La Belgique espère-t-elle passer entre les mailles du filet, à l’occasion de son troisième Examen périodique universel (EPU) à l’ONU, à Genève, le 5 mai prochain ? Examen au cours duquel la situation des droits humains en Belgique sera passée en revue, point par point.
Engagement de la Belgique
D’une part, lors de la Journée internationale des droits humains, le 10 décembre dernier, notre Ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, n’a pas manqué de souligner que :« l’engagement de la Belgique en faveur des droits humains est inébranlable ». Et d’ajouter : « notre pays continue de se battre pour les droits inhérents à tous les individus, sans distinction de race, de sexe, de nationalité, de langue, de religion ou de toute autre situation. (…) Pour être crédible sur le plan international, il est essentiel que chaque pays respecte ses engagements à l’intérieur de ses propres frontières. Cela vaut également pour la Belgique ».
Lacunes du rapport national
D’autre part, à la lecture du rapport que la Belgique a fait parvenir à l’ONU, il est étonnant de constater que pas un mot n’ait été dit à propos de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ou du Protocole n°12 chargé de lutter contre toute forme de discrimination. La Belgique a pourtant accepté la recommandation des États-Unis de « poursuivre les efforts faits pour lutter contre la discrimination et soutenir les efforts d’intégration des membres des minorités ». Ayant accepté cette recommandation, la Belgique se devait de la mettre en œuvre. De plus, le Parlement européen, dans sa résolution de 2018 sur la protection et la non-discrimination des minorités dans les États membres de l’Union européenne, « engage tous les États membres à signer, à ratifier et à assurer l’application de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, du Protocole nº 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». La moindre des choses aurait été que la Belgique fasse le point sur l’état de la ratification de ces traités internationaux.
Pas un mot non plus sur le fait que le futur Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains, l’INDH belge, créé par la loi du 12 mai 2019, ne traitera pas des
plaintes individuelles. Alors que deux comités de l’ONU – le Comité des droits de l’homme (CCPR) et le Comité des Droits Économiques Sociaux et Culturels(CESCR) – se sont
inquiétés de cette question.
Pas un mot, enfin,sur le fait que l’organe compétent pour traiter des discriminations linguistiques n’a toujours pas été désigné, 14 ans après l’adoption des lois antidiscrimination de 2007.
Indice de démocratie en chute libre
Et, comme si cela ne suffisait pas, l’indice de démocratie de notre pays, calculé par The Economist, n’a jamais été aussi mauvais. En moins de quinze ans, la Belgique est passée de
la 20ème à la 36ème place sur les 167 pays examinés. Depuis 2014, année de l’entrée des nationalistes flamands de la N-VA au gouvernement, notre pays n’est plus repris dans le groupe des « pleines démocraties » (full democracies) mais dans celui des « démocraties imparfaites » (flawed democracies).
Qui plus est, le résultat de la Belgique, en ce qui concerne la « participation politique », est désastreux. Dans cette catégorie, qui tient notamment compte de la participation des
minorités dans le processus politique, la Belgique se retrouve à la traîne des États membres de l’Union européenne.
Rapport alternatif de la CAFF-ADHUM
Afin de dénoncer la situation inacceptable de la minorité francophone en Flandre, cinq associations, dont l’APFF, se sont regroupées pour former la Coalition des Associations
Francophones de Flandre et de l’Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités (CAFF-ADHUM) (1).
Elles ont envoyé un rapport alternatif (2) à l’ONU, aux représentations permanentes à Genève et aux ambassades en Belgique. Dans leur rapport commun, les associations de
la CAFF-ADHUM traitent en détail des thèmes suivants : – la protection des minorités nationales ; – le Protocole n°12 ; – l’INDH ; – les discriminations linguistiques ; – l’accès
à l’enseignement francophone ; – le respect des facilités linguistiques ; – l’utilisation du français dans les assemblées délibérantes ; – la société civile et le suivi de l’EPU. Suivent
12 propositions de recommandations.
(1) La CAFF-ADHUM est composée de l’Action Fouronnaise, l’Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités(ADHUM), l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF), Citoyens de Zaventem et Ronse bilingue – Renaix tweetalig.
(2) http://www.francophonie.be/caff-adhum/main/pdf/ctcaff-adhum2021.pdf