Consigne : Réécriture d’une microfiction de David Thomas, « Tu devrais écrire » (Un homme à sa fenêtre, éd. Anne Carrière, Paris, 2019, p. 184) dont voici le début et la fin :
« Tu devrais écrire un scénario. Tu devrais écrire des dialogues de scénarios. Tu devrais écrire pour la télé, ça paye bien. Tu devrais écrire des livres pour enfants, ça cartonne. Tu devrais écrire un bon gros roman de quatre cents pages sur un djihadiste repenti ou sur les histoire de cul de la femme d’un Premier ministre ou sur la guerre de 14 ou d’Algérie ou sur une fille violée par le chien de son oncle à onze ans, ça, c’est bien. Tu devrais écrire du théâtre. Tu devrais écrire une pièce de théâtre à succès. Tu devrais écrire une saga (…) »
Quelle chance j’ai d’être entouré de gens qui savent où est mon salut…
Qu’elle est jolie lorsqu’elle sourit ! Qu’elle est discrète, on pourrait la croire muette ! Qu’elle est sage pour une enfant de son âge ! Quelle imagination derrière ce visage tout mignon ! Qu’elle est positive, encore plus lorsqu’elle se cultive ! Qu’elle est curieuse, j’en serais presque envieuse ! Quelle passion pour la rédaction ! Quelle facilité innée pour raconter ! Qu’elle est intelligente et indépendante ! Quelle mémoire, ah ça je ne me risquerais jamais à lui raconter mes déboires ! Quel talent pour la lecture, ne connait-elle jamais l’usure ?
Que de dons en un petit corps brouillon. Plus brillante qu’une étoile filante, ta fille ne manque de rien ; elle ira loin.
Jolie, souriante, discrète, sage, imaginative, mignonne, positive, cultivée, curieuse, passionnée, talentueuse, intelligente, indépendante, autonome, sociable, sportive…
L’image parfaite. Pourquoi ?
Solitude écrasée par la volonté de ces adultes aux belles pensées, la gamine est naturellement douée mais jamais on ne s’est demandé pourquoi elle n’avait plus de voix. Pourquoi, jamais elle ne s’arrêtait de dévoiler son sourire. Pourquoi, paradoxalement, elle parlait et riait trop fort en dehors. Pourquoi elle s’était enfoncée dans la timidité. Pourquoi elle usait de son imagination pour se créer une illusion. Pourquoi elle passait ses journées à s’enfermer dans un monde de fiction. Pourquoi toujours, elle s’efforçait de montrer à quel point elle savait. Pourquoi elle savait se faire à manger, savait se débrouiller. Pourquoi, aussitôt la porte fermée et la majorité annoncée, elle les avait oubliés.