Eaux sacrées et parcs aquatiques, architectures néo-Renaissance et baroque, points de belvédère, parcs idylliques, air frais, sommets à couper le souffle et à augmenter les niveaux de dopamine, tout cela à moins de 400 km Ouest de Bucarest, près de la frontière avec la Serbie. Il s’agit de la plus ancienne station thermale de Roumanie, empruntant son nom au dieu Hercule, fils de Jupiter dans la mythologie romaine. La célébrité de Băile Herculane remonte à l’époque de la conquête de l’ancienne Dacia par l’empereur romain Trajan qui, attiré par les nombreuses propriétés thérapeutiques de l’eau riche en soufre, calcium, sodium et oligo-éléments, met ici les bases d’une station thermale vers l’année 102. Symbole de la puissance et de l’équilibre entre la force physique et le pouvoir spirituel, le patron des sources thermales deviendra le protecteur de la station de Banat, mentionnée plus tard dans les chroniques sous le nom : « AD AQUAS HERCULIS SACRAS AD MEDIAM ».
Tombée dans l’oubli à travers les âges, la station renaît après l’année 1718, qui marque la fin de la guerre de l’Empire ottoman contre les Habsbourg et la République de Venise. C’est de cette période que datent Le Casino, Le Pont Rouge, ou les Bains Neptun et Diana, endroits touristiques gardant leur charme et stimulant, même aujourd’hui, l’afflux de touristes : en 1852, l’empereur d’Autriche considérait les bains Herculane comme « la plus belle station balnéaire du continent ». Mais la période communiste, avec le désir mégalomane de Nicolae Ceaușescu de faire tabula rasa de tout rapport avec la Maison Impériale des Habsbourg, transforme le célèbre Casino − qui abritait à l’époque une salle de spectacles, un restaurant et un bazar à quatorze voûtes et douze fenêtres − dans une banale cantine. Dès qu’il ne sert plus à cet objectif repréhensible, faute de ressources économiques nécessaires aux réparations massives, il est laissé proie à la corrosion ferrugineuse, pour entrer et demeurer dans un état de décrépitude irréversible. À interroger les résidents de la Roumanie à propos de la station thermale d’Hercule, c’est surtout le mot ruine qui définit, de manière redondante, l’endroit.
Nonobstant l’opinion de masse, la station connaît, récemment, un renouveau, car des investisseurs roumains et étrangers rachètent les anciens hôtels et remanient l’image de Băile Herculane. Avec une population d’à peine 5000 habitants, l’endroit rejaillit à la lumière tel Phénix de ses cendres et cela surtout grâce à son cadre naturel pittoresque, mais aussi en raison de son potentiel d’eaux curatives. Băile Herculane promet donc beaucoup à ses touristes : de nombreux hôtels proposent des plans thérapeutiques pour différentes pathologies, avec une prise en charge complète, bien que, pour les moins présomptueux, le remède se trouve à portée de main : il suffit de traverser l’eau gelée de la vallée de Cerna afin d’atteindre les 50 degrés de l’eau bénie.
La région en soi a un potentiel d’attraction touristique remarquable et les amateurs de randonnées le confirmeront. Les visiteurs sont donc invités à combler leur séjour avec des excursions pédestres proposées par l’administration locale : La Grotte à vapeurs, la source Diana, la Route de l’Impératrice, la Croix Blanche ou le Pont Suspendu, offrant des belvédères à couper le souffle. Située sur un éperon rocheux, à 529m d’altitude, la Croix Blanche (Crucea Albă) est l’une des attractions touristiques les plus célèbres et les plus visitées du parc national Domogled, avec une vue impressionnante sur les montagnes et la vallée de Cerna ou le centre historique de Băile Herculane. Un trajet d’à peine une heure (et demie), prévu avec des bancs pour se reposer, mais aussi pour admirer la faune locale, qu’on peut facilement identifier grâce à des panneaux éducatifs. En haut, à côté de la Croix Blanche, un autre panneau explicatif invite les randonneurs à plonger dans les légendes captivantes de la Roumanie, découvrant ainsi la genèse de la Croix Blanche. On y raconte qu’il était une fois une fille courtisée par deux jeunes hommes. Ne sachant lequel choisir, elle les met à l’épreuve, leur disant que celui qui atteindra en premier les roches calcareuses de la montagne sera l’élu de son cœur. Dès que le premier arrive à l’endroit indiqué, il tire un coup de feu pour signaler sa présence, mais son cheval s’effraie et, le chemin étant étroit, ils tombent tous deux dans le gouffre. En sa mémoire, la jeune femme y a construit la croix blanche qui subsiste encore aujourd’hui et que les visiteurs de la région peuvent admirer, profitant à la fois du panorama qu’elle offre.
Dans le même endroit, un panneau invite le randonneur à s’abattre 5 minutes afin d’arriver au pont suspendu, récemment restauré par Carpatina − marque d’eau minérale naturelle provenant du Parc National Domogled. Gage de reconnaissance en est la sensation de flottement que le Vieux Pont offre, avec des paysages époustouflants.
Un autre point d’attraction touristique de la région, à 40km Sud, est le visage de Decebal sculpté en pierre, impressionnant les touristes qui choisissent de faire une promenade en bateau sur le Danube ou qui traversent tout simplement le viaduc Mraconia. La statue, rappelant l’existence de l’un des plus connus rois des daces après Burebista, est située dans le département de Mehedinţi, au bord des petits chaudrons du Danube. Il s’agit de la plus grande sculpture en pierre d’Europe, financée et promue par l’historien Iosif Constantin Drăgan et dont les travaux ont été réalisés dans la période 1994-2004. Elle a aujourd’hui 55m longueur et 25m largeur, donc de 6m plus courte que la Statue de la Liberté et de 8m plus haute que le Monument du Christ à Rio de Janeiro. Néanmoins, depuis 2008, après la mort du financeur, les travaux sont suspendus à un stade où seulement 60% des objectifs sont accomplis.
Juste devant le bas-relief se trouve Tabula Traiana, une plaque commémorative vieille de près de 2000 ans, que l’on peut observer à son gré si on loue un bateau des nombreux commerçants de la région. On suppose que ce monument a été érigé par l’empereur Trajan pour marquer la marche des troupes romaines vers le royaume de Dacie, leur victoire et le début d’une romanisation profonde de la région. Elle représente, de même que la région toute entière, une page de l’histoire du pays, ouverte aux passionnés du domaine.
Pour ceux qui préfèrent une détente absolue dans la station, savourer la tranquillité guérissante des eaux thermales dans les piscines de Băile Herculane, avec un panorama vers les montagnes Domogled reste la meilleure idée !