- Le nouveau président de l’Union Azali Assoumani(Ph : DR)
POLITIQUE
Le colonel Azali élu président de l’Union
Les élections présidentielles ont dominé l’actualité politique aux Comores de la fin de l’année 2015 à mai 2016.
Bien que la Constitution prévoit une présidence tournante entre les îles et que le tour revenait à l’île de Ngazidja, l’ancien président Ahmed Sambi, originaire d’Anjouan avait manifesté depuis plusieurs mois sa volonté de se présenter à ces élections. Cela a créé une certaine effervescence dans l’archipel avant même les dépôts des candidatures comme en 2010, lorsque le même Ahmed Sambi a voulu se maintenir au pouvoir au-delà de son mandat en mettant fin à la tournante. La tension s’est focalisée dans un bras de fer opposant l’ancien président qui affirmait qu’il serait candidat coûte que coûte et le ministre de l’Intérieur, Houmed Msaidie qui promettait aux Comoriens que son adversaire ne pourrait pas se présenter au vu des textes en vigueur.
La Cour constitutionnelle a fini par dire le droit et invalider la candidature de l’ex-président Abdallah Sambi. Après quelques mouvements de ses partisans, à l’intérieur et à l’adresse de la communauté internationale, le parti Juwa a décidé de soutenir la candidature de Fahmi Saïd Ibrahim ; celui-ci acceptant de saborder son Parti pour l’Entente Comorienne (PEC) pour rejoindre le Juwa.
25 candidats se sont présentés à la primaire de cette élection. Mohamed Ali Soilihi (Mamadou), perçu comme le candidat du gouvernement est arrivé en tête (17,61 %) suivi de très près par les deux autres candidats : le gouverneur de l’île de la Grande-Comore, Mouigni Baraka (15,09 %) et l’ex-président Azali Assoumani (14,96 %).
L’entre-deux tours fut marqué par des manifestations provoquées par les partisans de Fahmi Saïd Ibrahim (arrivé 4e et éliminé avec 14,45 %) qui ont réussi à rallier un grand nombre des candidats éliminés au premier tour pour réclamer un recomptage des voix. Ces candidats estimaient que des fraudes avaient eu lieu pendant ce premier tour marqué par des erreurs de comptage flagrantes et publiées immédiatement dans les réseaux sociaux.
Cependant, après la proclamation officielle des résultats par la Cour constitutionnelle le mouvement prit fin d’autant que l’armée s’était montrée très ferme en cantonnant les manifestants dans des espaces réduits et en opérant quelques arrestations musclées.
Le deuxième tour a connu une tension très forte entre celui qui était officiellement le candidat du gouvernement et l’ancien président Azali qui avait encore de forts soutiens au sein des structures de l’État comorien. Le jour du vote, à Anjouan, plusieurs bureaux de vote ont été saccagés par des partisans d’Azali qui soupçonnaient des opérations de fraudes. Ces destructions de bureaux ont amené la Cour constitutionnelle à proclamer des résultats partiels et à exiger une reprise des votes dans les régions où eurent lieu ces incidents. Après ce que les partisans du colonel Azali ont appelé un « troisième tour », le 15 mai, la Cour constitutionnelle a proclamé les résultats qui donnaient vainqueur Azali Assoumani avec 41,43 % des suffrages contre 39,66 % à son principal adversaire.
Les partisans de Mohamed Ali Soilihi avaient déclaré qu’ils respecteraient les résultats proclamés par la Cour constitutionnelle, et puisqu’il n’y avait plus aucun recours possible, le président Azali entama une tournée de remerciements et de fêtes. Il fut investi le 26 mai et il nomma son premier gouvernement cinq jours plus tard.
La composition du gouvernement reflète l’alliance conclue entre la CRC et le parti Juwa, puisque deux ministères (Relations extérieures et Justice), ainsi que le Secrétariat d’État au tourisme sont confiés à ce parti. Il est aussi marqué par l’absence de femme ministre, le président n’ayant nommé qu’une Secrétaire d’État qui selon les règles en vigueur ne peut apparaître en conseil des ministres que lorsque celui-ci évoque une question touchant à sa charge.
La mesure la plus importante prise par ce gouvernement dès sa nomination a été de licencier, toutes les personnes qui ont été embauchées de janvier à juin 2016, en supposant qu’elles ont toutes été recrutées pour des raisons électoralistes. Cette sanction collective a été ordonnée par deux arrêtés, celui du ministre de la Justice, Fahmi Said Ibrahim et celui du ministre des Finances, Said Ali Said Chayhane, tous deux pris en dehors de toute règle du droit du travail, sans préavis et sans indemnisation.
Résultats des primaires (21 février 2016)
Candidats - Suffrages - Pourcentages
Mohamed Ali Soilihi (Mamadou)
19 541 - 17,61 %
Mouigni Baraka
16 738 - 15,09 %
Azali Assoumani
16 596 - 14,96 %
Fahmi Said Ibrahim
16 034 - 14,45 %
Résultat de l’élection présidentielle (10 avril, puis reprise partielle le 11 mai 2016)
Candidats - Suffrages - Pourcentages
Azali Assoumani
81 214 - 41,43 %
Mohamed Ali Soilihi (Mamadou)
77 736 - 39,66 %
Mouigni Baraka
37 073 - 18,81 %
Portrait d’Azali Assoumani
Azali Assoumani, le nouveau président des Comores n’est pas un novice dans la fonction. En effet, il a déjà dirigé le pays à la suite d’un coup d’État, en avril 1999, et après une élection très contestée en 2002, élection au cours de laquelle ses deux concurrents se sont retirés après des fraudes massives au cours des primaires.
Officier de l’armée comorienne, le colonel Azali a été formé à l’Académie militaire de Meknès (Maroc) et à l’École de Guerre de Paris. Pourtant, les Comoriens lui reprochent souvent sa fuite vers l’Ambassade de France à Moroni lors du dernier coup d’État de Bob Denard en 1995, alors qu’il était le chef d’état-major.
À la fin de son mandat de quatre ans, en 2006, il quitte le pouvoir sans pouvoir faire élire son successeur. Son régime avait connu certains succès comme la mise en place de nouvelles institutions (l’Union des Comores) ou la création de l’Université des Comores. Mais, il a été également marqué par la corruption et des difficultés d’ordre social (manque d’eau et d’électricité pour la grande majorité des Comoriens). Il avait ainsi perdu les législatives avant les présidentielles.
Il n’était pas le candidat favori de ces dernières élections, mais il a bénéficié de soutiens de poids au sein de l’appareil de l’État. De plus, les partisans de l’ancien président Ahmed Sambi se sont en très grande majorité ralliés à lui pour punir ceux qui pour eux avaient causé l’invalidation de la candidature de leur président d’honneur, puis l’élimination de leur candidat.