- Ph : Flickr - Andrew Moor
L’année 2017 marque la période de mi-mandat du gouvernement de Justin Trudeau. Élu à la tête d’un gouvernement majoritaire à la suite de l’élection générale du 19 octobre 2015, le nouveau premier ministre a multiplié les annonces dès les premières semaines de son mandat afin de marquer une rupture avec l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper qui fut au pouvoir pendant près de dix ans. Loin de la lune de miel dont le gouvernement a joui après les élections, la mi-mandat du gouvernement Trudeau est plutôt marqué par une certaine usure du pouvoir et plusieurs dossiers chauds à gérer : négociations avec les États-Unis et le Mexique sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), les problèmes organisationnels de la commission d’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la légalisation du cannabis et l’élaboration des plans d’action des provinces pour la vente et la distribution de la marijuana, le dévoilement de la nouvelle politique internationale du Canada et la gestion de la nouvelle politique culturelle controversée. Ce ne sont pas les dossiers qui manquent à l’ordre du jour du gouvernement Trudeau.
POLITIQUE INTERNATIONALE
Le Canada et le libre-échange
L’assermentation de Donald Trump à titre de 45e président des États-Unis le 20 janvier dernier a apporté un lot de problèmes pour le gouvernement canadien. Malgré la bonne entente affichée entre les deux dirigeants, plusieurs enjeux conflictuels sont à l’ordre du jour. Dès les premières semaines de son mandat, le nouveau président américain a en effet annoncé sa volonté de renégocier les termes de l’ALÉNA, accord de libre-échange signé entre le Canada, le Mexique et les États-Unis en 1994. Cette annone força le gouvernement Trudeau et les gouvernements provinciaux à multiplier leurs représentations à Washington afin de faire passer un message clair aux politiciens américains : les chaînes de production des biens canadiennes, américaines et mexicaines sont tellement liées entre elles qu’envisager de les couper au nom du protectionnisme économique ne ferait que nuire davantage à l’économie des trois pays de l’ALÉNA. Si les négociations semblaient aller de bon train au début de l’été, elles sont actuellement à un point mort : une entente négociée est de moins en moins envisageable en raison de la préférence des Américains de négocier des traités bilatéraux au lieu de négociations multilatérales. Les négociations entourant la mise à jour de l’ALÉNA ne sont pas le seul dossier de libre-échange que le gouvernement Trudeau a dû gérer cette année : il y a en effet l’accord avec l’Europe, l’accord Transpacifique et l’accord de libre-échange avec la Chine.
- Trudeau, Trump, des regards qui en disent long ! Ph : Flickr - ich bin
Signé après sept ans de négociations, l’accord de libre-échange avec l’Europe visait à accompagner l’implantation des compagnies canadiennes dans le marché européen. D’un côté, l’accord fut relativement bien accueilli par le milieu politique et celui des affaires ; or, il fut fortement condamné par les producteurs agricoles, notamment les fromagers, qui voyaient une concurrence déloyale avec les produits européens.
L’accord Transpacifique vise quant à lui a renforcer les relations commerciales entre le Canada, les pays de l’Asie et ceux d’Amérique du Sud. À l’instar de l’accord européen, le gouvernement Trudeau désire construire des espaces commerciaux libres de taxes douanières avec le marché asiatique. Cette volonté de négocier une entente avec la région Asie-Pacifique vient du fait que les relations commerciales entre cette région et le Canada peuvent se chiffrer, annuellement, autour de 800 milliards de dollars. Or, le retrait des Américains du processus de négociations vient sérieusement compromettre l’accord Asie-Pacifique.
En plus de l’ALENA et de l’accord Transpacifique, le gouvernement Trudeau désirait lancer des négociations pour un traité de libre-échange avec la Chine. C’est du moins ce que nous croyions lorsque le Premier ministre s’est rendu en Chine du 4 au 7 décembre 2017 pour y rencontrer Xi Jinping. Or, le Premier ministre est revenu au Canada bredouille : en effet, aucune entente permettant de commencer le processus de négociations ne fut signée entre le Canada et la Chine.
Si les dossiers de libre-échange semblent sur le ralenti, d’autres dossiers de la politique internationale du gouvernement Trudeau ont eu plus de retentissement. En juin 2017, la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, a déposé la Politique d’aide internationale féministe du Canada. Il s’agit à notre connaissance de la première politique internationale du gouvernement canadien qui met clairement de l’avant les problématiques liées à l’égalité des genres. Plus précisément, cette politique braque les projecteurs sur les problématiques d’inégalités des genres dans plusieurs sociétés et soutien que seul un réinvestissement massif envers les femmes et les filles peut aider à atteindre l’égalité des genres. Cette politique novatrice prévoit que 95 % des initiatives bilatérales du Canada vont devoir intégrer « l’égalité des genres et le renforcement du pouvoir des femmes et des filles » dans le texte du traité. Grâce à ces investissements, le gouvernement canadien espère s’attaquer aux fondements structurels de l’inégalité des genres.
POLITIQUE FÉDÉRALE
L’année 2017 s’est ouverte par l’abandon d’une des promesses phares de la campagne électorale des libéraux : la réforme du mode de scrutin. Le système électoral canadien est en effet basé sur le principe du vote uninominal à un tour ce qui permet la possibilité mathématique – et cette possibilité s’est concrétisée en 1944 en 1966 et en 1998 au Québec – que le parti formant l’opposition officielle récolte plus de votes que le parti formant le gouvernement. En 2015, Justin Trudeau avait affirmé que l’élection d’octobre 2015 allait être la dernière régie par ce mode de scrutin : force est d’admettre que les aléas du système ayant favorisé l’élection d’un gouvernement libéral majoritaire, il était plus difficile pour ce dernier d’aller de l’avant avec cette réforme. De leur côté, les libéraux ont justifié l’abandon de cette réforme par un manque de consensus au sein de la population à l’égard de la réforme du mode scrutin.
Si l’année 2017 a débuté par une tornade politique pour le gouvernement à la suite de l’abandon de la réforme du scrutin, les partis d’opposition ont également vécu leur lot de changement pendant cette année de mi-mandat. Le Parti conservateur du Canada (PCC) et le Nouveau parti démocratique (NPD) ont changé de chef. Dans le système parlementaire de style britannique canadien, les chefs jouent un rôle central dans le bon fonctionnement du système parlementaire : en plus de diriger les critiques de leur parti à l’endroit du gouvernement, les chefs des partis d’opposition doivent se présenter comme étant des Premiers ministres en attente. En raison de l’omniprésence des chefs dans le champ politique, les électrices et les électeurs ont le réflexe de voter pour le chef plutôt que pour le député qui se présente dans leur circonscription.
- Andrew Scheer (au centre) accompagné de Lisa Raitt (à gauche) chef adjointe du parti conservateur et d’Alain Rayes (à droite) son lieutenant politique au Québec - wikicommon
À la suite de la défaite du gouvernement de Stephen Harper lors de l’élection de 2015, le parti conservateur fut dirigé de manière intérimaire par Rona Ambrose pendant près d’un an et demi. Le 27 mai dernier, les militantes et militants conservateurs ont élu Andrew Scheer à la tête de leur parti. Jeune politicien issu de la droite religieuse, Scheer s’inscrit dans la même lignée idéologique que Stephen Harper, lignée qui peut se résumer ainsi : atteinte de l’équilibre budgétaire, favoriser la croissance de l’économie par la réduction du fardeau fiscal pour les contribuables et les entreprises et la création d’emplois. Le principal défi du nouveau chef conservateur est certainement de se faire connaître auprès des Canadiennes et des Canadiens qui, lors du déclenchement de la course à la chefferie, ignoraient pour la plupart l’existence d’Andrew Scheer. Or, la récente perte des comtés du Lac St-Jean (Québec) et de Surrey-Sud–White Rock (Colombie-Britannique) au profit des libéraux n’a certainement pas plu au nouveau chef conservateur. Ces deux comtés étaient en effet des forteresses conservatrices : ces défaites viendront certainement ébranler le leadership du nouveau chef.
- Jagmeet Singh - Ph : Flickr - npd
Le parti conservateur n’est pas l’unique parti à avoir changé de chef au cours de l’année 2017. Les membres du NPD ont élu Jagmeet Singh, un membre de la communauté sikh, à la tête du parti. Singh remplacera Thomas Mulcair qui était en poste depuis 2012. Les positions de Singh sont articulées autour de deux thèmes centraux : la diversité et l’inclusion. Dès la campagne à la chefferie, il a milité pour les droits de la communauté LGBTQ et pour la liberté religieuse des minorités ethniques. Comme le nouveau chef du parti conservateur, le chef néodémocrate devra également se faire connaître à l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Ce défi sera d’autant plus grand du fait qu’il ne siège pas à la Chambre des communes (parlement fédéral à Ottawa). Cependant, l’élection de Singh marque un certain changement dans le visage de la politique canadienne : la politique n’est plus le monopole des hommes blancs.
Les relations fédérales-provinciales
Le système constitutionnel canadien est basé sur un certain « dialogue » entre le fédéral et les provinces et une répartition des pouvoirs et des compétences. Par exemple, le Code criminel, les relations internationales, la défense, les douanes, la sécurité publique, l’espace aérien, la pêche et les océans et la monnaie sont de la responsabilité du gouvernement fédéral. De leur côté, les dix provinces et les trois territoires sont responsables de la santé, de l’éducation, des services sociaux, des routes et du transport, d’une partie de l’administration de la justice et de la gestion de leur finance. À l’intérieur de ce système, le Québec, la seule province majoritairement francophone, dispose de certains pouvoirs qui seraient traditionnellement sous la juridiction du fédérale. Ces pouvoirs se matérialisent concrètement dans la capacité du gouvernement du Québec de faire de la représentation internationale, et ce, grâce au ministère des Relations internationales et de la Francophonie. De plus, il possède la plus complète autonomie en matière de langue et de culture. Bien entendu, ce schéma de division des pouvoirs est une construction juridique et théorique : dans les faits, il y a constamment des chevauchements et des contradictions entre les politiques fédérales et provinciales. Conséquemment, la coopération fédérale-provinciale est parfois houleuse et chaotique.
En 2017, il y a eu deux grands dossiers où les discussions entre le fédéral et les provinces ont été les plus intenses, soit les transferts fédéraux en santé et toute la question de la légalisation du cannabis.
Les transferts fédéraux en santé
L’année 2017 s’est ouverte avec des négociations tendues entre le gouvernement fédéral et les provinces. Chaque année, les provinces reçoivent un montant (péréquation) de la part du gouvernement fédéral pour subventionner leurs différentes responsabilités. À titre d’exemple, le gouvernement du Québec recevra pour l’année financière 2017-2018 près de 23 milliards de dollars, dont 8,4 seront réservés au système de santé. En marge des transferts annuels, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont mené des séances de négociations avec Ottawa afin d’obtenir une enveloppe en santé bonifiée. Pour mener à bien ces négociations, les gouvernements provinciaux ont tenté, pour reprendre les mots du ministre québécois de la Santé et des Services sociaux, un « front commun », afin de créer un contrepoids aux propositions du fédéral et ainsi obtenir les budgets espérés. Le gouvernement fédéral a cependant réussi à signer des ententes individuelles avec l’Ontario et l’Alberta, forçant ainsi le Québec à revoir sa stratégie de négociation. Le Québec, deuxième province la plus peuplée après l’Ontario, a reçu une enveloppe de 2,5 milliards : l’Ontario a quant à elle reçu 4,4 milliards de dollars. Le Québec a obtenu du fédéral la possibilité de gérer l’enveloppe de manière asymétrique : le fédéralisme asymétrique est un concept important aux yeux du gouvernement québécois, car il donne la possibilité au gouvernement du Québec de dépenser comme bon lui semble les deniers contenus dans l’enveloppe. Cette asymétrie était mise de l’avant en réponse à la tendance du gouvernement fédéral d’appliquer le « mur à mur » à l’ensemble des provinces et des territoires.
- Gaétan Barrette (à gauche), ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec et l’ancienne ministre fédérale de la Santé Jane Philpott (à droite) - Ph : Flickr - Canada 2020
La légalisation du cannabis
L’application du « mur à mur » trouve des échos dans le dossier de la légalisation du cannabis. Lors de la campagne électorale de 2015, les libéraux de Justin Trudeau avaient fait deux promesses importantes : réformer le mode de scrutin et légaliser le cannabis. Puisque le dossier de la réforme du scrutin est rapidement tombé à l’eau faute d’un « consensus » au sein de la population canadienne, les libéraux ont décidé d’aller de l’avant avec la légalisation du cannabis. Déposé le 13 avril et adopté à la Chambre des Communes le 27 novembre 2017, le projet de loi C-45 prévoit la légalisation complète du cannabis à partir du 1er juillet 2018. Si le projet de loi fédérale prévoit les modifications nécessaires au Code criminel et certains grands principes directeurs entourant la légalisation, ce sont les provinces qui sont responsables de mettre en place les institutions et les infrastructures nécessaires à la vente et à la distribution du cannabis. Plusieurs provinces ont fait part de leur mécontentement au gouvernement fédéral en raison du délai trop restreint pour mettre en place les mécanismes nécessaires à la vente et à la distribution. Les plaintes adressées au gouvernement fédéral sont cependant restées lettre morte : le cannabis sera légalisé dès le 1er juillet 2018 et les habitants des provinces n’ayant aucun plan de vente ou de distribution pourront acheter leur cannabis dans les autres provinces et le recevoir par la poste. Le refus du fédéral de modifier l’échéancier a suscité la grogne des provinces. Le 10 et 11 décembre 2017, le ministre fédéral des finances Bill Morneau a réuni ses homologues provinciaux pour discuter notamment de la redistribution de la taxe de vente du cannabis. Lors de cette réunion, il fut décidé que les provinces allaient récolter 75 % de la taxe : les provinces avaient en effet plaidé que les principales dépenses allaient être assumées par les provinces et les municipalités. Il convient maintenant aux provinces de s’entendre avec les municipalités sur la manière dont ces revenus seront distribués.
- Ottawa - Ph : Flickr - David Mc Cormack
SOCIÉTÉS
Note de l’auteur :
J’ai longuement hésité à savoir si je devais inclure une section « société » au présent article. Le problème qui me faisait hésiter est celui que « la société canadienne », et il s’agit ici de mon point de vue personnel, n’existe pas, hormis peut-être à Ottawa. Le vocable « société » au singulier me rend extrêmement mal à l’aise, car le Canada n’est pas une société unie. Le Canada, et ce depuis le XVIIe siècle, s’est construit sur une série d’oppositions culturelles et linguistiques. Il y a certes les tensions bien vivantes entre les anglophones et les francophones, entre l’Est et l’Ouest, entre le Québec et les provinces de l’Ouest, mais également entre les Premières Nations et le reste du Canada. Depuis le XVIIe siècle, les Premières Nations ont toujours été en second plan, considéré comme des peuples secondaires, et ce, tant par les anglophones que les francophones. Que ce soit la loi fédérale sur les Indiens où les pensionnats québécois des années 1950 visant à assimiler les Premières Nations, le Canada et les provinces ont un bilan peu reluisant à l’égard de leurs relations avec les Premières Nations. Cette mise au point était selon moi nécessaire afin de faire bien comprendre que le Canada n’est en aucun cas homogène tant sur les plans linguistique que culturel.
Canada 150
En 2017, le gouvernement Trudeau a tout mis en œuvre afin de démontrer à la population canadienne, mais également au monde entier, que le Canada était une société unie et homogène. Cette vision du Canada fut mise de l’avant en raison du 150e anniversaire de la Confédération canadienne. C’est effectivement en 1867 que les provinces du Québec, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont signé leur « indépendance » vis-à-vis de la Grande-Bretagne.
- Ph : Flickr - Andrew Corby
En parallèle aux festivités, la chaîne de télévision CBC a diffusé une série « historique » sur le Canada intitulée The Story of Us. Cette série fut critiquée de manière véhémente par plusieurs groupes citoyens. Parmi eux, les historiens ont mis en relief la volonté centralisatrice de la série documentaire : la série tentait en effet de montrer un Canada uni. Après tout, le mot us - nous dans le titre de la série est assez révélateur : il s’agit de l’histoire de tous, sans nuance. La diffusion de cette série est la matérialisation concrète d’un problème structurel symptomatique du Canada, soit la volonté du gouvernement fédéral d’uniformiser la population le plus possible sous les « valeurs canadiennes », sous le « nous », ce qui laisse très peu de place aux Premières Nations et aux francophones. La série a relancé le débat sur ce que c’est, au fond, que l’identité canadienne, sans qu’une réponse soit effectivement trouvée. Ironiquement, le mot us demeure une coquille conceptuellement vide, car personne ne se reconnaît dans ce nous.
Enfin, toutes les références à l’histoire furent évacuées lors des célébrations : ce refus de l’histoire explique l’échec du 150e, car, au final, personne ne savait réellement ce que l’on fêtait. Un pays construit sur la division et l’assimilation ou, selon les libéraux, un pays plutôt fondé sur l’unité et le multiculturalisme ?
La commission sur les femmes et les filles autochtones assassinées ou disparues
Dans une volonté de réconciliation avec les Premières Nations, le gouvernement Trudeau a créé en septembre 2016 la Commission sur les femmes et les filles autochtones assassinées ou disparues. Cette commission s’inscrit plus largement dans un contexte où plusieurs dossiers concernant l’assassinat ou la disparition de femmes et de filles autochtones sont restés lettre morte. Plusieurs enquêtes n’ont en effet jamais abouti à une condamnation ce qui poussa le gouvernement a créé cette commission. En 2017, plusieurs problèmes importants ont miné les travaux et le respect de l’échéancier initialement prévu par la commission. Parmi ces problèmes, les participantes ont mis en lumière le caractère colonial de la commission : elles indiquaient que le cadre de gestion était conçu par le gouvernement fédéral et qu’il ne prenait pas en compte la diversité des Premières Nations. Ce problème de perception à l’égard de la commission fut renforcé par une vague de démissions au sein de l’institution, dont la commissaire responsable de la Saskatchewan qui démissionna le 15 juillet 2017 : à l’instar des participantes, elle critiquait le colonialisme de la commission et les problèmes récurrents de communication entre l’institution et les familles rendant ainsi le travail des commissaires particulièrement pénible. Ces problèmes de communication ont en retour profondément miné la confiance des familles envers la commission. Celle-ci devait rendre public son rapport en 2018 : or, le délai dans les consultations rendrait très difficile pour la commission de respecter cet échéancier.
Environnement
Le Canada a toujours eu un double discours en matière d’environnement. D’un côté, le gouvernement Trudeau se présente comme le gouvernement « vert » conjuguant à la fois développement durable et économique. C’est sous cette façade que le gouvernement Trudeau s’est présenté à la COP 21 sur les changements climatiques à Paris. Cependant, le gouvernement avait les mêmes cibles environnementales que les conservateurs ; inutile de rappeler ici que le bilan conservateur en matière d’environnement était relativement médiocre, principalement en raison de leur refus de reconnaître les changements climatiques comme étant une conséquence des activités humaines. Le gouvernement a adopté le même discours lors de la COP 23 à Bonn en novembre 2017, c’est-à-dire une politique visant à articuler développement durable et économique. De fait, malgré ses discours irénistes, le Canada soutient sans hésitation l’exploitation toujours aussi intensive des sables bitumineux d’Alberta.
En plus de l’exploitation pétrolière, le gouvernement a autorisé le projet Énergie Est de TransCanada. Ce pipeline avait pour objectif de relier le pipeline déjà existant entre l’Alberta et l’Ontario à Saint-John au Nouveau-Brunswick. Le tracé prévoyait que le pipeline longe le fleuve Saint-Laurent, au Québec, pour ensuite bifurquer vers le Nouveau-Brunswick. Ce projet a soulevé une levée de boucliers au Québec tant de la part des groupes environnementaux que de l’ensemble des municipalités touchées par le tracé, ce qui incluait Québec et Montréal. La tension entre le Québec et l’Alberta s’est de nouveau fait sentir puisque le gouvernement albertain demandait au Québec d’accepter ce projet au nom de l’unité canadienne. Grâce à une mobilisation citoyenne soutenue, le projet Énergie Est a finalement été abandonné par TransCanada le 5 octobre 2017.
(Insérer ici image Opposition Énergie Est) (Ph : Flickr_Greenpeace Canada)
CULTURES
À l’instar de la section sur la « société canadienne », il n’existe pas une culture canadienne au singulier, sinon celle de l’Amérique du Nord au sens large. Il existe en revanche une constellation de cultures locales qui varient entre les provinces maritimes (et l’Acadie en leur sein), le Québec, l’Ontario, les grandes plaines, la Côte Ouest, et chacune des Premières Nations réparties dans toutes les provinces et les trois territoires. Toutes sont cependant affectées par la nouvelle politique culturelle canadienne, déposée le 28 septembre 2017 par la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.
- Mélanie Joly - Ph : Flickr - Premières en affaires
Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien dans le cabinet Trudeau, a déposé le 28 septembre 2017 la nouvelle politique culturelle canadienne. En bref, la politique prévoit un accord avec Netflix selon lequel la compagnie devrait investir 500 millions de dollars sur cinq ans afin de produire des téléséries au Canada, dont 25 millions seraient réservés à la production de contenus francophones. De plus, la politique ne spécifie aucune entente fiscale avec la compagnie : en effet, Netflix pourra diffuser ses téléséries sans payer un sou en taxes et en impôts. Cette entente fut fortement critiquée par le milieu culturel : d’une part, le milieu culturel francophone juge que les 25 millions prévus pour la production francophone sont nettement insuffisants et l’absence de critères sur la manière de dépenser les autres 475 millions créera des inégalités entre les productions anglophones et francophones ; d’autre part, le milieu culturel trouve injuste l’exemption fiscale dont jouit Netflix, car le géant américain pourra produire des téléséries avec des avantages fiscaux qui vont grandement nuire à la production télévisuelle locale. Comment réussir à concurrencer un géant de la diffusion continue et qui jouit en plus d’exemptions fiscales ? Le milieu de la culture a multiplié les lettres à la ministre afin de dénoncer la nouvelle politique culturelle.
En plus de l’entente avec Netflix, la politique culturelle canadienne prévoit financer massivement le virage numérique de l’industrie culturelle. Par exemple, le gouvernement fédéral prévoit favoriser la diversité culturelle par une plateforme en ligne. Le cadre stratégique de la politique culturelle est cependant muet à l’égard de la forme que prendra cette plateforme en ligne : elle stipule cependant qu’elle sera créée en harmonie avec la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ratifiée par le Canada. Ce constat est particulièrement ironique de la part d’un gouvernement qui, jusqu’à maintenant, a toujours refusé de signer la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Le gouvernement a toujours refusé de signer cette convention de peur de raviver des mouvements nationalistes locaux qui pourraient diviser la sacrosainte « unité canadienne ».