Lieu mythique de commémoration et de communion
Le nom du stade est une commémoration en hommage aux premières victimes publiques d’un régime encore
balbutiant qui n’avait que la violence spectaculaire pour imposer un respect indu et une autorité volée. En effet, aux premières heures de celle qu’on appelle IIè République, quatre hommes sont sommairement envoyés à la mort devant des kinois médusés par cet étalage de terreur. Ce crime originel poursuivra tout au long de son règne, Mobutu, qui tentera vainement de l’ensevelir sous la coulée d’un épais béton. Peine perdue, ironie du sort le bâtiment n’en est devenu qu’une vertigineuse pierre tombale, baptisée Kamanyola, une tonitruante victoire militaire et une fierté nationale. Mais le sang qui coule est toujours bavard, tapageur. A la chute du régime qui tentait de les étouffer, ces hurlements devinrent si assourdissants que les corps en tremblaient. Le bruit sourdait de dessous le béton et dénonçait une amnésie coupable. Kamanyola fut déchu, Martyr érigé.
Les vibrations continuèrent dans cette antre où tout est célébration. Meeting politiques, offices religieux, concerts de Rumba, le stade est la montagne d’où la force s’expose, le lieu de démonstration de popularité et de plébiscite. Aussi, remplir Martyr est un but en lui-même, ne serait-ce que pour ressentir l’éruptive et enveloppante énergie ; se faire porter par elle sans chercher à la contrarier. C’est alors, dans cette bouillante communion, dans cette chaleur en partage que la marmite s’embrase.
Les jeux sont adoptés à l’unisson
Choisir de lancer les jeux au stade des Martyrs était la meilleure manière de réclamer l’adhésion populaire, car nul autre endroit kinois ne concentre en lui autant de force symbolique. C’était un défi que les organisateurs se sont lancé. Même si les abords sont encore en chantier, même s’il faut des circonvolutions pour y accéder, il fallait que ce soit là. Convaincre le stade des Martyrs c’est dompter la terreur et conjurer le mauvais sort, écarter ainsi les funestes présages qui s’accumulaient sur ces jeux à l’approche de la date fatidique. Les visites multipliées du chef de l’état sur les différents sites en travaux n’attisaient que trop de méfiance ; la circonspection des premières délégations refrénait l’enthousiasme ; les changements de prestataires de dernière minute trahissait impréparation voire improvisation.
Mais la cérémonie inaugurale a éloigné toutes les suspicions. Dans un programme finement ficelé, exécuté avec une rigueur qui force l’admiration, le public du stade des Martyrs criait à tout rompre. A l’heureuse surprise s’ajoutait des champs en l’honneur du président. Longtemps après la fin de la cérémonie, les kinois affichait leur fierté, pour leurs jeux. Les discussions passionnées se sont poursuivies avec un entrain tout kinois sur la prestation de Fally, sur l’élégance des sapeurs ou encore sur l’inusable Bill Clinton, dont la reprise d’Amsterdam est l’hymne du Dojo, un lieu atypique où je termine mes soirées.