La consigne : réécriture d’un texte de Gianni Rodari, « Tant de douleur pour rien », Le Livre des erreurs, trad. Jean-Paul Manganaro, Ypsilon éditeur, 2020. Voici son début :
« Un brave monsieur de l’Ain ou de l’Aisne rêva des années durant d’obtenir quelque titre honorifique. Finalement, grâce à de puissantes recommandations, il parvient à se faire décorer du titre de « chevalier ».
Mais imaginez sa déception et sa douleur lorsque le titre arriva et qu’il découvrit qu’on l’avait fait… « chevallier », avec deux « l ».
— Qu’ai-je donc à faire d’un titre erroné ? se plaignait-il auprès des siens. Les gens vont rire de moi.
Les gens avaient d’autres soucis en tête. Mais ce brave monsieur de Tours ou Saint-Estèphe n’eut de répit qu’il n’eut confié ses peines au puissant personnage qui l’avait recommandé.
— Nous allons prendre tout de suite des mesures, le consola le personnage. Je vais te faire commandeur.
Cette nouvelle se sut à l’entour. Tout le monde courait se féliciter avec l’attitré.
Le titre arriva dans un paquet scellé avec de la cire à cacheter. Le brave monsieur de Lyon ouvrit le paquet les mains tremblantes et… tomba au sol dans les pommes.
Le pauvre ! On l’avait fait « comandeur » avec un seul « emme ». (…) »
Un homme tout à fait correct vivait dans l’Ain ou dans l’Aisne et avait le dessein pendant de nombreuses années de se voir attribuer n’importe quelle distinction. Après de multiples tentatives de recommandations, il atteint enfin son but et obtint le très distingué titre de « chevalier ».
Hélas, sa déception ne fut que plus grande lorsqu’il découvrit le-dit titre. En effet, le terme était orthographié avec un double « l ». Cette coquille lui déplut fortement et il déclara :
– Je n’ai nul besoin de ce titre erroné ! Qui en voudrait à ma place ? Il ridiculise ma
personne. Il racontait cette histoire à qui voulait bien l’entendre.
Les gens n’y prêtaient guère attention. C’était le cadet de leurs problèmes. Mais cet homme ne se découragea pas et n’eut de cesse de remuer ciel et terre que lorsqu’il eut enfin réussi à faire connaître ce malentendu auprès de la personne qui l’avait recommandé pour ce titre honorifique.
– Je vais régler ce malentendu, déclara le concerné. À la place, tu seras nommé
commandeur.
La nouvelle se répandit alors comme une traînée de poudre. Et le futur commandeur se voyait félicité à longueur de journée.
Arriva enfin une très belle missive cachetée de cire qui contenait la précieuse récompense. Mais sa surprise fut si grande qu’il s’évanouit à l’ouverture de celle-ci. Après beaucoup d’efforts de la part de sa femme, il reprit enfin conscience et fut questionné sur le contenu de la lettre. Il balbutia alors qu’il manquait un « m » au titre de commandeur. Sa femme tenta de le rassurer en prenant l’exemple d’un membre de sa famille qui était « collonnel » avec deux « l » et deux « n ».
Mais l’homme resta inconsolable. Il fut tellement abattu par cette affaire qu’il dépérit et tomba gravement malade. Mais il ne mourut pas et continua de remuer ciel et terre afin de réparer cette terrible injustice.
À la fin de sa vie, il obtint enfin gain de cause et se vit devenir « capitaine ». Tout était parfait ! Mais il trépassa la nuit qui suivit cette nouvelle.
Cette histoire montre bien que certaines choses, aussi futiles qu’elles puissent être, ne valent pas la peine de se tuer à la tâche pour elles. Tout ce que l’on obtient au final, c’est une peine encore plus grande.