Consigne : réécrire le texte de la chanson Le soleil a rendez-vous avec la lune de Charles Trénet.
Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova Makarius
Je t’ai aimé.
Mais tu m’étouffes. Tu m’encercles. Ton énergie, ton flot m’envahissent, tes colères me noient.
Tes colères.
J’aimerais t’apaiser, savoir te consoler, t’aimer, comme avant. Quand tu te déchaînais sur moi, que tu te lovais et pleurais jusqu’à ce que tes émotions s’aplatissent.
Mais maintenant… C’est la noyade qui m’attend.
C’est ma perte en toi, dans les profondeurs de ton être, les abysses de ton âme, les épaves de ton passé.
Tes épaves.
J’ai peur. Je tremble. Je brûle.
Pas les épaves. Ne pas devenir une de tes épaves. Ne pas devenir ton Atlantide, engloutie dans ta noirceur.
Tu m’immerges chaque année plus encore : plus de ton vague à l’âme qui me poignarde sans cesse, plus de tes larmes qui aspirent les miennes. Tes émotions me submergent, et ce n’est que ton sel que je parviens à pleurer.
Tes rages empirent, les empires te supplient… Les ténèbres de tes abysses grandissent..
Mais c’est eux qui causent tes colères. Ces empires. C’est eux ! Pourquoi t’abats-tu là…pourquoi t’abats-tu sur moi ?
…
Tu te souviens ? Notre première rencontre. J’émergeais tout juste, découvrant une liberté et un monde impossible à parcourir - c’est que je ne sais ni marcher ni nager - tu es vite devenu le mien. Sous le soleil tendre, tu t’es présenté : Pacifique.
Sous la bienveillance lunaire, nous nous racontions nos espoirs pour les vies à venir.
Et le Soleil et la Lune se succédaient et nous leur confions l’amour de l’un à l’autre et leurs sérénades et leurs désirs… Et nous leur cachions notre gêne, de nous interposer dans cet amour que nous savions impossible.
Nous nous embrassions. Et tu me promettais le calme plat.
Ces éternités se sont envolées.
J’aimerais te chanter la beauté des orages, leurs basses grondantes, mais je sais que la prochaine pluie me plongera dans l’oubli.
J’aimerais t’étreindre une fois et savoir que j’en sortirai entière, mais les quelques parcelles sauves de mon être me supplient dans leur dernier soupir.
J’aimerais sentir ton air salin encore longtemps, mais j’ai peur d’y goûter à tout jamais.
J’aimerais sentir la douceur de tes caresses même si je sais que leurs sourdes lames veilleront à me déchirer.
J’ai peur, Pacifique. J’ai peur que les vents me ravagent, que l’air me brûle. J’ai peur des frappes du Soleil et que la Lune te commande de m’étouffer.
Je tremble, Pacifique. Fini la bienveillance de la lune et la tendresse du soleil. Oubliés les jours où nous déclamions l’amour de l’un à l’autre. Je tremble, et ces tremblements finiront par me fendre.
Je brûle, Pacifique. Je brûle et tu ne peux pas m’éteindre. Tu ne peux pas m’étreindre, tu m’engloutirais, et je ne veux pas rejoindre tes épaves. Pas une autre, pas une de plus, pas la tienne.
J’ai peur, Pacifique. Je tremble. Je brûle aussi.
Et tu ne peux pas m’étreindre.
Parce que je suis une île et tu es l’océan.
Et si je te serrais comme je le voudrais,
Tu me noierais.