Petite histoire du Noël alsacien
De la fin novembre jusqu’au jour de l’Epiphanie, la cigogne qui vous guidera dans le ciel alsacien sera irrémédiablement attirée par les bougies et les lumières allumées en l’honneur de la magie de Noël. Colmar et les villages alentours brillent alors de mille couleurs et d’autant de parfums. En prêtant l’oreille, on peut même entendre le rire des enfants sages et les inquiétudes légitimes des garnements ! Au fait, qui sont les héros du Noël alsacien ? On parle souvent de Saint-Nicolas, que tous les enfants d’Europe du Nord connaissent pour sa générosité et sa bonté. Mais, soyons lucides, les enfants lui préfèrent Christkindel. C’est à cette jeune fille vêtue de blanc et coiffée d’une couronne de sapins que revient le privilège de porter les cadeaux.
Elle est accompagnée d’un personnage hirsute et bougon, Hans Trapp. Ce grossier personnage s’occupe des enfants désobéissants. Et l’indispensable sapin, direz-vous ? Depuis le moyen-âge, un sapin était accroché au plafond, dans le chœur des églises. Il était décoré de pommes rouges et d’hosties. Les unes représentant la tentation, et les secondes la rédemption. Puis, à la fin du 16ème siècle, les sapins furent ornés de roses et de fines feuilles de métal doré. Peu à peu, les confiseries comme le Bredele et la pâte d’amande remplacèrent les hosties.
- Lumière alsacienne à Kaysersberg
Au 19ème siècle, on imprimait des feuilles et des images brillantes collées sur des personnages en sucre ou en chocolat. Depuis le passage au 20ème siècle, on décore le sapin d’étoiles, de guirlandes, de boules ou de clochettes. Autrefois la plupart des objets en verre étaient soufflés par les verriers de Meisenthal. Aujourd’hui, les marchés de Noël permettent à chacun de faire le plein de produits artisanaux traditionnels : Les boules de verre soufflé, des tissus, des boites à musique, des jouets, des santons en porcelaine ou en bois et naturellement des couronnes de l’Avent. Mais si la décoration du sapin et des fenêtres du logis est importante, il ne faut pas oublier de s’approvisionner en gourmandises.
- Colmar sous la lumière de Noël
- Photo : CRTA - Zvardon
Que ce soit pendant la période de l’Avent ou le jour de Noël, les papilles et les narines sont à la fête. Les agrumes sont présents dans les gâteaux et les confiseries. Oranges, citrons ou mandarines, parfois accompagnées de pommes ou de poires sont découpés, séchés et relevés de cannelle ou de girofle. Les fruits secs, tels que les figues, les dattes ou les noix sont les principaux ingrédients des pâtisseries. Pour les amoureux des senteurs à la fois exotiques et tellement alsaciennes, profitez de l’anis, la noix de muscade ou du miel odorant des forêts de sapins. Quant au pain d’épices, souvent en forme de petits bonshommes, il est indispensable sur chaque table familiale.
Enfin, les rois de la fête : Les Bredele et leur famille, les Lebkuchen, les Leckerli, les Springerle ou Anisbredel. En forme de losange, de sapin, de lune ou d’étoile, ils sont parfumés à l’anis, aux amandes ou au citron. Chaque maman d’enfants sages a une recette… Pour ceux qui ne croient plus au Christkindel et à Saint-Nicolas et préfèrent jouer avec Hans Trapp, n’oubliez pas de goûter le vin chaud et la bière de Noël ! Ha, j’oubliais une information rassurante : Celles et ceux qui viennent au marché de Noël à dos de cigogne ne seront pas soumis au contrôle d’alcoolémie. Les cigognes non plus. Frehtigi Wiahnàcht* à toutes et tous !
- Magie à Colmar
- Photo : CRTA - Meyer
« La plus belle ville du monde »
En 1931, l’écrivain Georges Duhamel osait écrire : « Que veux-tu que je te dise ? La vérité d’abord, même quand elle est absurde, même quand elle est injuste. Force m’est de me répéter que tu es, ce matin, le meilleur des amis et que Colmar est aujourd’hui, la plus belle ville du monde… » Les mauvaises langues diront que l’exagération cache une subjectivité malhonnête ! Pourtant, Colmar est un paradis pour l’œil et le palais. Commençons par les plaisirs gourmands. Qui peut nier que l’hiver soit propice au partage d’un bon plat calorique et d’un verre de vin local, et pourquoi pas d’une bière brassée à deux pas ? C’est ce que proposent les Winstub, repérables à leurs enseignes de fer forgé, leurs rideaux et nappes à carreaux et le parfum des tartes flambées ou de galettes de pommes de terre qui s’échappent des portes entrouvertes. Après avoir passé l’heure du repas dans un Winstub, rien de mieux qu’une promenade digestive dans les ruelles colmariennes illuminées des couleurs de la fête.
- le cloître du musée Unterlinden
La ville historique est partagée en quartiers clairement identifiés. Le point de départ idéal pour découvrir Colmar est le Musée Unterlinden. Il est malheureusement interdit d’entrer avec sa cigogne. Le musée se tient dans un ancien couvent de Dominicains construit au 13ème siècle.
Le joyau de la collection de peintures médiévales et contemporaines est le retable d’Issenheim réalisé par Matthias Grünewald au 16ème siècle. A deux pas se trouve la Maison des Têtes, typique de l’art de la Renaissance rhénane. Cette demeure bourgeoise, associée au négoce du vin depuis son origine, est décorée de 105 têtes grotesques. L’église des Dominicains est toute proche. Son architecture austère fut achevée en 1346 par les Dominicains souhaitant affirmer le retour de l’Église à des préceptes de pauvreté. Si son aspect extérieur et sa décoration intérieure respectent cette volonté, un élément fait exception : « La Vierge au Buisson de Roses ».
Il s’agit d’un des chefs-d’œuvre du peintre et graveur colmarien Martin Schongauer, peint en 1473. Tout proche se trouvent deux édifices qui font le bonheur des éditeurs de cartes postales : La maison Pfister construite en 1537 par un chapelier de Besançon et le Koïfhus, qui fut un entrepôt de marchandises et une sorte de maison commune aux marchands de la région. Viennent ensuite les ensembles architecturaux les plus étonnants de Colmar : « La Petite Venise » et le quartier des Tanneurs. Les petites maisons étroites aux couleurs jaune, bleue ou ocre, souvent à colombages, se reflètent dans l’eau de la Lauch.
- Le quartier de la Poissonnerie
Bateliers, pêcheurs et tanneurs se partageaient ce qui est aujourd’hui le Quai de la Poissonnerie et la rue de la Poissonnerie. Autrefois, les maraîchers à bord de bateaux à fond plat venaient décharger leurs productions dans ces mêmes quartiers. Aujourd’hui, grâce à une restauration de qualité réalisée dans les années 70, le lieu est un paradis pour les promeneurs romantiques. Quant aux poissonniers et aux maraîchers ils ont malheureusement été balayé par les supermarchés dressés à l’extérieur de la ville.
- Hunawihr, la route des vins
Un Noël sans vin n’est pas alsacien
Si vous n’y prenez pas garde, votre cigogne quittera Colmar dès que l’occasion se présentera. Elle vous emmènera vers la Route des vins. Connue de tous les amoureux du vin d’Alsace, cet itinéraire est long d’environ 170 kilomètres entre la région d’Obernai au nord et celle de Thann au sud. C’est le pays des fameux Riesling, Gewurztraminer ou Tokay Pinot gris. Aux environs de Colmar, le promeneur sillonnera les vignes, accrochées à des coteaux légèrement enneigés, seulement ponctués par les villages fortifiés les plus séduisants d’Alsace. Riquewihr en est la perle. Depuis le 16ème siècle, ce village a été épargné par les envahisseurs de toutes sortes et seuls les buveurs de Riesling ont le droit d’entrer ! Ils sont 2 millions chaque année à déambuler dans les rues miniatures ou les caves de dégustation. Les belles enseignes en fer forgé les attirent comme un aimant. On peut aussi visiter la Maison Hansi. Le maître des lieux était un artiste dont les dessins et les caricatures réalisées à partir de la guerre de 14 marquèrent la première moitié du 20ème siècle. Ses œuvres patriotiques et idylliques furent utilisées au-delà de ses espérances, parfois contre son souhait. De nombreuses aquarelles, lithographies ou affiches publicitaires sont visibles dans sa maison de Riquewihr.
Très proche, le village de Kaysersberg, patrie natale du « bon docteur Schweitzer », qui s’illustra dans la première moitié du 20ème siècle par son action humanitaire en Afrique Noire, notamment au Gabon. Sur cette terre de vin, ne manquez pas le puits construit en 1618. La citation gravée sur celui-ci prouve que l’humour et la publicité ne sont pas des valeurs récentes : « Si tu te gorges d’eau à table, cela te glacera l’estomac. Je te conseille de boire du bon vin vieux, et laisse-moi mon eau ». Plus au nord, vos papilles apprécieront le détour par Ribeauvillé. Sans doute moins pittoresque que ses voisines, cette petite ville de 5000 habitants compte parmi les plus hauts lieux de l’Alsace gourmande. Enfin si vous désirez faire plaisir à votre cigogne de compagnie, passez à Hunawihr.
Elle y rencontrera ses congénères au Centre de réintroduction des cigognes et des loutres. Ces deux espèces dont la survie à l’état naturel n’est pas assurée sont choyées par des scientifiques dans un lieu ouvert au public de mars à octobre. A Noël les cigognes se reposent, elles se gavent de Bredele ! Elles aussi !
* Joyeux Noël en alsacien