- (Flickr - miwok)
POLITIQUE
Les élections départementales
Les élections départementales ont toujours été des indicateurs de grande pertinence dans l’histoire de la vie politique française. Scrutins intermédiaires ou non, ces échéances locales ont constamment bousculé l’équilibre du moment ou renforcé les dynamiques politiques. Et à La Réunion ? Les élections pour le prochain premier (et peut être unique) Conseil départemental s’installent dans la logique des binômes au sein de nouvelles circonscriptions. Des figures connues, et bien ancrées, de la vie politique locale s’inscrivent dans ces nouvelles cohérences. Elles constituent des points d’appui, des pôles de repères pour un électorat qui doit en deux mois appréhender les nouveaux mécanismes de fonctionnement électif des cantons. Nonobstant ces continuités, il est remarquable de constater que dans les cantons s’opèrent des rapprochements, voire des conversions politiques avec la formation de duos politiques parfois inattendus. Au corps électoral d’évaluer l’efficacité de ces associations qui passent les clivages traditionnels. Les batailles électorales de mars prochain ne doivent surtout pas être simplement annexées aux futures régionales comme « un avant tour électoral ». Elles s’agencent de manière autonome. Il est certain qu’aucune élection ne peut être isolée sur une chronologie telle que l’année politique de 2015. Mais, le processus électoral des départementales peut construire ses propres logiques et devenir un élément déterminant dans la marche des régionales. L’état des forces politiques actuelles avec son atomisation et le poids des personnalités peut donner aux départementales une force de préfiguration capable de modifier la donne électorale.
- Nassimah Dindar, présidente de l’Assemblée départementale (Page Facebook de ND)
Depuis 2004, Nassimah Dindar
Depuis plus d’une décennie, Nassimah Dindar est à la tête du Conseil général avec un parcours original dans la vie politique de La Réunion. Un Itinéraire politique qui passe par le RPR, l’UMP, l’UDI avec la réorganisation des centres, des « modérés » et depuis 2008 toujours le souci de maintenir une position d’équilibre afin de maîtriser sa majorité tripartite départementale (droite-gauche). Sur l’axe chronologique récent s’observent des distorsions autorisant le discours en faveur de la marche des « progressistes » aux cantonales (mars 2011), le soutien à la liste de Paul Vergès (septembre 2011), la participation aux primaires socialistes (et donc de se reconnaître et signer le texte sur l’acceptation des « valeurs de la gauche »)… et finalement à la fin de l’année 2014 l’approbation du « pacte » des droites, des centres avec Didier Robert. L’argument sur le dépassement des clivages gauche/droite déjà présent dans son discours lors de son élection au Conseil général en 2008, sa volonté ne n’avoir pour parti que la réussite de La Réunion et de pouvoir partager la photographie d’un rassemblement avec la quasi-totalité des dirigeants politiques de l’île : ce sont là aussi des traits d’un itinéraire politique plus en ligne brisée qu’en ligne continue. La vie politique réunionnaise est souvent caractérisée par une forte plasticité de son personnel. La société politique peut se définir par cette succession d’ententes. Les stratégies ne surprennent plus l’opinion publique qui a contemplé la vie politique sur ces trente dernières années. L’électeur s’est habitué à cette capacité à sauter les lignes et changer les accords et les combinaisons selon les temporalités et les contextes.
La plate-forme politique droite-centre
Depuis le 4 octobre 2014, les droites et les centres (centre-droit) ont signé un pacte politique. Il regroupe 11 maires favorables à Didier Robert. Il s’agit de se présenter uni sur les deux consultations de l’année 2015. Une année politique décisive. Cet accord du 4 octobre 2014 a vocation à soutenir les présidents sortants c’est-à-dire Didier Robert et… Nassimah Dindar. Le pacte (qui prend le nom politique de Plate forme) vise à clarifier le positionnement de l’actuel président du Conseil général. Après quelques semaines de tractations et d’hésitations, elle rejoint les signataires. Une Alliance officialisée pour les scrutins de mars 2015 réunit désormais les droites et les centres. Effet immédiat de ce rapprochement : la mise à distance de Thierry Robert (député-maire de Saint Leu). Le leader du mouvement La Politique Autrement qui a toujours marqué son objectif de conduire une liste aux régionale ne peut que constater le changement de stratégie de Nassimah Dindar. Ce n’est en fait que la fin de l’illusion d’un « Grand Centre » réunissant des personnalités politiques. Avant les scrutins des municipales, puis au regard des résultats des élections de mars 2014, certains observateurs et acteurs de la vie politique avaient pu croire dans cette construction pourtant bien aléatoire. Et avant même que ne débute l’année 2015, le « Grand centre » implose. Le projet centriste (UDI, LPA, MoDem) comme alternatif à l’UMP de Didier Robert disparaît des radars de la politique réunionnaise. Thierry Robert considère que l’accord du 4 octobre n’est qu’un bout de papier supplémentaire ou un « arrangement d’arrière-cuisine électorale ». Pourtant il va devenir la colonne vertébrale de la droite et du centre. À cette unité retrouvée s’ajoute le contexte de l’impopularité gouvernementale. Dans cette conjoncture, les candidats du Pacte Droite-Centre présentent le plus souvent des candidatures uniques (sous la forme du binôme homme/femme dans chacun des 25 cantons) alors que les gauches sont atomisées et divisées. Autant dire que les socialistes (PS) et que les autres formations de gauche (Parti Communiste Réunionnais (PCR), Pour La Réunion (PLR)) entrent en position délicate dans ces scrutins départementaux.
Les deux tours de scrutin (22 et 29 mars 2015) vont dessiner un paysage politique réunionnais dominé par les candidats de droite et du centre. Le Conseil général sortant comptait 22 élus de gauche, 5 élus MoDem sur un ensemble de 49 sièges. Lors de cette échéance, la gauche se limite à 12 élus (6 PS, dont une écologiste, 4 PCR, 2 PLR), le MoDem (avec le LPA) n’a que deux sièges. Les votes dessinent une « île bleue ». « À droite toute » titre Le Quotidien (30 mars 2015). La droite et le centre avec sa Plate forme remportent exactement 36 des 50 sièges du nouveau Conseil départemental. Une majorité absolue qui marque la victoire de la stratégie de Didier Robert. Un équilibre des forces qui doit logiquement profiter à la réélection de Nassimah Dindar à la présidence de l’Assemblée. Un seul vote le 2 avril et un quatrième mandat. Le résultat du scrutin : 38 voix pour Nassimah Dindar, 8 voix pour Philippe Le Constant (PS), 4 votes blancs.
- L’abstention... (Flickr - miwok)
Une abstention massive
Devant ce tableau des résultats se trouve une donnée encore plus marquante pour la compréhension de ces élections. Elle s’appelle (classiquement) l’abstention. Le phénomène ne cesse de progresser graduellement lors de chaque consultation. Une abstention signe non d’une passivité, mais d’un refus bien conscient, d’une distance volontairement marquée avec le personnel et la société politiques (à l’échelle réunionnaise comme national). Concrètement dès le premier tour des candidats n’ont pu être proclamé élus bien qu’avec plus de 50 % voire 60 % des exprimés parce qu’en fait ils ne réunissait pas 25 % des inscrits. Terrible constat sur le suffrage universel, sur l’état d’esprit des inscrits.
Depuis trois décennies l’abstention s’impose et progresse à chaque scrutin. Elle touche fortement les scrutins européens. Aux Européennes de 2014, ce sont seulement 20 % des inscrits de La Réunion qui font vivre le suffrage universel. Plus globalement, la progression constante de l’abstention pose la question de la représentativité des élus et de la démocratie représentative. Le 22 mars, lors du premier tour des départementales, l’abstention a atteint un niveau record. Près de 350.000 inscrits se sont mis hors des urnes. Cela transcrit un phénoménal désintéressement, mais plus encore une colère, un désaveu, un rejet des pratiques politiques. À ce « débrayage électoral », il faut ajouter l’ensemble des bulletins blancs et des bulletins nuls. Depuis le 1er avril 2014, nous pouvons distinguer les bulletins blancs. À l’évidence (au regard des chiffres exceptionnels), le corps électoral a manifesté aussi en votant et en déposant ces bulletins, mais aussi des « bulletins nuls » énoncent le refus de choisir entre les binômes. Cela en dit long sur la perte de crédibilité de l’offre politique. Pour les scrutins départementaux se dégage au contraire dans les premières observations un phénomène de généralisation, qui traverse les générations. L’abstention est globale et touche fortement toutes les catégories d’âge. Après ce constat, l’analyse sera aussi portée sur la trajectoire de l’abstention lors des élections régionales des 6 et 13 décembre 2015.
- L’économie du tourisme en difficulté (Flickr - Jacob Hürner)
ÉCONOMIE
Tourisme en difficulté
Depuis déjà deux années, les chiffres du nombre de touristes (405.000 en 2014) marquent une baisse (voir le tableau ci-dessous). Dans un secteur essentiel pour le développement économique et face aux succès de l ’île Maurice, La Réunion se trouve dans une mauvaise passe. Derrière ces chiffres se lisent une chute des arrivées de touristes français et inversement une progression des touristes allemands, belges et suisses. Bien sûr, les représentations liées à la « crise requin » ont leurs effets sur ce mouvement. En 2015, La Réunion continue avec ses drames humains. L’île a déjà connu depuis le début de l’année deux attaques mortelles de requin (février et avril).
Dans l’étude des chiffres du tourisme s’ajoutent aussi des données liées au prix du billet d’avion, à l’offre hôtelière, au problème des visas, aux retards prix en direction de la clientèle chinoise… Situation paradoxale aussi lorsque sont examinés les indicateurs de satisfaction des touristes qui dépassent la barre de 90 %. Autant dire que le dossier Tourisme sera aussi au cœur des enjeux des élections régionales de décembre 2015.
Nouvelle Route Littoral
Depuis la fin des années cinquante, le trajet reliant Saint Denis le long de la falaise sur une direction nord-sud/sud-nord constitue un constant objet de débats. Liaison essentielle (de 13 kilomètres) pour le développement économique, après plusieurs tracés, plusieurs réalisations dont la première s’achève en 1963, la route le long du littoral demeure un enjeu et une thématique des débats politiques, économiques. En 2010, lors des élections régionales, le débat sur le Tram-Train avait été au cœur des scrutins. Il en sera de même en 2014 sur le projet de Nouvelle Route du Littoral portée par la Région. Le chantier a été engagé, mais l’horizon de l’achèvement se situe en 2020. Un projet qui associe deux routes digues et un viaduc a suscité de multiples oppositions (coût de 1,6 milliard et probable dépassement, son impact sur l’environnement, la sécurité liée aux risques cycloniques…). Mais depuis plusieurs semaines (avril-juin), le débat se déplace sur le terrain des carrières qui doivent fournir les roches nécessaires aux chantiers. Faut-il importer des roches de Madagascar ? Exploiter des carrières sur le sol de La Réunion ?
Depuis le milieu de la décennie 50, les débats sur cette route (corniche, littoral, NRL…) ont rythmé l’histoire de la vie politique réunionnaise. Il en sera ainsi pour 2014 comme cela l’a été en 2010. Nous voyons déjà l’organisation d’associations, de site internet avec des objectifs contradictoires, mais qui marquent l’empreinte du sujet. Le citoyen (par des avis favorables ou défavorables au projet) entend intervenir sur ce dossier. Comment ne pas voir l’impact des mobilisations sur le dossier de la NRL en constatant ainsi l’intensification des échanges sur les réseaux sociaux et la circulation sur les écrans numériques des flux d’informations et de connaissances. Il y a eu avec la mobilisation contre la carrière de Bois Blanc un incontestable sondage qui a été promptement lu et compris par les candidats aux régionales. Plus de 4000 personnes unies par cette chaîne humaine cela signe une dynamique que les acteurs politiques ne peuvent (et n’entendent certainement pas) ignorer. En réaction une autre association (« Touch pa not NRL ») s’est fait entendre reprenant l’argument avancé par le Premier ministre lors de sa visite à La Réunion : (« C’est un axe structurant pour le développement de l’île de La Réunion. Elle doit bien sûr être exemplaire sur un plan environnemental. Toutes les infrastructures aujourd’hui doivent l’être et nous y veillerons. Ce chantier a une dimension spectaculaire, une dimension exceptionnelle, mais il faudra aller jusqu’au bout »). Autant dire que le chantier de la NRL se retrouvera une fois encore dans les dossiers-clés du vote pour les élections régionales de décembre 2015.
Un volcan qui fait le spectacle
Le Piton de la Fournaise a offert déjà deux belles représentations pour des spectateurs enchantés de saisir les beautés de ses éruptions. Spectacle magique qui a été préparé par une phase de séismes, un gonflement du cône volcanique avant que débute la dernière éruption du 17 mai 2015. En février, le volcan avait joué à guichet fermé pendant 12 journées, en mai il a de nouveau été en action sur une période de 14 jours. Autant dire la satisfaction des habitants de l’île et bien sûr des touristes qui ont pu passer des nuits à observer les fontaines de laves et les feux d’artifice de l’éruption.