Trois jeunes aussi désœuvrés qu’un brin perchés s’installent dans un camping de Corrèze. De l’eau, de la verdure, de l’isolement volontaire, ils sont à l’avant-garde du mouvement post-Covid qui fera fuir certains citadins vers le rural profond. Nous sommes en 2015. Leur retraite politico-intello-folklo doit rester discrète. Ils ont un « invité » qu’ils protègent, chouchoutent, vénèrent dont la présence est si incroyable qu’ils ne veulent l’ébruiter... sur la chaise longue, là, oui là, la forme indéfinie avec la chevelure type serpillière, oui, là... c’est lui, c’est Kurt Cobain.
Le public est attablé, façon Octoberfest. Au cœur de la scène. Tantôt les yeux levés tantôt cherchant du regard le personnage prenant la parole, tapi dans un coin ou affalé sur un lit.
« Le » Kurt Cobain, oui, mais ici, il est Vieux Blond. Il se retape. Peut-être remontera-t-il sur scène quand il sera stable sur ses pieds et qu’il aura expulsé de son corps tous les produits étrangers, exogènes et toxiques ! En attendant chuuuut.
Manque de chance, la présence du zombi leader de Nirvana est déflorée. Un quadra, quadra et demi sans doute, se pointe à l’accueil du camping. Il souhaite élucider le mystère, Kurt ou pas Kurt ? Dans sa quête, il se confronte au trio parano, dialogue avec une ex de sa jeunesse et s’interroge sur les années 90 ? Années bien peu enthousiasmantes à en croire les échanges désabusés ou péremptoires des personnages. Le gardien du camping, philosophe par impulsion, père d’une jeune femme solaire, bougonne traînant derrière lui un mystérieux passé.
Les éclats de rire du public ponctuent ce long état des lieux des années 90 sérieusement foutraques. Drogues, coucheries, musiques grunge, textes dépressifs... une décennie qui étonnamment durera 25 ans, jusqu’à cet automne 2015 qui clôt la pièce. Automne furieux qui fait entrer l’Occident dans une autre ère. Un certain Orient, aussi. Vieux Blond reprendra-t-il goût à l’écriture et à la guitare ? 2015 sera-t-elle moins source de déprime ? Mal embarqué, Bataclan et Cie. Au fait, Vieux Blond est-il Kurt Cobain ? Fuck you avec vos questions à la con !
Oktoberfest ? Ce périple immobile dans les années 90 est arrosé d’une bière offerte par la troupe. Vieux Blond aurait sans doute préféré une bonne dose de poudre, mais l’auteur et metteur en scène, Gianni Grégory Fornet, n’a pas reçu l’autorisation de la Préfecture !
Rencontre éclair !
Lymia Vitte
Lymia est « la jeune jeune femme solaire » et l’« ex de sa jeunesse », double rôle à 180°. Elle rayonne. C’est à Lyon qu’elle s’est lancée dans le théâtre, elle travaille avec Alain Maratrat, comédien de la troupe de Peter Brook, excusez du peu, puis après une éclipse passée à Buenos Aires, elle vient à Paris suivre les cours de l’École Supérieure d’Art Dramatique.
Côté francophonie elle n’a de leçons à recevoir de personne. Son âme est constituée de plein de zestes : réunionnais, éthiopien, djiboutien et français. Mazette ! Que d’influences, que d’imaginaires sont distillés à chacune de ses envies de jouer ou d’écrire. Depuis une dizaine d’années Lymia Vitte s’est rapprochée de son zeste réunionnais. C’est là que les francophonies et les langues françaises l’ont rattrapées. Les créoles lui ont fait prendre conscience de la richesse de la francophonie. Tout comme ses collaborations avec RFI, ses expériences au Togo et en Guinée – au Festival, l’Univers des mots – et sa lecture du poète réunionnais Alain Peters. La comédienne savoure tellement le créole qu’elle juge inutile les sous-titres. Le spectateur n’a qu’à se laisser porter par la musicalité de la langue et tant pis si il lui manque quelques finesses. Pourquoi pas, un jour, proposer des ateliers en créole pour montrer la place et l’impact du créole dans les langues françaises ? Un jour ! Sans oublier l’écriture. Le théâtre documentaire lui fait de l’œil. Peut-être répondra-t-elle à l’appel ?