POLITIQUE
Vers un apaisement du climat politique ?
Depuis les législatives du 22 février 2013, la vie politique djiboutienne est marquée par une crise profonde. Les partis de l’opposition, regroupés sous la bannière de la coalition, l’Union pour le Salut National (USN) revendiquent la victoire du scrutin du 22 février et donc la majorité des sièges au parlement contrairement aux résultats officiels qui donnent la victoire à la coalition au pouvoir, l’Union pour la Majorité Présidentielle (UMP). Face à cet imbroglio électoral, l’opposition mobilise, depuis, régulièrement ses partisans à l’intérieur du pays, mais également à l’extérieur (Amérique du Nord et Europe).
Depuis le 30 décembre 2014, le dialogue politique semble relancé. Un accord-cadre est signé entre le gouvernement et les partis d’opposition. L’accord-cadre entériné prévoit :
– l’amnistie en faveur des trois religieux qui ont été emprisonnés après la proclamation des résultats du scrutin du 22 février 2013. Ces personnalités recouvrent également leurs droits civiques.
– l’Intégration des huit députés de l’opposition à l’Assemblée nationale avec le paiement de leurs indemnités à compter du 23 février 2013.
– des réformes démocratiques et institutionnelles immédiates.
Toutefois des points de désaccord subsistent. Il s’agit :
– du rétablissement dans leurs droits et fonctions des élus locaux qui ont été destitués après la crise électorale.
– du rétablissement dans leurs droits des personnes suspendues, licenciées et celles ayant subi des préjudices.
– de l’arrêt de tout acte pouvant conduire à des situations de tensions entre les pouvoirs publics et les militants de l’opposition.
– de l’engagement des deux parties à veiller sur l’exercice de l’ordre constitutionnel, des lois, des libertés fondamentales en vue de garantir et renforcer ensemble la démocratie en République de Djibouti.
Après 8 mois de discussions, force est de constater que le dialogue reste dans l’impasse et le pouvoir fébrile à toute tentation d’ouverture à l’approche des élections présidentielles d’avril 2016. Sur fond de crise sociale, amplifiée par le chômage de jeunes, les chances de victoire de la coalition au pouvoir restent compromises et rien n’est joué d’avance même si l’opposition n’a pas, pour l’instant, un candidat déclaré. Face à cette situation, le silence sur la candidature de Ismael Omar Guelleh au scrutin de 2016 est interprété par certains comme une hésitation à s’engager dans une dernière bataille électorale, qui peut être celle de trop ; tant sa politique économique et sociale a échoué et les mécontentements touchent toutes les couches de la population.
- Djibouti, une plateforme logistique cible de la Chine (Flickr - United Nations Photo)
ÉCONOMIE
Djibouti mise sur la Chine : le Pari risqué ?
Afin d’ériger Djibouti comme une plateforme logistique pour les pays de la sous-région, les autorités nationales se sont lancées dans de vastes programmes d’investissements dans les infrastructures avec les Chinois. Ces investissements sont destinés à la construction d’un terminal minéralier à Tadjourah pour l’exportation de potasse, d’un port au Goubet pour l’exportation de sel, d’une nouvelle voie ferrée reliant Djibouti et Addis-Abeba, et d’un aqueduc en provenance d’Éthiopie. La construction de ports spécialisés supplémentaires (le terminal gazier de Koubato, le quai de Damerjog), de deux aéroports et d’une voie ferrée au nord du pays sont également dans le programme d’investissement. Ces frénésies d’investissements marquent le rapprochement de Djibouti et de Beijing.
Afin de sécuriser ses approvisionnements énergétiques, la Chine cherche à renforcer sa présence économique et militaire dans la région. Car les Chinois multiplient non seulement les investissements économiques, mais ont également négocié l’installation d’une base navale au nord de Djibouti, dans la région d’Obock.
Cet afflux des capitaux chinois constitue une bouffée d’oxygène pour l’économie djiboutienne et dope les investissements directs étrangers. Pour les autorités djiboutiennes, la Chine constitue aussi, une alternative aux alliés traditionnels qui conditionnent souvent leur assistance aux réformes politiques.
Toutefois, à terme, la poursuite de la politique actuelle de l’endettement pour financer les infrastructures publiques pourrait remettre en cause sérieusement la capacité de l’État à assurer le service de la dette de manière non inflationniste, ce qui porterait atteinte à la stabilité monétaire (risque de dévaluation). Les craintes d’une crise de la dette sont renforcées par le manque de transparence et les conditionnalités peu avantageuses de la dette chinoise, comparé aux prêts concessionnels des partenaires traditionnels. S’ajoute à cela, la corruption qui gangrène l’administration et qui risque de saper les espoirs de retombées positives de ces projets en terme d’emplois. Dans un contexte social où le taux de chômage dépasse le 60 % de la population, des voix s’élèvent pour dénoncer la mainmise des entreprises chinoises avec leur main d’œuvre sur ces infrastructures.
L’euphorie suscitée chez les autorités par l’afflux de ces investissements chinois risque d’être de courte durée si les retombées économiques et financières ne vont pas au-delà de la petite élite d’hommes d’affaires proche du pouvoir, car le malaise social actuel constitue un terrain fertile à la contestation politique et sociale à une période où la majorité présidentielle et l’opposition se préparent à l’échéance électorale d’avril 2016.
SOCIÉTÉ - CULTURE
Femme politique, des lettres et de culture, Aicha Mohamed Robleh vient de signer son premier film « Pour une vie sans lame ». Ce long métrage est dédié à la cause féminine. Aïcha Mohamed Robleh, qui a associé à son projet de film les comédiens de « La voix de l’Est », sa troupe de théâtre, y aborde sans tabou la question des mutilations génitales féminines (MGF). Elle y rend compte aussi du combat sans fin engagé depuis plusieurs années à Djibouti pour éradiquer la pratique néfaste des MGF. L’œuvre engagée d’Aïcha Mohamed Robleh, constitue un témoignage poignant sur les souffrances d’un monde où les mots et les voix se mêlent pour dénoncer le phénomène des MGF. Destiné à faire évoluer les mentalités, le film a été projeté dans les villes de l’intérieur du pays : Obock, Tadjourah et Dikhil.
- De nombreuses "Linda" victimes de violences sexuelles (Flickr - Heimo Liendl)
Le film retrace la vie d’une jeune héroïne, Linda, une fillette de six ans qui découvre la vie en brousse en compagnie de sa grand-mère qui, ayant derrière la tête l’idée de l’exciser, décide de l’emmener loin de ses parents. Ces derniers, ignorant tout du projet diabolique de la vieille femme, apprennent au dernier moment ses véritables intentions. C’est pourquoi ils vont tout faire pour arracher leur petite Linda aux mains de la grand-mère qui entendait opérer en cachette.
Source :
http://www.africaneconomicoutlook.org/en/country-notes/east-africa/djibouti/