Notre homme, donc, se nomme Dimitri Amilakvari et c’est un prince déchu. Il descend d’une famille aristocrate géorgienne contrainte à l’exil en 1921, lorsque l’Armée rouge décida d’envahir son pays et de le transformer par la force en République socialiste soviétique. La terreur rouge s’abat sur le pays et la Tchéka, la police politique bolchevique, commence à déporter les « ennemis de classe », les nobles, les prêtres et les bourgeois, dans des camps de travail.
Dimitri n’a que 15 ans lorsqu’il arrive en France et est immédiatement reconnaissant à la République française de lui avoir donné refuge. Il choisit rapidement la voie militaire. Dumas voyait dans l’âme géorgienne une force « belle, aventureuse, prodigue et guerrière ». Amilakvari confirme. Il est admis à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1924 et s’engage dans la Légion étrangère. Son destin, il le rencontre véritablement en 1940.
- Dimitri Amilakvari
Après la défaite de la France face aux troupes d’Hitler, il refuse de rendre les
armes et s’embarque pour l’Angleterre où il pose les pieds le 21 juin 1940. Il a enfin acquis la nationalité française il y a peu de temps. Sa Géorgie natale a été écrasée par les forces de Moscou vingt ans plus tôt. Il était gamin. Il a désormais 34 ans et il ne laissera pas la France aux envahisseurs allemands. Son choix est fait, ce sera celui de la France du Général De Gaulle. Il s’engage dans les Forces françaises libres. A cette occasion, il a ses mots : « Je dois tout à la France, ce n’est pas au moment où elle a besoin de moi que je l’abandonnerai. »
Surnommé « Bazorka », il participe activement à la campagne de Syrie aux cotés des britanniques en juin 1941. Les forces vichystes sont balayées au prix de combats fratricides. Plus de 300 tués et blessés sont comptabilisés parmi les Forces françaises libres.
En 1942, commence la campagne de Libye. Amilakvari qui est monté en grade n’hésite pas aller au contact. Redoutable meneur d’hommes, il commande une « Jock column », un commando tactique constitué d’automitrailleuses et de canons antichars. Lors d’une mission périlleuse dans le désert, son groupe détruit cinq chars allemands de l’Afrika korps. La Croix de la Libération lui est remise par le général de Gaulle le 10 août 1942.
La fatigue des combats s’accumule. Le danger est permanent. Deux mois plus tard, les soldats du Maréchal Rommel attaquent les alliés dans le désert égyptien, à El Alamein. Le lieutenant-colonel Amilakvari est atteint par un éclat d’obus allemand et tombe au milieu de ses hommes. Encore une semaine et il devait fêter son 36e anniversaire. Le corps martyrisé est enterré sur place. Son képi blanc de légionnaire est taché de sang. Quelques jours auparavant, il avait dit à ses camarades : « Nous, étrangers, n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a fait, c’est de mourir pour elle. »
Le 26 septembre 2021, la présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, a décoré à titre posthume de la plus haute décoration militaire géorgienne ce prince légionnaire en soulignant qu’il était « mort pour la France et sa liberté mais aussi pour la liberté de la Géorgie, accomplissant son destin, réunissant dans son sacrifice ses deux patries. »
Pour en savoir plus : Lire « Dimitri Amilakvari, un prince combattant » de Jean-Paul Huet.