POLITIQUE
Patrice Talon : entre promesses électorales et réalités du pouvoir
Au plan politique, l’organisation de l’élection présidentielle de mars 2016 a été le fait marquant de l’année au Bénin. Les nouvelles autorités se sont installées pour faire face aux défis pressants de développement. Entre promesses électorales et réalités du pouvoir, et surtout en l’absence d’un véritable programme d’action, le gouvernement Patrice Talon, aux yeux de la majorité des Béninois, « navigue à vue ». Certes, en quelques mois de gouvernance, des actes forts ont été posés, mais ne rassurent pas encore. Au Bénin de la « Rupture » et du « Nouveau Départ », les citoyens espèrent que le « miracle » promis sera une réalité pour améliorer leurs conditions de vie et de travail et préserver la paix, la stabilité et la sécurité dans le pays.
- Le nouveau président Guillaume Athanase Patrice Talon Ph : aimablement prêtée par l’auteur)
Élection de Guillaume Athanase Patrice Talon à la tête du Bénin, formation du gouvernement, violation des décisions de justice, insécurité grandissante, délestage, vindicte populaire, fronde sociale dans plusieurs ministères et à l’Université d’Abomey-Calavi, répression dans le sang de la marche pacifique des étudiants, menaces sur le droit à la liberté d’expression avec la suspension de 21 étudiants pour « terrorisme », invalidation de l’année académique à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences humaines (Flash), réformes politiques et institutionnelles engagées, annulation de concours jugés « frauduleux », reconstruction de l’empire industriel et financier de l’homme d’affaires Patrice Talon devenu chef de l’État (coton, port de Cotonou…), désignation de nouveaux chefs-lieux de départements et nomination de nouveaux préfets, baisse des recettes totales des régies financières…
L’actualité au Bénin, de juin 2015 à juin 2016, a été très mouvementée. Patrice Talon a très mal entamé son mandat. A-t-il encore la capacité de retrouver la confiance des Béninois ? Rien n’est moins sûr, tant son bilan à mi-parcours est jugé « décevant » par la grande majorité des Béninois. Une avalanche de chiffres inquiétants avec une « gouvernance totalement opaque ». Ses partisans croient au « miracle » promis à l’Élysée lors de son premier tête-à-tête avec François Hollande, le président français, et s’engagent à assurer un lendemain radieux aux Béninois.
En effet, le processus démocratique qui a toujours été un exercice douloureux pour les nations qui s’y engagent suit inexorablement son cours au Bénin avec l’organisation régulière des élections dont la dernière en date remonte à mars 2016.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître et pendant que la plupart des nations africaines piétinent en matière de démocratie, le Bénin poursuit son chemin. En 26 ans de pluralisme politique, quatre présidents se sont succédé au pouvoir. Guillaume Athanase Patrice Talon est l’actuel chef de l’État. Au-delà de toutes considérations, l’élection présidentielle de 2016 n’était pas gagnée d’avance, surtout qu’une partie de la classe politique nationale soupçonnait le président sortant, Boni Yayi, de vouloir s’éterniser au pouvoir. Le climat de tension, de suspicion, de méfiance et les propos belliqueux qui s’en sont suivis n’ont pas émoussé l’ardeur du président sortant à organiser des élections crédibles et transparentes. Les signaux étaient au rouge, mais au finish, il y a eu plus de peur que de mal. Le processus électoral s’est déroulé sans anicroche avec la victoire de Patrice Talon, au second tour avec 65,37 % (2 030 941 de voix validées) des suffrages exprimés, face à l’ancien Premier ministre Lionel Zinsou, qui a totalisé 34,63 % des suffrages (1 076 061 voix validées).
- Lionel Zinsou en campagne (Ph : page Facebook Lionel Zinsou)
Les forces politiques en présence
Pendant que le peuple béninois s’inquiétait par rapport à la Liste Électorale Permanente Informatisée (LEPI) qui ne présageait pas d’une issue favorable et apaisée du scrutin, les différents états-majors des partis, coalitions et regroupements politiques fourbissent leurs armes. Le Bénin et les Béninois ont toujours vécu ainsi depuis 1990, la fièvre électorale plusieurs mois avant le terme du mandat du président en exercice. Et cela a été encore le cas avec l’élection du 6 mars 2016, date du premier tour.
S’annonçant candidat des mois avant l’élection, depuis son exil en France, le richissime homme d’affaires Patrice Talon n’a eu comme véritable challenger que Lionel Zinsou, porte-flambeau de la mouvance. Au nombre de 48 au total, les candidats se sont véritablement engagés pour la conquête du pouvoir, vu que le jeu était totalement ouvert. Meetings politiques, chansons populaires et autres caravanes étaient organisés pour convaincre et séduire les électeurs. Après un premier report dû à l’impréparation de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), le 6 mars a vu les Béninois aux urnes pour le premier tour. Comme d’habitude, aucun incident n’a été signalé. Quelques heures après la fermeture du dernier bureau de vote, les grandes tendances étaient connues via les réseaux sociaux, vu qu’ils sont très actifs et omniprésents dans le quotidien des Béninois ces dernières années. La CENA, pour mettre fin aux supputations, a finalement donné les tendances avec Lionel Zinsou 28,44 %, Patrice Talon 24,80 %, Sébastien Ajavon 23,03 %, Abdoulaye Bio Tchané 08,79 % et Pascal Irénée Koupaki 05,85 %.
Au second tour, le face-à-face entre le candidat de la mouvance Lionel Zinsou et Patrice Talon était rude. Pendant que le premier prônait la « Continuité », le second a choisi la « Rupture ». Le fait marquant de cette deuxième confrontation est le ralliement de presque tous les candidats au premier tour à la cause de Patrice Talon. Ce qui n’a pas émoussé l’ardeur des Forces Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE) et leur candidat Lionel Zinsou. Tous les arguments étaient bons pour déstabiliser l’adversaire. Des plus sordides aux plus incroyables. Pendant que Lionel Zinsou était accusé de « candidat de la France » et traité de « Blanc », son vis-à-vis, Patrice Talon, recevait les piques d’homme d’affaires « rusé » ayant bâti sa fortune (empire industriel et financier) sur le dos de l’État béninois. Mais les urnes ont enfin parlé le 20 mars avec la victoire de Patrice Talon avec 65 % des suffrages exprimés. Avant que la CENA et surtout la Cour constitutionnelle ne se prononcent officiellement, Lionel Zinsou, en bon compétiteur, a téléphoné à son challenger Patrice Talon, tard le soir du jour du scrutin pour le féliciter. Un acte noble, de vrai démocrate qui vaut son pesant d’or dans ce contexte surchauffé des élections. Ce fut la consternation chez les mouvanciers et l’explosion de joie dans le camp des opposants et partisans de Talon.
En Afrique de l’Ouest, c’est seulement au Bénin que l’opposition gagne le candidat du pouvoir, à l’issue d’une élection véritablement transparente. Un exemple à suivre. Le président sortant Boni Yayi aura le mérite de préserver la paix à travers l’organisation d’élections crédibles. Un fait que même la communauté internationale a salué par la voix du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon, la Chancelière allemande Angela Dorothea Merkel, le Secrétaire d’État américain John Kerry, Helen Clark, Administrateur mondial du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), Neven Mimica, commissaire européen en charge de la Coopération internationale et du Développement, l’ancien président français Nicolas Sarkozy, le secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (Oci) basée à Djeddah, Iyad Ameen Madani, et consorts. Ils ont tous salué les qualités d’homme d’État de Boni Yayi et souhaité qu’il continue à être disponible pour contribuer, par ses sages conseils, à la préservation de la paix, de la concorde et de l’harmonie sociale qui constituent la base indispensable au développement économique et social de l’Afrique.
Le tête-à-tête entre Patrice Talon et Boni Yayi, quelques heures avant l’investiture du nouveau locataire de la Marina, était un défi montrant inéluctablement les qualités d’homme d’État du président sortant.
Investiture de Patrice Talon
Sous la détonation de 21 coups de canon pour un discours succinct devant les 7 sages de la Cour constitutionnelle et le peuple à Porto-Novo, la capitale politique du Bénin, Patrice Talon a pris les rênes du pays pour un mandat de 5 ans. Mandat d’ailleurs unique selon les desiderata du nouveau locataire de la Marina qui en avait fait un thème de campagne électorale. Cette promesse l’a obligé à engager très tôt des réformes politiques et institutionnelles à travers l’installation d’une commission sous la supervision de son avocat personnel ministre de la justice, Joseph Djogbénou. Mais le rapport de cette commission n’ayant pas pu trancher la question du mandat unique, le chef de l’État a alors décidé de soumettre les propositions de la commission au référendum avant la fin de l’année 2016. Après cette étape, les députés auront leur voix au chapitre. La révision de la Constitution aurait alors pris corps.
Gestion du pouvoir
Tel un apprenti faisant ses premières armes dans une arène à données variables et inconstantes, Patrice Talon et son équipe gouvernementale cafouillent dès les premières heures de leur gestion du pouvoir d’État. Des prises de décisions à l’emporte-pièce avec l’injection de plusieurs dizaines de milliards de F CFA dans la filière coton, en trois mois. Ce premier acte a pour but la résurrection de ses sociétés moribondes, entraînant de facto la reconstitution de son empire industriel et financier. Cette décision majeure a provoqué un clivage au sein de la société béninoise. D’un côté, ceux qui apprécient et de l’autre, la grande majorité des Béninois qui pensent que le nouveau président s’est servi du peuple pour reconstituer sa fortune. Et dire que pendant ce temps, le panier de la ménagère se vide, et que bon nombre de ses compatriotes vivent avec moins d’un dollar par jour est intolérable pour une partie de la population.
- Une économie qui connait des hauts et des bas (Ph : Flickr - vredesellander)
Dans un autre registre, les actions du gouvernement dans le cadre du nouveau découpage territorial sont saluées par l’ensemble des Béninois. En dehors de la ville de Savalou qui a donné timidement de la voix par rapport à Dassa désignée comme chef-lieu du département des Collines, Patrice Talon a réussi là où tous ses prédécesseurs ont hésité depuis 1990. En somme, le Bénin passe de 6 départements à 12 tel que défini par le Décret n° 2008- 573 du 15 octobre 2008.
En outre, les données macroéconomiques chancellent. Une baisse des recettes au niveau de toutes les régies financières du pays était palpable avec plus de 15 milliards de pertes au titre du mois de juin 2016. Une situation qui pousse le nouveau régime à opter pour des emprunts obligataires. Il ne peut en être autrement quand on sait que le Port autonome de Cotonou est paralysé à travers des décisions fantaisistes et des rétropédalages poussant les acteurs portuaires nationaux et étrangers à partir vers Lomé, Lagos et Abidjan.
On en était là lorsque les concours organisés par le régime de Boni Yayi pour résorber un tant soit peu la cruciale question du chômage ont été annulés, provoquant du coup une fronde sociale inattendue. L’histoire étant têtue, le président Patrice Talon s’est vu rattrapé par ses propres propos. Lui qui considérait le Bénin comme un « État voyou » pour non-exécution des décisions de justice sous l’ancien régime se retrouve confronté à un dilemme. En effet, son ministre de la Justice Joseph Djogbénou récuse un juge d’instruction dans un contentieux qui oppose les membres de la Fédération Béninoise de Football (FBF), où celui-ci a lancé des mandats d’arrêt contre plusieurs responsables de la FBF et des émissaires de la FIFA et de la CAF. Comme si cela ne suffisait pas, le président Patrice Talon piétine deux autres décisions de justice, en l’occurrence celle concernant l’Église protestante méthodiste et celle statuant sur le cas de Stéphane Todomè, directeur général de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB) dont le mandat n’était pas allé à terme (Décision de la Cour Constitutionnelle violée).
- Même le football est source d’imbroglio ! (Ph : Flickr - UNMISS)
SOCIÉTÉ
Le choc social
Sur le plan social, une marche des étudiants qui ne revendiquent que leur droit à une deuxième session des examens de fin d’année a été réprimée avec la dernière rigueur sur ordre du préfet du Littoral, Modeste Toboula. De son avis, les étudiants auraient franchi la « ligne rouge ». Et la conséquence qui n’est rien d’autre que le boycott des examens de fin d’année par les étudiants a entraîné la radiation de l’Université d’Abomey-Calavi de 21 d’entre eux pour cinq ans. Ce qui a tôt fait de jeter de l’huile sur le feu.
Pendant que les étudiants en courroux ont paralysé les activités universitaires sur tous les campus au Bénin, le secteur judiciaire connaît un arrêt collectif de travail. Les nominations faites le jeudi 11 août 2016 dans les cours et tribunaux suscitent l’indignation de l’Union nationale des magistrats du Bénin qui dénonce la « profanation » du système judiciaire. Le président de l’Unamab, Michel Adjaka, parle de « nominations illégales, opaques et peu rationnelles du personnel magistrat ».
Au même moment, le délestage dicte sa loi, même si les nouvelles autorités promettent de juguler cette crise au plus tard le 31 décembre 2016.
Malgré un début timide de paiement de la dette intérieure, les populations ne sont pas au bout de leurs peines et attendent le « miracle » tant annoncé par le nouveau président, qui entend se battre pour « transformer son pays, politiquement, administrativement, économiquement ».
- (Flickr - David Stanley)
Recrudescence des braquages et vindicte populaire
Toute société connaît son lot de dérives. Mais ce qui se passe au Bénin en matière d’insécurité depuis quelques mois est inquiétant. Se sentant abandonnées à leur sort par les autorités en charge de la sécurité publique, les populations ont, à leur manière, pris leur destin en main : frapper et ôter la vie à tout voleur pris en flagrant délit d’un forfait quelconque. Et pendant que le gouvernement, surtout le ministre de l’Intérieur Sacca Lafia, multipliait les bourdes et autres concepts creux et inefficaces contre les hors-la-loi, les populations de Cotonou, Porto-Novo, Parakou et d’autres villes brûlaient systématiquement tout voleur. Même les avertissements du Conseil des ministres n’ont pas suffi à faire reculer l’ardeur des populations à se faire justice quitte au gouvernement de trouver une autre stratégie pour d’abord mettre hors d’état de nuire les divorcés sociaux et ensuite calmer les populations. Un véritable casse-tête pour le nouveau régime qui peine à sortir de l’auberge quant à la question de l’insécurité.
Le Bénin produit un médicament contre le paludisme
Api-Palu. Voilà le nom du nouveau médicament inventé par Valentin Agon et dont les performances dépassent les frontières du Bénin et de l’Afrique. Pour preuve, le promoteur a reçu le Prix de l’innovation 2016 à Gaborone au Botswana devant cinq autres concurrents. Docteur en médecine douce au CMDQ au Canada, Valentin Agon a reçu une somme de 50 millions de F CFA, soit 100.000 dollars US. Pour son efficacité à traiter durablement le paludisme, Api-palu a reçu plusieurs autres prix africains et internationaux dont le Premier Prix d’excellence au Salon international des remèdes naturels au Burkina Faso en mars 2008 ; Prix Arc d’Europe 2010 en Allemagne, deux médailles d’or en 2009 en Suisse. Et enfin, un Brevet international (N° WO/2007/129136 du 15 novembre 2007) lui a été délivré en Suisse.
« L’émergence de l’Afrique », un essai enfiévré de Agboessi Noumonvi Cloubou
5 juin 2016. L’auditorium de l’Institut français de Cotonou a abrité la présentation d’un essai politique intitulé « L’émergence de l’Afrique – Le greffage qui s’impose ». Écrit par Agboessi Noumonvi Cloubou, ancien officier de l’armée béninoise, travaillant pour les Nations-Unies, l’ouvrage témoigne d’une véritable explosion verbale qui se fait effervescente, du fait que l’auteur est fortement préoccupé par le développement de l’Afrique.
Il y a eu ensuite « Noire Vénus » de Carmen Toudonou, un recueil de 25 poèmes paru le 10 octobre 2015. L’institut français de Cotonou demeure le lieu de rencontre des artistes de renom.