieille dame vient chercher son journal. Un petit coin de paradis à découvrir absolument sans le bousculer !
- Saint-Agnès, unique !
Mémoire et technologie
Saint-Agnès et Sospel, forts de la ligne Maginot
On associe souvent les forts de la ligne Maginot au front du Nord et de l’Est de la France. Mais le principe de cette ligne de défense du territoire français s’appliquait aussi aux régions alpines. Notamment aux Alpes-Maritimes qui durent faire face aux armées italiennes à la fin juin 1940. Les forts de Sospel et de Saint-Agnès, ouverts au public et aménagés pour une meilleure compréhension, sont de parfaits exemples. Comme tous leurs semblables alpins, ces forts ne tombèrent jamais aux mains des assaillants et ne se rendirent que lorsque le maréchal Pétain en donna l’ordre. Pourquoi une telle invincibilité ? Sans doute car ils bénéficièrent des dernières trouvailles technologiques de l’époque, à savoir les années 30.
95% de leur surface est souterraine, encastrée et creusée dans la montagne. L’architecture extérieure est en béton-armé, grise comme la roche, est arrondie pour limiter l’efficacité de l’artillerie ennemie. Comme elle se recouvre de végétation, au fil des années, les historiens qualifient cette architecture d’« esthétique de disparition ». D’impressionnantes portes blindées s’ouvrent sur des centaines de mètres de couloirs et de salles où 300 soldats étaient supposés pouvoir vivre en autarcie pendant 3 mois. La visite vaut pour la découverte de l’ingéniosité qu’il fallut aux concepteurs pour que les hommes puissent manger, dormir, boire de l’eau potable, respirer de l’air pur même en cas d’attaque au gaz, communiquer d’un bout à l’autre des couloirs et des étages et naturellement viser juste ! Au-delà de l’admiration ou de l’étonnement suscités par les prouesses techniques des ingénieurs, on aura une pensée pour ces soldats soumis à des stress aussi divers que ceux liés au combat, au confinement et aux bruits de la machinerie et de l’artillerie. Terrés sous la montagne ils vivaient comme des sous-mariniers. Une expérience à vivre... le temps d’une visite.
- La Brigue
Spiritualité et religion
La Brigue et Saorge (vallée de la Roya-Bévéra)
La Brigue. De l’extérieur, la chapelle Notre Dame des Fontaines ne paye pas de mine. Quand la porte s’ouvre l’impression du visiteur change radicalement. Il comprend alors pourquoi le lieu est surnommé « la Chapelle Sixtine des Alpes Méridionales ». Devant lui, 220 m² de peintures murales datées de la fin du 15ème siècle couvrent les murs dans un parfait état de conservation. Deux peintres piémontais, Giovanni Baleison pour le choeur et Giovanni Canavesio pour la nef, y ont laissé une oeuvre majeure qui a échappée aux exactions de toutes sortes au fil des siècles. Baleison peignit la vie de la Vierge Marie. Quant à Canavesio il s’attacha à illustrer, pour les pèlerins qui s’aventuraient là, la Passion du Christ et le Jugement Dernier.
- Brigue - Notre Dame des Fontaines
Ce prêtre artiste s’est semble-t-il inspiré de l’évangile apocryphe de Judas. En prenant toutes les précautions d’usage pour ne pas interpréter à la légère, il apparaît aux yeux du connaisseur que Judas y occupe une place presque aussi importante que Jésus et semble ne pas porter le rôle du traître classique que les évangiles canoniques lui font jouer. Judas est représenté comme celui qui permet à Jésus de se débarrasser de son enveloppe charnelle pour accomplir sa mission divine. Malgré une faible lumière évitant la détérioration des peintures, l’oeil du visiteur est conquis par l’émotion et la pédagogie qui s’en dégagent.
- Brigue, Notre Dame des Fontaines
Saorge.
De loin, on se croirait devant un village tibétain dont les maisons accrochées à flanc de colline semblent dévaler la pente. Pourtant la spiritualité se dégageant du lieu n’est pas influencée par le bouddhisme. Depuis 1633, le monastère Notre-Dame-des-Miracles que l’on atteint après avoir traversé tout le village est bel et bien catholique. Les fresques du 18ème siècle qui ornent le cloître représentent la vie de Saint-François-d’Assise. La sobriété imposée par les Franciscains qui fondèrent le monastère convient tout à fait à la nouvelle fonction du lieu. Depuis quelques années, les cellules de moines sont occupées par des écrivains, des traducteurs ou des compositeurs de toutes origines souhaitant se mettre à l’écart du tumulte pour créer.
- Saorge accroché à sa falaise