La France et l’Allemagne : moteurs indispensables de l’Europe
Malgré les divergences de vues concernant certains aspects de la politique européenne, par exemple l’attitude à prendre concernant l’afflux de réfugiés, la France et l’Allemagne donnent l’impression de parler souvent d’une voix.
Cette impression se concrétise lorsqu’on regarde de près les deux responsables actuels des relations franco-allemandes, Jean-Marc Ayrault et Annegret Kramp-Karrenbauer. Jean-Marc Ayrault, agrégé d’allemand, ancien Premier ministre et actuel ministre des Affaires étrangères et du Développement international et Annegret Kramp-Karrenbacher, ministre-présidente du Land de La Sarre, sont prédestinés pour mener à bien une politique qui scellerait un approfondissement encore plus prononcé des relations entre nos deux pays. Pendant que sur plan de l’enseignement des langues, la France a revu et corrigé les réformes prévues pour l’enseignement de l’allemand, l’Allemagne n’est pas restée inactive. C’est entre autres le projet de Kramp-Karrenbacher qui devrait faire réagir de nombreuses régions frontalières de par l’Europe. Voici son idée : La Sarre bilingue !
La Sarre bilingue
Vous souvenez-vous de La Sarre, cette région d’Allemagne ballottée entre la France et l’Allemagne, région frontalière par excellence ?
Petit rappel historique : c’est après la Première Guerre mondiale et le Traité de Versailles que les troupes françaises ont occupé cette région tellement importante comme pilier de l’industrie lourde (acier) et comme bassin minier, mais relativement petite de par sa superficie (2750 km2). En 1920 le "Territoire de la Sarre" a été mis sous la tutelle de l’administration française de la Société des Nations (SDN). Mais en 1935 plus de 90 % des Sarrois ont voté pour un retour au bercail, c’est-à-dire pour un retour au Deutsches Reich (l’Empire allemand).
- L’universtité de Saarland communique en français (Ph : Facebook Universitat des Saarlandes)
Après la capitulation allemande en 1945, La Sarre a de nouveau été occupée par la France. Par la suite elle est devenue un protectorat avec sa propre citoyenneté et sa propre constitution. Après le référendum en 1955 a commencé la réintégration de La Sarre dans la République fédérale d’Allemagne. Ce processus s’est terminé en 1959 avec l’introduction du Deutsche Mark.
L’administration française a laissé des traces en Sarre avec – entre autres – la création de l’Université de la Sarre à Sarrebruck et à Hombourg en 1948 (le siège de Hombourg étant spécialisé en médecine clinique). C’est la seule université allemande qui disposait et qui dispose d’un corps enseignant au moins partiellement binational. Les étudiants allemands et français pouvaient et peuvent encore obtenir leurs diplômes valables dans les deux pays. La Germanistique dispose d’une section française dotée de professeurs français, de même en romanistique où il y a depuis toujours une chaire en littérature française réservée à un professeur français. Mais ce n’est pas tout : le droit s’enseigne également dans les deux langues et les diplômes dispensés sont également valables dans les deux pays.
Quelle bonne base pour développer un projet politique et linguistique ambitieux : faire de La Sarre une région bilingue d’ici 2043. C’est le projet de l’actuelle ministre-président de La Sarre, Annegret Kramp-Karrenbauer (CDU) qui voudrait que La Sarre, tel le Luxembourg devienne plurilingue et joue ainsi un rôle de charnière entre l’Allemagne et la Grande Région, nom donné à ce territoire frontalier appelé SaarLorLux, d’après les territoires qui le compose : La Sarre, la Lorraine et le Luxembourg. Entre autres, es coopérations transfrontalières sont déjà multiples entre les différentes universités et des entreprises des deux côtés. Le projet de Annegret Kramp-Karrenbacher vise encore plus haut. La Sarre devrait se rendre indispensable comme pont vers l’Allemagne et comme porte vers la France. En trois décennies, le français devrait se développer en Sarre comme deuxième langue véhiculaire et comme deuxième langue de l’enseignement. Pour aboutir, il faut la volonté des Sarrois de s’identifier avec ce projet et il faut développer la soi-disant "Frankreich-Kompetenz".
- Liaisons permanentes entre Sarreguemines (Fr) et Sarrebruck (All) (Ph : CASC)
Un projet irréaliste ? Loin de là. La Sarre a toujours été un carrefour. Des dizaines de milliers de Lorrains travaillaient et travaillent en Sarre. Des lignes de tram relient des villes de Sarrebruck et de Sarreguemines. Et ce n’est pas tout. Il faudrait développer ces liens pour que cette région devienne un véritable laboratoire d’une Europe plurilingue.