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Henry Quinson, d’un monde à l’autre

Henry Quinson, d’un monde à l’autre

Portrait d’un moine pas tout à fait comme les autres

Trader travaillant dans les plus hautes sphères de la finance puis simple moine éducateur de gamins en difficulté, Henry Quinson était conseiller sur le film "Des hommes et des Dieux". Un parcours en zigzag !

18 mars 2011 - par Dominique Colonge 
Henry Quinson - le Moine des Cités - © édition : Nouvelle Cité
Henry Quinson - le Moine des Cités
© édition : Nouvelle Cité

Nous sommes dans les quartiers nord de Marseille. Ceux qui ont une réputation sulfureuse. On y compte beaucoup de communautés d’origine étrangères, une grande majorité de culte musulman, un taux de chômage élevé et une misère sociale criante. Les barres d’immeubles gris et dégradés sont plantées comme des champignons. Sur un espace goudronné où les gamins jouent au foot en rêvant aux exploits de Zidane, l’enfant du pays, un grand gaillard attire tous les regards. Élancé, vêtu de noir, de fines lunettes posées sur le nez, il serre des mains avec franchise, sourit avec un naturel déconcertant et échange quelques mots avec chacun. De 7 à 77 ans ! Ici Henry Quinson est connu comme le loup blanc mais peu de gens savent vraiment qui il est. Ils savent juste ce qu’il fait depuis une douzaine d’années !

Cet homme élégant, né dans les beaux quartiers de Paris avant d’étudier et travailler à New York et à Bruxelles est moine. Un moine de terrain ! Son monastère se trouve dans un appartement de la cité. C’est là qu’il organise des après-midi de soutien scolaire pour une quarantaine de gamins du quartier. Avec trois autres moines, il a su créer des liens de confiance en se transformant, au fil des heures, de la journée en professeur d’anglais, écrivain public, assistante sociale ou en « copain » avec qui il fait bon parler et se livrer. La présence monastère Saint-Paul est déconcertante, mais reconnaissons qu’Henry Quinson a lui aussi une trajectoire de vie assez renversante !

Avant de partager la vie des plus pauvres ce brillant esprit partageait celle des plus riches. Trader fin connaisseur de la bourse et de Wall Street. Il nageait comme un poisson dans l’eau dans les méandres de la haute finance. Henry Quinson s’était offert une voie royale vers le paradis des boursiers. En plus de ses qualités professionnels, ses anciens patrons de la banque Indosuez, comme ses collaborateurs, se souviennent tous d’un « beau gosse » blagueur, imitant à merveille au téléphone les voix du général de Gaulle ou du Président Giscard D’Estaing. Pourtant l’homme s’est peu à peu convaincu que son avenir n’était pas là. Pendant sa jeunesse il avait déjà été tenté par la vie spirituelle et monastique mais ces vocations étaient bien trop éloignées de celles de son environnement familiale et social. Pourtant elles ne l’ont jamais lâchées. Tout en menant un début de carrière fracassant et prometteur il délaissa les ouvrages des grands théoriciens du capitalisme. Préférant se plonger dans les textes écrits par Madeleine Delbrêl. Une mystique, disparue en 1964, qui vécut avec les ouvriers communistes de la banlieue sud de Paris. De ces lectures, il apprit à respecter et apprécier toutes les couches sociales de la société, toutes les religions y compris les athées... C’est ainsi qu’au début des années 90, Henry Quinson s’isola dans un monastère cistercien de Savoie avant de partir étudier la théologie à Strasbourg. Il vida ses comptes en banque, bien garnis, effectuant des dons à diverses associations caritatives. Puis, en 1996, il posa ses maigres valises à Marseille et commença une autre vie. Définitivement il tourna la page de Wall Street et de la City londonienne ce qui lui fait dire avec humour : « La prime mensuelle que je touchais à Indosuez représente mon salaire annuel de prof à mi-temps ».

Sa vocation lui a permis de ne pas être mêlé au marasme bancaire et à la crise économique qui frappe aujourd’hui le monde. Dans un interview donné au journal le Monde au début de l’année 2009, Henry Quinson déclarait, avec humour et détachement, à ce sujet : « C’est plutôt une bonne nouvelle : ça va être plus facile d’acheter une maison ou son appartement... ». Lisant la presse économique américaine sur l’internet il constate sans émotion particulière : « l’agonie des fleurons de Wall Street et des banques d’affaires américaines ». Ses préoccupations ont bien changé. Aujourd’hui les cours de géométrie de ses jeunes protégés comoriens, algériens ou simplement français valent toutes les courbes des cours de bourse. La cité Saint-Paul et son modeste monastère sont le témoignage vivant de la compassion et de la solidarité qui existent entre des frères. Mais ne nous trompons pas sur l’engagement et la foi de cet étrange moine : il est aussi peu en accord avec les gourous de la finance qu’avec la haute hiérarchie de l’Église. Finalement Henry Quinson est un homme modeste et simple qui a osé abandonner son compte en banque pour épauler son prochain. Une belle preuve d’amour non ? Le bon sens populaire dit que « pour donner il faut savoir recevoir ». Sans conteste, il reçoit beaucoup de la part des familles reconnaissantes. En échange des leçons de français ou d’anglais qu’il dispense avec rigueur, il écoute avec délice les bons mots marseillais des adolescents du quartier plus sensibles au rap qu’à Victor Hugo. Chacun sa vie ! Henry Quinson est une passerelle...

Henry Quinson
Ph : Fanny Roca - Var Matin

Lire l'article sur VIDEO : Retrouvez Henry Quinson, face à face ! (Réalisée par Télérama.fr)

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