- Wilfried N’Sondé
- Ph : Pauline Huillery / Actes Sud
Wilfried N’Sonde nous propulse cette fois dans le Berlin des années 90. Et le récit commence par une rencontre le 30 décembre 1989 au pied du mur qui tombe sous les coups de marteau d’une jeunesse enfin libérée.
Stan et Pascal ont quitté leur quotidien banal français pour participer à cet événement. Ce serait peut-être l’occasion de vivre de leur musique.
Maya, jeune allemande de l’Est à la peau sombre et aux cheveux de jais de ses origines cubaines, solaire et libérée les aborde au pied du mur.
Le moment est symbolique et le coup de foudre entre Maya et Stan est immédiat.
» Elle n’avait eu que quelques jours pour réinventer sa vie, passer d’un monde à un autre en enjambant le mur, alors elle revenait sur les ruines pour replonger dans l’ambiance de la révolution pacifique. »
Maya brûle ses ailes aux lumières et aux rythmes de la nouvelle Berlin mais elle garde au fond d’elle une peur ancestrale et elle se retrouve vite écartelée entre la nouvelle profusion des biens et l’apparition d’une individualité excessive de ce nouveau monde capitaliste.
Maya liberté, Maya éblouissante, Maya amazone mais Maya chagrin, Maya révoltée. Maya est à l’image de Berlin.
» Sa peinture, elle voulait qu’elle soit un art de combat, de dénonciation de l’arbitraire, un hommage à la mémoire des souffrances avant l’oubli. » Et de plus en plus, elle perd la mesure avec la montée du néo-nazisme. Chaque assassinat d’étrangers par les skinheads la touche personnellement. » Maya peinait, malmenée entre la couleur de sa peau qui la marginalisait sans qu’elle comprenne bien pourquoi, la pénible adaptation aux dus réalités de la vie dans le capitalisme, et moi qui ne me rendais pas compte de rien et fuyais la confrontation. » C’est sur les lieux d’un assassinat que Stan, Pascal et Clémentine joueront leur meilleure musique, opposant la musique à la violence, déclarant leur plus belle chanson d’amour à Berlin et Maya.
Wilfried N’Sonde m’avait intéressée et émue avec sa vision de la vie dans les cités parisiennes (Fleur de béton), il revient ici avec un thème tout aussi social et humain, axé aussi sur la désillusion de la jeunesse. Son style est d’une grande richesse, alternant des phrases longues sensuelles et rythmées, des phrases réalistes et fortes.
Mon regret est de sentir l’obsession de Stan ( et de l’auteur) à revenir en boucle sur ses échanges passionnés avec une Maya qui s’alanguit puis se révolte à chaque fois. Les thèmes semblent revenir en boucle sans déboucher vraiment sur le drame que l’on sent poindre, sur l’intensité, la profondeur attendues. Il n’en reste pas moins que c’est un roman superbement bien écrit sur des passions extrêmes, celles d’un couple et d’un peuple.
Un auteur que je recommande.
Wilfried N’Sondé est à écouter sur la RTS, dans l’émission "Entre les lignes".