Consigne : réécrire le texte de la chanson Le soleil a rendez-vous avec la lune de Charles Trénet.
Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova Makarius
Solveig claque la porte derrière elle. Tassée dans le réduit, son dos frémit contre la paroi froide. Elle se recroqueville. Ses bras entourent des jambes fébriles d’avoir couru. S’il y avait de la lumière, on y verrait les bleus. Elle tente de calmer sa respiration, de ne pas faire de bruit. Ses yeux s’habitueront mais en attendant elle les ferme et se fait toute petite.
Les poumons de Vernier le brûlent, les respirations se hachent et attisent le feu de sa gorge. Il crache mais continue de courir, il accélère même, manquant de renverser une passante au coin de la rue, il bouscule l’étale de l’épicier. Des jurons lui fleurissent aux oreilles tandis que les pommes roulent et s’écrasent sous les roues d’un Scénic, il n’a pas le temps de s’arrêter. On ne saura pas s’il aurait choisi d’aplatir le visage du vendeur sur le goudron ou s’il aurait payé la purée de fruits frais. Vernier ne se retourne pas, il a besoin d’aller plus vite, il regrette de fumer.
Elle entend un bruit et arrête complètement de respirer. Le souffle en suspens, elle guette le moindre son. Solveig n’entend que son cœur qui semble avoir décidé de venir se loger tout contre ses tympans. Elle souffle aussi silencieusement que possible, les muscles engourdis de rester prostrée, une douleur aiguë dans la hanche la rattrape à quand elle expire. Elle enfonce les dents dans sa lèvre, au fond, elle sait qu’il arrive, qu’elle ne fait que retarder le moment.
Qui a décrété que ce serait aujourd’hui que la rue serait aussi bondée ? Était-il absolument nécessaire que tous les habitants de cette putain de ville choisissent de ne plus prendre la voiture, de délaisser le métro et de rechigner à prendre le bus spécifiquement ce samedi ? Vernier maudit l’écologie et se promet de louer un 4x4 pour ses prochaines vacances. Il sent qu’il ne l’atteindra pas à temps. Son pas ralentit mais vite il se reprend et court de plus belle. Les derniers mètres, elle est au bout de la rue, il la devine à l’angle, un dernier effort et il ouvrira enfin cette foutue porte.
Les pas se rapprochent et la course s’arrête. On entend comme un rire et la poignée s’abaisse sous le poids d’une main pressée. La lumière éblouit Solveig qui se sait ainsi découverte. Le choc d’un corps qui lui tombe dessus et son fils qui crie qu’il l’a trouvée, sa peau fragile marquera demain la découverte. Elle le repousse le temps de se déplier, puis l’encercle à nouveau de ses bras, encore à moitié dans le placard. Elle est un peu émue, se rappelle quand elle laissait dépasser ses pieds du canapé et que pourtant il ne la trouvait pas sans qu’elle lui indique s’il était chaud ou froid.
Vernier n’a pas pu ouvrir la porte. Une fois en haut des marches, il a continué d’essayer même si sa montre indiquait 19h05, refusant de croire qu’il venait de battre Usain Bolt pour ne pas pouvoir rendre le Beckett que la bibliothèque lui réclame depuis des mois. C’était le dernier jour de la dernière relance et quand il a vu le coin du bouquin dépasser du divan, il a vraiment cru qu’il pourrait échapper aux 20 balles de pénalité. Manqué.