POLITIQUE
Depuis 1970, les réformes de l’État en Belgique se sont inscrites dans un cadre fédéral. Mais ce cadre est aujourd’hui dépassé pour la Flandre. La Région flamande entend passer à un autre stade, celui du confédéralisme prôné par les nationalistes de la N-VA et l’extrême droite flamande (Vlaams Belang).
- Bart De Wever
Élections communales
Les élections communales d’octobre ont vu la victoire écrasante de la N-VA et de son leader, Bart De Wever, à Anvers. Le Vlaams Belang est également revenu sur le devant de la scène au nord du pays, surtout en Flandre orientale. Outre la N-VA à Anvers, les sociaux-chrétiens (CD & V) restent toujours le premier parti de Flandre. Le parti socialiste (sp.a) est par ailleurs le grand perdant de ces élections. Il s’écroule littéralement, même s’il reste le premier parti dans quelques villes historiques.
Dans la plupart des 6 communes à facilités de la périphérie bruxelloise (Drogenbos, Linkebeek, Crainhem, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel et Wezembeek-Oppem) on a assisté à un nouveau phénomène : un morcellement de l’union des francophones. Jusqu’à présent, en général, les partis francophones se présentaient unis sur une même liste ce qui leur permettait d’obtenir souvent de larges majorités. Cette fois, pourtant, ça n’a pas été le cas partout, à Linkebeek et Crainhem particulièrement, on a assisté à une division des partis francophones ce qui a eu pour conséquence de totalement rebattre les cartes.
Une question se pose dès lors : quel impact aura le morcellement des partis francophones sur les questions communautaires ? Une question d’autant plus pertinente que les nationalistes flamands ne veulent toujours pas entendre parler de minorité francophone en Flandre, ni de discriminations linguistiques.
Ainsi, le ministre Ben Weyts (N-VA) a fait adopter par le Gouvernement flamand un projet de décret stipulant qu’à l’avenir tous les actes notariés passés en Flandre seraient rédigés en néerlandais.
Autre attitude anti-francophone dans les communes à facilités de la périphérie flamande de Bruxelles, cette fois : la réaction de la ministre de l’Intérieur flamande Liesbeth Homans à un arrêt de la Cour de cassation qui renforce les droits linguistiques des habitants francophones. L’arrêt considère qu’une seule demande des francophones de recevoir leurs documents en français vaut pour tous les documents à venir de la commune, mais aussi de la Région. Faisant fi de la décision de la plus haute juridiction du pays, Madame Homans estime que « le néerlandais est et reste la langue administrative des communes à facilités ».
Protection des minorités nationales
Dix-sept ans après avoir signé la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, la Belgique ne l’a toujours pas ratifiée. Les droits de la minorité francophone de Flandre ne sont pas reconnus. La Flandre a écrit noir sur blanc dans son accord de Gouvernement qu’elle ne ratifiera pas la Convention-cadre. Face à cette situation, les travaux du groupe d’experts chargés de définir le concept de « minorité nationale » et d’évaluer les conséquences d’une ratification pour la Belgique sont une des clés de la solution. Jusqu’à présent, les Francophones de Flandre n’avaient pas eu le moindre contact avec les experts. Mais la détermination de l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF) s’est montrée payante.
En effet, dès qu’il a été désigné par le ministre des Affaires étrangères, le nouveau président du groupe d’experts « minorités nationales » Bernard Hauwen a invité l’APFF à lui faire part de son point de vue par écrit, afin de le transmettre aux experts. Tant dans sa contribution écrite que lors de sa rencontre avec Monsieur Hauwen, le 13 décembre dernier, l’APFF a souligné les points suivants :
1. Position du Conseil de l’Europe
Dans sa résolution 1301, adoptée en 2002, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a mentionné la Belgique parmi les pays qui « ont des minorités significatives qui doivent être protégées et dont les droits ne sont pas officiellement reconnus ».
L’Assemblée recommande que la Belgique ratifie la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, sans plus tarder, « en veillant à ce que toutes les minorités identifiées par l’Assemblée soient dûment reconnues comme telles, à la fois au niveau de l’Etat et au niveau régional, et s’abstiennent de faire une réserve incompatible avec le contenu de la convention-cadre ».
Se basant sur les travaux de la Commission de Venise, l’Assemblée a défini, sans ambiguïtés, les minorités qui devaient être protégées en Belgique : « les groupes suivants sont à considérer comme des minorités en Belgique dans le contexte de la convention-cadre : au niveau de l’État, la communauté germanophone ; au niveau régional, les francophones vivant dans la région de langue néerlandaise et dans la région de langue allemande, et les néerlandophones et les germanophones vivant dans la région de langue française ».
2. Position de l’ONU
La position de l’ONU concernant l’identification des minorités est très claire : « La reconnaissance du statut de minorité ne relève pas de la seule décision de l’État. Conformément à l’interprétation authentique faite par le Comité des droits de l’homme de l’ONU, l’existence de minorités doit être établie selon des critères objectifs. Tout doit être fait pour garantir le respect du principe d’auto-identification ». Et d’expliquer : « Les États doivent recueillir des données ventilées (...), et la société civile et les groupes minoritaires doivent être associés à l’ensemble du processus ».
3. Nombre de francophones en Flandre
En 2009, l’APFF a demandé à l’institut de sondage Dedicated Research, de réaliser une étude sur la situation du français en Flandre. Cette étude a estimé à 367.000 le nombre de francophones en Flandre sur une population totale de 6.161.600 Flamands (5,9 % de la population). Ont été reprises comme francophones dans le sondage, les personnes qui ont déclaré que leur langue maternelle était le français et celles qui ont déclaré avoir, à la fois, un de leurs parents francophone et parler parfaitement le français.
La répartition des francophones par province donne les résultats suivants : Brabant flamand 166.456, Flandre occidentale 80.534, Flandre orientale 54.931, Province d’Anvers et 39.461 et Limbourg 25.627.
4. Reconnaissance par le Mouvement flamand
L’Encyclopédie du Mouvement flamand qui bénéficie du soutien officiel du ministère de la Communauté flamande, reconnaît la présence historique des francophones en Flandre : « Qu’il y ait en Flandre, depuis de nombreux siècles, une petite minorité francophone, est un fait établi ».
L’encyclopédie fournit aussi sa propre estimation du nombre de francophones en Flandre : « Leur nombre actuel est évalué à environ 200.000, soit 3,5 % de la population flamande (sans compter l’arrondissement Hal-Vilvorde où, selon l’étude de Guido Tastenoye “Vlaams-Brabant in de wurggreep van Europa” [1991, p. 200], on dénombre environ 110.000 francophones). Dans la Région flamande il y aurait donc au total (en ce compris l’arrondissement Hal-Vilvorde) environ 300.000 francophones soit 5 % de la population ». Ces chiffres confirment l’estimation de Dedicated Research du nombre de francophones dont la langue maternelle est le français.
L’encyclopédie analyse également les difficultés rencontrées par les Francophones de Flandre : « Lorsque la Flandre est devenue la région la plus riche de Belgique, le prestige du néerlandais augmenta. Le néerlandais devint un atout à tous les niveaux, économique, démographique, politique et social. À partir de ce moment-là, des facteurs très importants commencèrent à jouer contre les francophones : une Communauté flamande de plus en plus prospère, pas de protection juridique à part celle de leurs droits individuels, pas d’instances propres, pas de subventions de leurs manifestations culturelles ». Voilà bien le nœud du problème : l’absence de protection juridique de la minorité francophone en Flandre.
Lors de sa discussion avec le président du groupe d’experts, l’APFF a rappelé la nécessité d’ouvrir un large débat sur la question des minorités nationales et de la lutte contre les discriminations linguistiques.
Bien qu’il ait répondu que ce type de débat allait au-delà de la mission assignée aux experts qui est de nature juridique, Monsieur Hauwen s’est dit prêt à rencontrer d’autres représentants des minorités qui lui en feraient la demande.
Reste à espérer que le processus de ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales soit relancé une bonne fois pour toutes ! N’en déplaise aux nationalistes flamands qui ont fait chuter le Gouvernement fédéral, fin décembre, en raison d’une divergence profonde concernant le pacte de l’ONU sur les migrations.
- Le tram du littoral
ÉCONOMIE
Un budget à l’équilibre
En 2018, l’économie flamande a connu une croissance de 1,9 %, contre 1,7 % de croissance pour la Belgique dans son ensemble. Ces dernières années, le gouvernement de Geert Bourgeois a économisé jusqu’à 2 milliards d’euros structurels par an. Les finances publiques du nord du pays sont à nouveau assainies, avec un budget à l’équilibre pour la troisième année d’affilée. D’ailleurs, l’an prochain, une dépense de 665 millions d’euros est prévue en politiques nouvelles : recherche et développement, politiques sociales de bien-être ainsi que politiques climatiques.
Il convient cependant de rester prudent sur la lecture de ces chiffres, car le budget flamand est artificiellement en équilibre. De nombreuses dépenses comme le projet pharaonique de bouclage du ring d’Anvers sont comptabilisées hors budget. Et cette technique comptable doit encore être approuvée par les instances européennes.
L’opposition s’est montrée aussi critique face à ce bilan. Elle a dénoncé que derrière les chiffres du budget public se cachaient des factures à la hausse pour les dépenses des ménages : eau, énergie, crèches, enseignement supérieur, soins de santé, transport public, etc. « Il y a un gouffre entre le monde de rêve présenté par M. Bourgeois et celui des Flamands moyens », s’insurgeait un représentant du parti socialiste. Il n’en reste pas moins que du côté flamand, contrairement à ce qui s’est passé en Wallonie, on n’a guère vu de gilets jaunes se poster sur les ronds-points et autres carrefours.
Augmentation des bas salaires
Le VOKA, la fédération des patrons flamands souhaiterait une baisse des charges ciblée sur les bas salaires. Concrètement, il est proposé d’augmenter de 100 euros nets les salaires inférieurs à 2.500 euros bruts. Le tout sans augmenter le coût salarial brut pour l’employeur. Mais, Philippe Muyters le ministre flamand du Travail n’est pas enthousiaste. Il estime que le gouvernement flamand doit plutôt investir dans la recherche et le développement et proposer des formations. Il veut surtout investir pour mettre au travail les chômeurs de longue durée. Les mesures proposées par le VOKA coûteraient 500 millions d’euros, mais le ministre ne sait pas comment son gouvernement pourrait trouver rapidement cette somme. « Et ce n’est pas la mesure qui permettrait de remplir rapidement les places restées vacantes ».
Il faut préciser qu’en Flandre, le taux de chômage est très faible puisqu’il se situait à 3,5 % en décembre 2018. Un taux en baisse constante depuis trois ans. Cependant, les Flamands sont confrontés à un autre problème : la pénurie de main-d’œuvre. Une pénurie qui, selon l’organisation patronale flamande, pourrait mettre en danger la croissance économique. Dans son ensemble, la Flandre fait face à des tensions sur le marché du travail, mais c’est en province de Flandre occidentale (la province jouxtant la France) que le problème est le plus aigu. Les entreprises éprouvent les pires difficultés à trouver le personnel qu’elles recherchent et vont chercher de la main-d’œuvre en France. Au point que l’on peut voir, sur de nombreux parkings d’entreprises, davantage de plaques minéralogiques françaises que belges. Les Wallons eux, semblent moins prompts à aller travailler en Flandre. Est-ce dû à la barrière de la langue, à la distance à parcourir. À moins que cela ne soit dû, comme l’insinuent certains, au fait qu’« en France, les allocations de chômage ne sont pas de nature à motiver les gens à rester chez eux ».
Impacts du Brexit
L’économie flamande se porte bien, mais la Flandre, mais n’oublions pas qu’elle fait partie de l’Union européenne. Une étude de l’université flamande KUL a démontré qu’après l’Irlande, c’est la Flandre qui serait la plus touchée négativement par une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord négocié (« no deal »). Cela pourrait coûter 28.000 emplois à la Flandre. Les entreprises doivent explorer de nouveaux marchés. Le gouvernement flamand a pris des mesures pour soutenir et guider les entreprises et a déposé un plan d’action pour lequel deux millions d’euros ont été budgétés.
En conclusion, si on compare les perspectives économiques des diverses Régions de Belgique, les études confirment qu’après 2020, l’économie belge sera en moins bonne forme qu’aujourd’hui, mais la Flandre va tirer son épingle du jeu. Comme le soulignait un journaliste de la RTBF : « En Belgique, quand ça va mieux, c’est surtout la Flandre qui tient la corde et quand l’horizon se couvre, les nuages sont plus nombreux à Bruxelles et en Wallonie. Comme un air de déjà vu… »
CULTURE
Les francophones privés de radio nationale en français
Au niveau culturel, l’année 2018 se termine par une mauvaise nouvelle pour les Francophones habitant en Flandre. Ils font les frais de l’arrivée en force de la radio numérique terrestre. La DAB+ (acronyme de Digital Audio Broadcasting) remplace, depuis le 1er janvier 2019, les anciens émetteurs en ondes moyennes de la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) qui sont mis hors service. Or, c’est précisément le puissant émetteur en ondes moyennes qui permettait aux francophones de Flandre d’écouter « La Première », la radio généraliste de la RTBF et de rester ainsi en contact avec les autres francophones de Belgique et du monde. Seuls les francophones de Flandre qui habitent à proximité de Bruxelles ou de la Wallonie peuvent continuer d’écouter la RTBF via la bande FM ou en DAB+.
Les autres francophones de Flandre ne peuvent plus écouter la RTBF que via Internet. La RTBF n’étant pas disponible sur le réseau DAB+ flamand, ils doivent impérativement faire l’acquisition de récepteurs radio connectés à Internet. Ceux qui veulent écouter la RTBF en voiture ne peuvent pas se contenter d’un forfait Internet mobile de base qui est trop vite épuisé.
La RTBF a expliqué qu’elle « avait espéré un échange Nord/Sud d’un canal DAB+. Mais il n’y a pas eu d’accord de coopération sur ce sujet entre les Communautés dont c’est la compétence. Faute d’intérêt côté néerlandophone, ce projet a été malheureusement abandonné. Pour écouter les programmes francophones en Flandre au-delà de la zone de débordement FM/DAB+, il faudra passer par Internet, comme dans les pays étrangers... »
La radio-télévision publique flamande (VRT) qui, notons au passage, distribue la BBC sur son réseau DAB+ (Norkring) a confirmé qu’il n’y avait pas de collaboration entre la RTBF et la VRT concernant le DAB+. « Il ne reste plus de place pour les programmes de la RTBF ». Il est surprenant que la VRT collabore avec la BBC, mais pas avec la RTBF. Contrairement à l’anglais, le français n’est-il pas une de nos langues nationales ? Si la VRT avait eu pour objectif de prêter main-forte aux nationalistes flamands qui ne veulent pas entendre parler de minorité francophone sur leur territoire, elle ne s’y serait pas prise autrement !
Face à cette situation inacceptable, l’Association pour la promotion de la francophonie en Flandre (APFF) a appelé les autorités à réexaminer le dossier. L’APFF considère qu’au moins une radio de chaque Communauté doit être distribuée gratuitement, partout en Belgique. Tout citoyen, francophone, néerlandophone ou germanophone, doit pouvoir avoir accès à sa langue et à sa culture, où qu’il se trouve en Belgique. Alors que la Belgique est au carrefour des cultures latine et germanique, elle se doit de montrer l’exemple. Comment la Belgique peut-elle être crédible sur la scène internationale, qui plus est au Conseil de sécurité de l’ONU, où elle siège depuis janvier, si elle n’est pas capable de protéger ses minorités nationales sur son propre territoire ?
Un concours Amopa pour la Flandre
Le 1er juin dernier a eu lieu à la Résidence de France, en présence de l’Ambassadeur de France en Belgique, Madame Claude-France Arnould, la remise des prix des concours de français de l’AMOPA (Association des Membres de l’Ordre des Palmes académiques) pour les élèves du secondaire de Flandre et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nouveauté cette année : le concours s’adressait également aux élèves de l’enseignement professionnel de la Communauté flamande. Une édition soutenue par l’Association des professeurs de français en Flandre (ProFFF), le Richelieu international Europe (RIE) et l’Association de promotion de la francophonie en Flandre (APFF).
L’AMOPA-Belgique précise les raisons qui l’ont conduite à se tourner vers le public flamand : « les représentations du français langue étrangère dans l’enseignement professionnel en Flandre ont un caractère assez négatif alors que nombre de professeurs (et d’élèves) s’engagent avec passion pour réaliser un enseignement-apprentissage de qualité ».
Cette édition a ravi le président honoraire de ProFFF, Raymond Gevaert qui, avec un réel enthousiasme, a rendu hommage aux étudiants de l’enseignement professionnel : « vous êtes meilleurs que ce que l’on dit, vous êtes meilleurs que ce que l’on croit, vous êtes le sel de la terre, vous êtes l’élite dont la Flandre a besoin ».
Suite à ce bel éloge, le représentant des professeurs de français en Flandre a malheureusement dû apporter une bien moins bonne nouvelle en assurant que par trois canaux différents, il avait appris de façon certaine, mais encore non officielle que le réseau d’enseignement flamand le plus important avait décidé que, dans un proche avenir, l’enseignement du français dans les filières professionnelles serait supprimé. « Pour moi, c’est une blessure énorme, mais ce l’est aussi pour tous ces professeurs qui se battent au quotidien pour faire aimer cette langue et pour la faire aimer par leurs élèves et pour leur montrer qu’avec le français, on avance dans la vie. »
Beaufort 2018, de La Panne à Knokke
Du 30 mars au 20 septembre, 18 artistes ont animé la triennale Beaufort 2018. Dans neuf communes réparties tout au long de la côte, des sculptures dominaient la plage, les dunes, la digue invitant à flâner, découvrir, questionner le paysage...
Après 15 ans, l’heure était venue de repenser la formule ce festival. En sélectionnant un nombre limité d’artistes, l’organisation a voulu accentuer davantage les points forts et les qualités uniques de Beaufort : le décor de la mer, l’accessibilité du projet, la dispersion sur tout le littoral et le développement à long terme d’un parc de sculptures de qualité.
« Au début du 20e siècle, la haute société débarquait au littoral belge, depuis New York jusqu’à la Perse. Face à ce caractère international, une autre particularité de la région découle, elle, d’une activité locale : celle des pêcheurs, qui affrontaient chaque jour la mer du Nord » a souligné Heidi Ballet, commissaire de l’exposition. Les œuvres présentées dans le cadre de Beaufort 2018 jouaient sur ces contradictions, qui sont à la source des aventures, du surréalisme et de l’anarchie qu’on retrouve en Flandre.
- Beaufort – Nieuport – Nina Beier, Men, 2018
Pas moins de 500 activités culturelles en français organisées en Flandre
Les associations culturelles francophones de Flandre continuent à organiser de nombreuses activités en français. Épinglons-en quelques-unes parmi les plus caractéristiques.
Un entretien littéraire avec Eric-Emmanuel Schmitt organisé par l’Alliance française d’Anvers. En deux décennies, Eric-Emmanuel Schmitt est devenu un des auteurs francophones les plus lus et les plus représentés dans le monde. Plébiscitées tant par le public que par la critique, ses pièces ont été récompensées par plusieurs Molière et le Grand Prix du théâtre de l’Académie française. Ses livres ont été traduits en 45 langues et plus de 50 pays ont joué régulièrement ses pièces. Il est aujourd’hui l’auteur le plus étudié en collèges et en lycées. Une carrière de romancier absorbe aussi une grande partie de son énergie : L’Évangile selon Pilate, La Part de l’autre, ou L’Homme qui voyait à travers les visages pour ne citer que quelques titres.
Une conférence d’Axel Kahn, docteur en médecine, qui est directeur de recherche à l’IN- SERM et a dirigé l’Institut Cochin. Outre ses travaux scientifiques, Axel Kahn est bien connu du grand public pour ses actions de vulgarisation scientifique. Il est fréquemment intervenu sur des sujets touchant aux aspects moraux et sociaux de la médecine, de la génétique et des biotechnologies. En 2013 et 2014, il a traversé la France à pied par deux grandes diagonales d’environ deux mille kilomètres chacune. Il est souvent sollicité pour exposer ses observations sur la ruralité et l’état de la France réelle.
La visite du Musée royal de l’Afrique centrale, centre mondial de recherche et de diffusion des connaissances sur le passé et le présent des sociétés et de leurs environnements naturels en Afrique et particulièrement en Afrique Centrale. Le musée a été fermé pendant cinq ans pour transformation. Le grand défi de sa rénovation était d’exposer une vision contemporaine et décolonisée de l’Afrique dans un bâtiment conçu comme musée colonial dont la présentation peu critique, la scénographie et le bâtiment n’étaient plus adaptés. Le bâtiment a été restauré dans le respect des plans d’origine de la fin du XIXe siècle, tout en intégrant les techniques modernes.
INNOVATION
La Flandre investit plus que jamais dans l’innovation
L’an dernier, la Flandre a investi 6,7 milliards d’euros dans la recherche et le développement. Ce montant représente 2,7 % du produit intérieur brut, ce qui signifie que la Flandre dépasse largement le pourcentage moyen européen de 1,94 %. Philippe Muyters, ministre flamand de l’Innovation voudrait aller encore plus loin et atteindre la barre des 3 % du PIB d’ici 2020. Ce qui est, d’ailleurs, l’objectif imposé par l’Union européenne à ses états membres.
Ces investissements se traduisent également en une augmentation considérable du nombre d’emplois dans la recherche et le développement. Pour preuve, ce nombre a augmenté de plus de 50 % en dix ans, et va encore augmenter dans les années à venir. « Les investissements s’accompagnent d’une stratégie claire pour travailler avec des structures simples, ce qui augmente leur rendement. La recherche et le développement restent une priorité pour le gouvernement flamand. C’est bon pour notre économie, notre prospérité et notre société », a expliqué le ministre Muyters.
Gand, capitale belge de la technologie
En 20 ans, Gand est devenue l’épicentre des « scale-up » : les entreprises innovantes en forte croissance. Un facteur essentiel de l’émergence du chef-lieu de la Flandre-Orientale Gand sur le terrain de l’innovation est l’accès aux nombreux diplômés qui, chaque année, sortent de l’UGent (l’université locale) et des Hautes écoles dont la très réputée Vlerick Business School. La ville flamande est le plus grand campus de Belgique avec 74 000 étudiants : « une concentration de talents avec des milliers d’étudiants, de chercheurs et d’entrepreneurs multilingues, dynamiques et ouverts d’esprit ».
Exemple de ce développement réussi : Teamleader, l’entreprise à la plus forte croissance du pays, spécialisée dans les logiciels de gestion pour PME. Son fondateur, Jeroen De Wit 30 ans à peine, est à la tête d’une équipe de 180 personnes dont 70 à l’étranger. L’entreprise impressionne par la manière dont elle est parvenue, en quelques années, à se faire une place sur le marché européen des logiciels de gestion. Jeroen De Wit incarne cette nouvelle génération d’entrepreneurs qui a permis à la ville de Gand d’occuper une place de choix dans le paysage, belge et européen, des entreprises innovantes en forte croissance.
La revanche du Limbourg
La province du Limbourg a souvent été considérée comme le maillon faible de l’économie flamande. La province a entamé un virage radical il y a quelques années : ne plus chercher à attirer à tout prix de grosses multinationales, mais plutôt des petites entreprises locales. C’est par exemple qu’a été créé le Campus Corda qui regroupe 225 entreprises, dont 100 start-ups. Cela représentera bientôt 5.000 emplois. Le but du Campus est de créer une communauté où se côtoient des employés de sociétés de taille moyenne, de jeunes innovateurs et des étudiants. C’est là, par exemple, qu’Ericsson a choisi de lancer ces premiers tests sur les connexions 5G en Belgique ou que Mymesis met au point des solutions pour faire exister des personnes réelles dans un monde virtuel.
Hasselt, la plus grande ville du Limbourg est considérée comme la ville « la plus intelligente » de Belgique, notamment grâce à son système de gestion du trafic mis en place récemment. La ville développe, par exemple des options de transition de la voiture au bus ou au vélo, en indiquant sur les panneaux LED aux abords des parkings périphériques quand passent les bus et où trouver rapidement un vélo en libre-service. Afin d’éviter les accidents avec les automobilistes, les pistes cyclables vont être équipées de lumières LED qui s’allumeront à l’approche des vélos.
Si l’innovation est une nécessité pour la compétitivité de nos entreprises, il faut souligner qu’il est crucial de favoriser les collaborations entre les entreprises et les centres de compétences. Et en Belgique, c’est un vrai problème : la collaboration entre les Régions (Flandre, Wallonie et Bruxelles) est quasi inexistante, d’autant que l’innovation est une compétence régionale. Les collaborations entre les Régions sont pratiquement impossibles en raison des incompatibilités entre les différentes initiatives de soutien. Autre lacune : la « recherche collective ». Les entreprises sont confrontées à un flux massif de nouvelles technologies et de nouveaux défis. Il serait donc logique que celles-ci les abordent ensemble et partagent leur expertise et leur savoir-faire. Pour ce faire, les pouvoirs publics et les Régions ont un rôle déterminant à jouer en instaurant un cadre approprié. Ce cadre n’existe hélas plus, en raison de la régionalisation toujours plus importante des compétences.