Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova MakariusConsigne : écrire une microfiction en s’inspirant de l’œuvre de Joseph Koudelka et en particulier de son ouvrage Fabrique d’exils.
La chaleur du parc a été étouffée par l’étreinte de l’hiver. Plus loin, les feuilles se détachent des branches, s’envolent, pour finir leur vie écrasées sous les talons des passants insouciants du monde qui les entoure.
L’éclat dans ses yeux s’est éteint depuis longtemps, perdu au fil des mois. Ses os sont à peine protégés par le peu de chair qu’il lui reste. Il n’essaye plus de venir quémander, l’effort physique risquant de briser ses pattes si fines. Son estomac grogne, se plaint pour des oreilles qui ne lui prêtent nulle attention.
Ses coussinets s’enfoncent dans le pavé, ses griffes se brisent sur la pierre, mais il pousse son corps à bout et se traîne jusqu’à la fenêtre de sa maison. Le froid s’infiltre sous sa peau et ronge ses tripes. L’effort est grand mais il parvient à ne s’effondrer qu’une fois appuyé contre la porte vitrée. L’animal ferme les yeux, le museau pressé contre le verre. Les taches blanches dans sa vision grandissent, l’enveloppent. Son corps tremble, attaqué par la faim et la morsure du froid, mais il ne ressent plus aucune douleur.
La lumière est aveuglante mais allège son esprit. Il peut prétendre être de retour chez lui. Il peut prétendre appartenir aux humains qui ont envahi son foyer.
Le lendemain, son cadavre sera jeté dans un fossé rempli des victimes des atrocités de la guerre. Peut-être y retrouvera-t-il sa famille, parmi ces corps défigurés.